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17/06/2021 | FRANCE | N°19LY00672

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 19LY00672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société de droit étranger Mobiles Repair Limited a demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, ou à titre subsidiaire de prononcer la réduction de ces rappels à hauteur de 20 202 euros pour 2013 et de 12 227 euros pour 2014.

Par un jugement n° 1709072-1801412 du 20 décembre 20

18, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société de droit étranger Mobiles Repair Limited a demandé au tribunal administratif de Lyon, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, ou à titre subsidiaire de prononcer la réduction de ces rappels à hauteur de 20 202 euros pour 2013 et de 12 227 euros pour 2014.

Par un jugement n° 1709072-1801412 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, la société Mobiles Repair Limited, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- son siège de direction effective et par suite sa résidence fiscale sont à Hongkong, où elle dispose de matériel, de locaux d'exploitation et d'un compte bancaire sur lequel sont enregistrées toutes les transactions effectuées et où est tenue sa comptabilité ; elle n'est en conséquence pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France, où elle ne dispose ni du siège de son activité économique, ni d'un établissement stable, ni de son domicile et de son adresse habituelle ;

- à titre subsidiaire, les prestations facturées par la société Dixcréation à la société Mobiles Repair Limited ouvrent droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 20 202 euros pour l'année 2013 et de 12 227 euros pour l'année 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord signé le 21 octobre 2010 entre la France et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et le décret n° 2011-1766 du 5 décembre 2011 portant publication de cet accord ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit chinois Mobiles Repair Limited exerce une activité d'achat et de revente de pièces détachées dans le secteur de la téléphonie mobile. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale française lui a notifié le 7 juillet 2016, selon la procédure de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, d'un montant total, en droits et pénalités, de 217 451 euros. La société Mobiles Repair Limited relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté, après jonction, ses demandes tendant à la décharge de ces rappels.

Sur le principe de l'imposition :

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Le 1° du II du même article prévoit que : " Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire ". En vertu de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées (...) ". Le I de l'article 258 du code dispose que : " Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : / a) Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur (...) ". Selon l'article 283-0 du même code : " Pour l'application des articles 283 à 285 A, un assujetti qui réalise une livraison de biens ou une prestation de services imposable en France et qui y dispose d'un établissement stable ne participant pas à la réalisation de cette livraison ou de cette prestation est considéré comme un assujetti établi hors de France ". Aux termes du 1 de l'article 283 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...). Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

4. Il résulte de l'instruction que la société Mobiles Repair Limited exerce dans le secteur de la téléphonie mobile une activité de revente de pièces détachées, acquises auprès de fournisseurs chinois et revendus à destination d'une clientèle essentiellement française par l'intermédiaire de son site Internet ou d'autres sites marchands, les expéditions étant assurées depuis la France par la SARL Dixcréation, immatriculée à Lyon. La requérante exerce ainsi une activité économique de livraison de biens imposable en France.

5. La société Mobiles Repair Limited, immatriculée à Hongkong, où elle a fixé son siège social statutaire et ouvert un compte bancaire, ne conteste pas qu'elle est domiciliée à la même adresse que la société SFM Corporate Services SA, avec laquelle elle a conclu un contrat de domiciliation commerciale dont une option permet de disposer de " bureaux virtuels ", avec réexpédition des appels et du courrier, en utilisant l'adresse de son prestataire. Si la requérante soutient disposer de locaux d'exploitation et de matériel à Hongkong, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Il n'est par ailleurs pas discuté que le compte bancaire ouvert à Hongkong, qu'elle peut gérer à distance, ne sert qu'au règlement des achats auprès des fournisseurs, des factures de la société Dixcreation ainsi que des frais financiers, à l'exclusion de frais de personnel ou des charges d'exploitation d'un local. Il n'est pas davantage contesté que M. A..., dirigeant et associé unique de la société Mobiles Repair Limited, et également gérant de la société Dixcreation, est domicilié et réside en France, où il exerce son activité dans les locaux de la société Dixcreation, sans justifier des déplacements qu'il aurait effectués à quelques reprises en Chine. Il résulte enfin des éléments saisis à l'occasion de l'exercice du droit de visite et de saisie exercé en vertu de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales que les factures émises par les fournisseurs chinois sont établies au nom de M. A... ou de la société Dixcreation, et mentionnent l'adresse lyonnaise de la société Dixcreation. Par suite, il résulte de l'instruction que la société Mobiles Repair Limited, bien qu'immatriculée à Hongkong, dispose en France d'un établissement stable participant à la réalisation des livraisons de biens et se caractérisant par un degré suffisant de permanence et une structure appropriée en termes de moyens humains et techniques, lui permettant d'effectuer ces livraisons de manière autonome, et qu'elle est en conséquence redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur ses opérations imposables en France. Dès lors que les livraisons peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du livreur.

