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21/07/2021 | FRANCE | N°21LY00717

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 21 juillet 2021, 21LY00717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 2007540 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. E... un titre de séjour portan

t la mention "étudiant" et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 2007540 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention "étudiant" et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour

I- Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 mars 2021 et le 7 mai 2021 sous le n° 21LY00717, le préfet de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant alors qu'un tel moyen, comme le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour en qualité d'étudiant ;

- le moyen soulevé devant le tribunal était celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur l'issue de ses études et non l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui repose sur le fait qu'il ne dispose pas d'un visa de long séjour, qu'il a suivi une scolarité en France depuis seize ans et qu'il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français, n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ;

- il ne peut bénéficier de l'exemption de visa puisqu'il est entré en France après l'âge de seize ans et a demandé la délivrance de son titre de séjour après l'année de son dix-huitième anniversaire ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant ;

- il a examiné la possibilité de régulariser la situation de M. E... ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2021, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés en appel par le préfet ne sont pas fondés ;

- le préfet, qui s'est senti lié par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

II- Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 mars 2021 et le 7 mai 2021 sous le n° 21LY00718, le préfet de l'Ain demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2007540 du tribunal administratif de Lyon du 12 février 2021.

Il soutient que les moyens qu'il soulève dans la requête au fond sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, M. E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande de sursis à statuer du jugement n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les observations de Me C... pour M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., ressortissant congolais né le 13 juillet 2001 à Brazzaville (République du Congo), est entré en France de façon irrégulière à la date déclarée du 28 septembre 2017. Il a sollicité le 28 juillet 2020 un titre de séjour en qualité d'étudiant. Par arrêté du 23 septembre 2020, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et enjoint au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "étudiant". Le préfet demande l'annulation de ce jugement par sa requête n° 21LY00717 et qu'il soit sursis à son exécution par sa requête n° 21LY00718.

2. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont dirigées contre le même jugement.

Sur la requête n° 21LY00717 :

3. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. E..., le préfet de l'Ain a relevé que si l'intéressé justifiait suivre des études supérieures en France et démontrait avoir suivi une scolarité en France sans interruption depuis l'âge de seize ans, il ne disposait pas d'un visa de long séjour et n'était pas entré régulièrement sur le territoire national.

4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait.

5. Devant le tribunal, M. E..., qui n'a pas contesté ne pas remplir les conditions légales pour obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant, s'est prévalu du sérieux avec lequel il a mené ses études en France, en classes de 1ère puis de terminale scientifique, obtenant son baccalauréat avec la mention Bien, puis à l'IUT de Grenoble en première année de préparation du DUT " Mesures physiques ", et de la présence en France de cinq de ses sept frères et sœurs. Toutefois, la réussite constante dont le requérant a témoigné dans ses études et le fait qu'il devait très probablement obtenir son diplôme de DUT à la fin de l'année universitaire qui débutait lorsque le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant ne suffisent pas à établir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. E.... L'intéressé, célibataire et sans enfant, est arrivé récemment en France. Il a tardé à demander la délivrance d'un titre de séjour après sa majorité alors qu'il ne pouvait ignorer la nécessité de disposer d'un tel titre, une de ses sœurs étant française et ses autres frères et sœurs résidant régulièrement en France. Enfin rien ne parait faire obstacle à ce qu'il poursuive ses études en République du Congo où résident ses parents et ses plus jeunes frères et sœurs qui y ont fait leurs études. Le préfet de l'Ain est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E....

7. L'arrêté du 23 septembre 2020 a été signé par M. B... A..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration de la préfecture de l'Ain, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Ain, par un arrêté du 5 novembre 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture le lendemain. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. E... avant de prendre à son encontre les décisions litigieuses. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné, alors même qu'il ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant, la possibilité de régulariser sa situation. Par suite, l'erreur de droit alléguée n'est pas établie.

9. Compte tenu de la situation privée et familiale de M. E... décrite précédemment, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à l'encontre de l'intéressé un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.

10. L'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ne sont pas illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 septembre 2020. En conséquence, ce jugement doit être annulé et la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée. Ses conclusions présentées en appel tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, lui verse une somme au titre des frais du litige doivent également être rejetées.

Sur la requête n° 21LY00718 :

12. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 2007540 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Lyon, il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY00718 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à M. E... une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007540 du 12 février 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 21LY00718.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... E.... Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2021.

2

N° 21LY00717, 21LY00718


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 21/07/2021
Date de l'import : 15/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY00717
Numéro NOR : CETATEXT000043930359 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-07-21;21ly00717 ?
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