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19/08/2021 | FRANCE | N°19LY03969

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 août 2021, 19LY03969


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 octobre 2019, 24 septembre 2020 et le 10 décembre 2020, la SAS Meyzieu Distribution, représentée en dernier lieu par Me Calvet-Baridon, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Meyzieu a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'enjoindre au maire de Meyzieu d'instruire à nouveau sa demande et d'y statuer, après avis de

la Commission nationale d'aménagement commercial, dans un délai de 4 mois à compter de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 octobre 2019, 24 septembre 2020 et le 10 décembre 2020, la SAS Meyzieu Distribution, représentée en dernier lieu par Me Calvet-Baridon, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Meyzieu a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) d'enjoindre au maire de Meyzieu d'instruire à nouveau sa demande et d'y statuer, après avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, dans un délai de 4 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de rejeter les demandes de la Commission nationale d'aménagement commercial et des intervenants volontaires.

Elle soutient que :

- l'intervention de l'association " En toute franchise " est irrecevable, son champ d'intervention géographique étant trop large pour lui donner intérêt à agir ;

- l'UCAM et les autres intervenants n'ont pas qualité pour présenter des observations sur le moyen tiré du caractère prématuré de l'avis émis par le service départemental d'incendie et de secours ;

- les intervenants, qui ne sont pas des parties à l'instance, ne sont pas recevables à demander le paiement d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- l'arrêté attaqué vise un avis défavorable prématuré du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours, antérieur au dépôt de la demande de permis de construire ;

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) est entaché d'irrégularité, dès lors qu'il repose sur un avis du ministre chargé de l'urbanisme lui-même entaché d'une irrégularité substantielle pour s'être fondé sur des dispositions qui n'étaient pas applicables au projet, ce moyen de légalité externe étant recevable ;

- en se bornant à considérer, sans demander de complément d'information, qu'elle n'était pas en mesure d'apprécier la conformité du projet au critère de l'animation de la vie urbaine, la Commission nationale d'aménagement commercial a insuffisamment motivé son avis ;

- elle n'avait pas l'obligation de préciser les enseignes pressenties au titre de l'extension projetée, et l'atteinte à l'animation de la vie urbaine ne peut être regardée comme caractérisée en l'espèce, dès lors que le projet contribuera à limiter l'évasion commerciale et bénéficiera ainsi aux commerçants indépendants de centre-ville, dont il complètera l'offre ;

- la CNAC a porté une appréciation erronée sur l'impact du projet sur les flux de transport, compte tenu des aménagements routiers déjà décidés par l'Etat et les collectivités territoriales, auxquels elle va contribuer financièrement ;

- le critère de consommation économe de l'espace, qui n'impose pas le maintien systématique de l'affectation agricole des terres, n'est pas compromis par le projet ;

- la CNAC a porté une appréciation erronée sur l'insertion architecturale et paysagère du projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 et 23 janvier 2020, la commune de Meyzieu, représentée par la Selarl Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés, dans le dernier état de ses écritures, s'associe aux demandes de la SAS Meyzieu Distribution et demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés les 6 février 2020 et 29 septembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le moyen de légalité externe soulevé le 24 septembre 2020 et tiré de ce que son avis serait entaché d'irrégularité, qui relève d'une nouvelle cause juridique, est irrecevable pour avoir été formulé après l'expiration du délai de recours ;

- les autres moyens soulevés par la SAS Meyzieu Distribution ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 4 mai 2020 et 5 novembre 2020, l'Union des commerçants et artisans de Meyzieu (UCAM), la SARL Colibris, la SARL Panaloca, la SARL LPSCBB, la SARL Eva Louise, la SARL Optique mes yeux, la SARL La Fromagerie Rose et Fred, et l'association " En toute franchise département du Rhône ", représentées par la Selarl Concorde Avocats, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la SAS Meyzieu Distribution une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent qu'elles ont intérêt à agir et que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020, par ordonnance du 5 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Calvet-Baridon, représentant la SAS Meyzieu Distribution, de Me Cohendy, représentant la commune de Meyzieu, et de Me Girard, représentant l'UCAM et les autres parties et intervenants ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Meyzieu Distribution a déposé le 22 août 2018 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la requalification et de l'extension en 3 phases du centre commercial " Le Grand Large " à Meyzieu (Rhône) afin de le porter de 11 381 m² à 37 000 m² de surface de vente. Elle demande à la cour d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de Meyzieu, après avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, a refusé de lui délivrer ce permis.

Sur l'intérêt à agir de l'association " En toute franchise département du Rhône " :

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant [peut], dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". Il résulte notamment de ces dispositions que la personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un recours administratif préalable obligatoire contestant l'avis favorable délivré par la commission départementale sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel en ce qu'elle concerne la décision du maire en tant qu'elle refuse l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée.

