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29/06/2021 | FRANCE | N°21LY00370

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 29 juin 2021, 21LY00370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006330 du 30 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis Mme D... au bénéficie de l'

aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2006330 du 30 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis Mme D... au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 21LY00370 le 5 février 2021, Mme D..., représentée par SCP Robin Vernet, demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement du 30 octobre 2020 et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2021 par une ordonnance du 11 mai 2021.

Par une décision du 29 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D....

II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 21LY00372 le 5 février 2021, Mme D..., représentée par SCP Robin Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 30 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions du 28 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire sont insuffisamment motivées, n'ont pas été prises à l'issue d'un examen particulier de sa situation, dès lors que la demande d'asile est pendante devant la cour nationale du droit d'asile même si cette demande a été enregistré sous un nom erroné, qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas visé ni examiné sa situation au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- c'est à tort que le premier juge a substitué le fondement légal de l'obligation de quitter le territoire français en litige ; les dispositions de l'article L. 511-1 I 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à sa situation dès lors que sa demande d'asile a été examinée selon la procédure normale et non accélérée, si bien qu'elle bénéficie du droit de se maintenir jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ; elle a été effectivement privée de faire valoir des éléments incontestablement pertinents au regard de son état de santé ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français ne procède pas d'un examen particulier de sa situation ;

- cette décision méconnaît l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2021 par une ordonnance du 11 mai 2021.

Par une décision du 29 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D....

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., née en 1993, de nationalité bosnienne, est entrée en France, le 27 novembre 2018, pour y solliciter l'asile. Interpellée par les services de police le 26 août 2020, après avoir fait l'objet d'une mise en cause pour vol, le préfet du Rhône, par un arrêté du 28 août 2020, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme D... relève appel du jugement du 30 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté. Elle demande l'annulation et le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes relatives à la situation administrative d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 21LY00372 :

Sur la légalité de l'arrêté du 28 août 2020 :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 743-1 du même code : " L'attestation de demande d'asile est renouvelée jusqu'à l'expiration du délai fixé à l'article L. 743-1. (...) Sous réserve des dispositions prévues à l'article L. 743-2, en cas de recours contre une décision de l'office rejetant une demande d'asile, le renouvellement est effectué sur présentation de l'avis de réception d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile mentionné à l'article R. 733-8. (...)". L'article L. 743-2 du même code prévoit que : " Par dérogation à l'article L. 743-1 (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque :(...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) III. - L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : (...) 5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme D..., enregistrée par erreur sous le nom de Mme D..., a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2019, notifiée le 22 mai suivant. La requérante a introduit un recours devant la cour nationale du droit d'asile le 24 juin 2019. Il ressort du dossier de première instance que comme le soutient la requérante, et le mentionne l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée le 3 décembre 2019, sa demande d'asile a été examinée selon la procédure normale et non accélérée, quand bien même elle est originaire d'un pays d'origine sûr. Au demeurant, la préfecture lui a délivré une nouvelle attestation de demande d'asile en procédure normale valable du 5 novembre 2020 au 4 mai 2021. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa présence en France constituerait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, la requérante est fondée à soutenir qu'elle bénéficiait à la date de l'arrêté attaqué, du droit de se maintenir sur le territoire français, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué a fait droit à la demande du préfet du Rhône tendant à ce que le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur soit substitué comme base légale de l'arrêté attaqué au 1° du même article, et à demander l'annulation du jugement du 30 octobre 2020 et celle de l'arrêté du préfet du Rhône du 28 août 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, n'implique pas que le préfet du Rhône délivre à Mme D... une autorisation provisoire de séjour. Le recours devant la Cour nationale du droit d'asile de l'intéressée ayant été définitivement rejeté par une décision du 5 février 2021 notifiée le 19 février 2021, il n'y a plus lieu, à la date du présent arrêt, de renouveler l'attestation de demande d'asile de l'intéressée en application des dispositions de l'article R. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la requête n° 21LY00370 :

7. Le présent arrêt ayant statué sur la requête de Mme D..., tendant à l'annulation du jugement du 30 octobre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sur les frais liés aux litiges :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme D... tendant au bénéfice, au profit de son conseil, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 30 octobre 2020 et l'arrêté du préfet du Rhône du 28 août 2020 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21LY00372 est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme D... à fin de sursis à exécution.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme C... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.

2

N° 21LY00370 - 21LY00372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00370
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-29;21ly00370 ?
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