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03/06/2021 | FRANCE | N°19LY01230

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 juin 2021, 19LY01230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, ainsi que pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700064 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a substitué à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses appliquée aux droits rappelés la majoration de 40 % pour manquement délibéré

et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, ainsi que pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1700064 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a substitué à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses appliquée aux droits rappelés la majoration de 40 % pour manquement délibéré et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement rejetant le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités restant en litige ;

3°) subsidiairement, de substituer à la majoration de 40 % pour manquement délibéré la majoration de 10 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elle ne permet pas d'identifier les motifs du recours au délai spécial de reprise de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ;

- l'application de ce délai spécial de reprise n'était pas justifié, l'administration disposant de la possibilité de procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; en outre, une enquête préliminaire n'est pas assimilable à une instance au sens des de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ;

- les dépôts d'espèces retenus par le vérificateur ne sont pas des recettes commerciales et doivent, par suite, être déduits des chiffres d'affaires reconstitués ;

- les recettes étaient comptabilisées hors taxe et la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces prestations a été déclarée ; les rappels de taxe sur la valeur ajoutée doivent être réduits à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée déjà déclarée ;

- les omissions de recettes directement encaissées sur son compte professionnel sont involontaires ;

- le caractère délibéré de son omission déclarative n'est pas établi.

Par un mémoire enregistré le 20 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui exerce une activité d'artisan taxi placée sous le régime réel simplifié en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dont il a été informé par un avis du 28 octobre 2014, portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a écarté la comptabilité présentée et a reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats en réintégrant des recettes encaissées sur le compte bancaire à usage mixte utilisé par l'intéressé. Il a également remis en cause le caractère déductible de certaines charges au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. En conséquence de ces redressements, M. B... s'est vu réclamer, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés selon la procédure contradictoire, lesquels ont été assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 5 février 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir substitué à cette pénalité la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré, a, par l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. A l'appui de ses conclusions, M. B... soulève le même moyen que celui présenté devant les premiers juges, tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application du délai spécial de reprise :

3. Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 188 C de ce livre, dans sa rédaction applicable : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

4. D'une part, des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de cet article lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en oeuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. Il en va également ainsi lorsque, à la date à laquelle l'administration dispose de ces informations, le délai prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales est expiré et qu'elle n'est plus en mesure, sur ce seul fondement, de réparer les insuffisances et omissions d'imposition. La circonstance que ces informations seraient ultérieurement mentionnées dans une procédure judiciaire n'ouvre pas à l'administration le droit de se prévaloir de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors qu'en pareille hypothèse, ces informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par cette instance.

5. D'autre part, pour l'application de cette disposition aux tribunaux répressifs, seul l'engagement de poursuites, qui inclut la phase de l'instruction conduite par le juge d'instruction, doit être regardé comme ouvrant l'instance au sens des dispositions précitées. L'ouverture d'une enquête préliminaire, en revanche, n'a pas un tel effet. Lorsque des insuffisances ou omissions d'impositions sont révélées à l'administration fiscale postérieurement à l'ouverture d'une instance, au sens de ces dispositions, le délai spécial de reprise est applicable, alors même que les insuffisances ou omissions d'impositions sont mises en évidence par des pièces de la procédure établies au stade d'une enquête préliminaire.