3. Il résulte de ses statuts que l'association " En toute franchise département du Rhône " s'est donné pour objet notamment la défense et la préservation du cadre de vie contre toute atteinte qui y serait portée par l'autorisation de surfaces destinées au commerce ainsi que la défense des intérêts collectifs de la profession de commerçant indépendant et d'artisan, en veillant en particulier à la légalité des autorisations d'aménagement commercial et des autorisations d'urbanisme portant sur des surfaces destinées au commerce, en s'assurant d'un développement commercial respectueux du cadre de vie et présentant des garanties suffisantes en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs, en représentant les franchisés, ex-franchisés, commerçants indépendants et artisans devant les pouvoirs publics, et en assurant le respect de son objet social dans le cadre d'actions notamment devant les commissions d'aménagement commercial relatives au département du Rhône et devant les juridictions administratives. Au vu de son objet social et dès lors que, contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, le ressort géographique du département du Rhône n'est pas excessivement large, l'association justifiait d'un intérêt à contester devant la Commission nationale d'aménagement commercial l'avis favorable émis le 15 novembre 2018 par la commission départementale d'aménagement commercial sur le projet de la SAS Meyzieu Distribution. En conséquence, elle a également la qualité de partie en défense dans la présente instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux demandes présentées avant le 1er janvier 2019 : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone (...) ".

5. Lorsqu'elle estime qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplète, il appartient à la Commission nationale d'aménagement commercial, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes.

6. Pour rendre un avis défavorable au projet soumis par la SAS Meyzieu Distribution, la CNAC s'est fondée sur un premier motif tiré de ce que l'opération envisagée allait générer une extension de 25 619 m² de l'ensemble commercial existant, soit une augmentation de 225 % de la surface totale de vente " sans qu'il soit précisé quelles seront les enseignes retenues pour 55 cellules commerciales " et qu'il était ainsi " actuellement difficile d'apprécier les effets globaux d'un projet d'une telle ampleur en termes d'animation urbaine d'autant plus que ce projet est situé à 2 kilomètres du centre-ville de Meyzieu ".

7. En refusant d'emblée l'autorisation au motif que les enseignes retenues n'étaient pas précisées, alors que les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce applicables au projet n'imposent pas d'énumérer les enseignes retenues mais seulement, le cas échéant, et sous condition de surface, le secteur d'activité envisagé des magasins, et qu'il appartenait à la commission, si elle s'estimait insuffisamment informée, d'inviter le pétitionnaire, préalablement à la séance, à préciser ces secteurs d'activité et non de refuser de porter son appréciation sur le critère de l'atteinte à l'animation de la vie urbaine, la CNAC a entaché son avis d'une double erreur de droit.

8. Ce premier motif présentant un caractère déterminant, eu égard à sa position en tête de l'avis de la CNAC ainsi qu'aux développements qui lui sont consacrés, il ne résulte pas de l'instruction que la CNAC aurait rendu le même avis si elle s'était uniquement fondée sur les autres motifs ayant justifié son avis défavorable. Par voie de conséquence, l'arrêté du 20 septembre 2019 du maire de Meyzieu portant refus de permis de construire est entaché d'illégalité.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité ou sur la recevabilité des observations présentées en défense à l'un de ces moyens.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Meyzieu Distribution est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 20 septembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique seulement qu'il soit enjoint au maire de Meyzieu, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre une nouvelle décision sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale de la SAS Meyzieu Distribution, après nouvel avis de la CNAC.

Sur les frais liés au litige :

12. Le désistement de la commune de Meyzieu de ses conclusions initialement présentées au titre des frais liés au litige est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sont applicables aux défendeurs pour les motifs exposés au point 2 du présent arrêt, font, par ailleurs, obstacle à ce que la SAS Meyzieu Distribution, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'UCAM, la SARL Colibris, la SARL Panaloca, la SARL LPSCBB, la SARL Eva Louise, la SARL Optique mes yeux, la SARL La Fromagerie Rose et Fred, et à l'association " En toute franchise département du Rhône " la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 20 septembre 2019 du maire de Meyzieu est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Meyzieu, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre une nouvelle décision, après nouvel avis de la CNAC, sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale de la SAS Meyzieu Distribution.

Article 3 : Il est donné acte à la commune de Meyzieu du désistement de ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Meyzieu Distribution, à la commune de Meyzieu, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial, à l'Union des commerçants et artisans de Meyzieu, à la SARL Colibris, à la SARL Panaloca, à la SARL LPSCBB, à la SARL Eva Louise, à la SARL Optique mes yeux, à la SARL La Fromagerie Rose et Fred et à l'association " En toute franchise département du Rhône ".

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 août 2021.

4

N° 19LY03969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03969
Date de la décision : 19/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial. - Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DOITRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-08-19;19ly03969 ?
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