6. La société Mobiles Repair Limited ne peut enfin, pour faire obstacle aux rappels en litige, utilement se prévaloir de l'accord bilatéral du 21 octobre 2010 visé ci-dessus, dont l'article 2 précise que : " Les impôts actuels auxquels s'applique l'Accord sont notamment : / a) En ce qui concerne la France : / i) L'impôt sur le revenu ; / ii) L'impôt sur les sociétés ; / iii) Les contributions sur l'impôt sur les sociétés ; / iv) La taxe sur les salaires ; / v) Les contributions sociales généralisées et les contributions pour le remboursement de la dette sociale ; / vi) L'impôt de solidarité sur la fortune ; / y compris toutes retenues à la source, tous précomptes et avances décomptés sur ces impôts. / (...) L'Accord s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue qui seraient établis après la date de signature de l'Accord et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient, ainsi qu'à tout autre impôt s'inscrivant dans le cadre du présent Accord que l'une des Parties contractantes pourrait percevoir à l'avenir (...) ". Il résulte ainsi de ces stipulations que l'accord ne s'applique pas en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure de rectification contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article L. 56 du même livre dispose que : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Selon l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, applicable en cas de procédure de taxation d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription (...) ".

8. La requérante, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France, ne conteste pas la régularité du recours à la procédure de taxation d'office, faute pour elle d'avoir déposé dans les délais légaux les déclarations qu'elle était tenue de souscrire. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'administration fiscale a notifié à la société Mobiles Repair Limited, à l'adresse déclarée de son siège social à Hongkong, la proposition de rectification du 7 juillet 2016, par pli recommandé qui lui a été retourné par les services postaux avec la mention " refusé " en langue anglaise. En se bornant à alléguer qu'elle n'aurait refusé aucun pli et que son dirigeant ne se serait pas trouvé en Chine à la date de cette notification, la requérante, à laquelle il appartient de prendre toute disposition afin d'assurer la réception de son courrier, n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause la véracité de la mention portée sur le pli par les services en charge de sa distribution. Elle ne peut, dans ces conditions, utilement discuter de la régularité de la notification également effectuée en France, à l'adresse considérée par l'administration comme celle du siège de la direction effective. Par suite, le moyen tiré de l'absence de notification régulière des rectifications doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la société Mobiles Repair Limited ne serait pas redevable des impôts commerciaux en France doit être écarté pour les motifs exposés aux points 4 à 6 du présent arrêt.

10. Si la société requérante demande en second lieu, à titre subsidiaire, à bénéficier de la déductibilité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Dixcreation à l'issue d'une vérification de comptabilité distincte, au titre des prestations facturées à la société Mobiles Repair Limited, il n'est pas contesté qu'aucune facture mentionnant le montant de la taxe sur la valeur ajoutée n'a été établie par la société Dixcreation, en méconnaissance du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts, et il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que des factures rectificatives seraient intervenues.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mobiles Repair Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Mobiles Repair Limited la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Mobiles Repair Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mobiles Repair Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N° 19LY00672


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Territorialité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 17/06/2021
Date de l'import : 29/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY00672
Numéro NOR : CETATEXT000043698821 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;19ly00672 ?
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