6. Il résulte de l'instruction que M. B... a fait l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité devant le tribunal de grande instance de Puy-en-Velay à l'issue de laquelle il a été condamné à une amende délictuelle de 1 000 euros et à trois mois d'emprisonnement pour des faits de soustraction à l'établissement des impôts ou au paiement des impôts, dissimulation de sommes et omission de déclaration aux impôts des sommes perçues pour les prestations effectuées, par une ordonnance du juge délégué de ce tribunal du 7 septembre 2015 homologuant les peines proposées par le procureur de la République près ce tribunal, après avoir été convoqué à l'audience de comparution par un procès-verbal du 11 mars 2014, signé par un officier de police judiciaire agissant sur instructions du procureur de la République données en application de l'article 495-7 du code de procédure pénale. Il résulte également de l'instruction que l'administration fiscale a été informée de cette procédure judiciaire par une lettre du procureur de la République du 4 septembre 2014 à laquelle était joint l'avis d'audience indiquant que M. B... était prévenu d'avoir effectué des transports de personnes sans procéder aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l'administration fiscale et d'avoir volontairement dissimulé une partie des sommes en espèces. Le 14 novembre 2014, l'administration fiscale a sollicité auprès du tribunal, dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorisation d'accéder aux pièces de la procédure judiciaire. Il suit de là que les insuffisances d'impositions concernant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, atteinte par la prescription de droit commun, ont été révélées à l'administration fiscale par une instance, au sens de l'article L. 188 C précité du livre des procédures fiscales, sans que la circonstance qu'elles aient été mises en évidence au stade d'une enquête préliminaire ne fasse obstacle à la mise en oeuvre du délai spécial de reprise. Enfin, la seule circonstance que l'administration pouvait exercer ses pouvoirs de contrôle ne permet pas en soi de considérer qu'elle disposait des informations nécessaires pour les mettre en oeuvre avant l'expiration du délai de reprise de droit commun, dès lors que rien, dans les déclarations souscrites par M. B..., ne permettait de soupçonner l'existence d'omissions de recettes. Par suite, l'administration était fondée à faire application du délai spécial de reprise et les impositions de la période mentionnée ci-dessus n'étaient pas atteintes par la prescription à la date à laquelle elles ont été mises en recouvrement.

En ce qui concerne les omissions de recettes :

7. A l'appui de ses conclusions, M. B... soulève le même moyen que celui soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que les crédits en espèces sur son compte bancaire retenus par le vérificateur ne sont pas des recettes. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.

8. M. B..., sur lequel pèse la charge de la preuve dès lors qu'il est constant que sa comptabilité était entachée de graves irrégularités et que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, soutient que les recettes qu'il avait déclarées et par référence auxquelles les omissions de recettes ont été calculées étaient enregistrées hors taxe dans sa comptabilité et non toutes taxes comprises comme l'a considéré l'administration. Le ministre fait valoir que pour calculer les omissions et insuffisances de déclaration de recettes, l'administration a pris en compte, s'agissant de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, les écritures comptables de l'activité de M. B..., et plus particulièrement celles du journal de banque n° 512 dans lequel il n'est pas contesté que les recettes sont enregistrées pour leur montant toutes taxes comprises et que s'agissant de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, l'administration s'est fondée sur le journal des opérations, dans lequel les recettes inscrites paraissaient pour leur montant hors taxes. En se bornant à soutenir que ces affirmations sont erronées de façon générale et sans produire davantage qu'en première instance, quelque pièce que ce soit, notamment comptable, au soutien de ce moyen, M. B... ne conteste pas sérieusement le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, dont il ne chiffre d'ailleurs pas la surévaluation alléguée. Le moyen invoqué doit, par suite, être écarté.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

10. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1 ci-dessus, le tribunal administratif a, dans le jugement attaqué, substitué à la majoration de 80 % pour manoeuvre frauduleuse appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la majoration de 40 % encourue en cas de manquement délibéré à une obligation déclarative.

11. Si M. B... soutient qu'il ignorait que les sommes encaissées sur son compte bancaire personnel et reversées sur son compte professionnel " n'étaient pas fiscalisées ", il ne pouvait ignorer que ces sommes, enregistrées comme des apports personnels et non comptabilisées ni dans le compte " produits " ni dans les comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée, présentaient le caractère de recettes devant être déclarées. En faisant valoir le caractère répété de ces omissions de recettes sur la période en cause, l'administration établit suffisamment l'intention délibérée d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration de 40 % confirmée à juste titre par le tribunal administratif.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

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N° 19LY01230

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01230
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Procédure de taxation.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SARRACO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;19ly01230 ?
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