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03/06/2021 | FRANCE | N°19LY00148

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 juin 2021, 19LY00148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS L'Escapade a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 28 février 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606981 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, la SAS L'Escapade, représentée par Me C..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS L'Escapade a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 28 février 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606981 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, la SAS L'Escapade, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux dépens de l'instance.

La SAS L'Escapade soutient que :

- c'est à tort que l'administration a soumis au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée son activité de location de l'ensemble immobilier dont elle est propriétaire ;

- il résulte des dispositions combinées des articles 279 et 260 D du code général des impôts que le propriétaire de locaux nus, meublés ou garnis, qui les loue au moyen d'un bail commercial à l'exploitant d'un établissement d'hébergement imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à ce titre, est lui-même imposable à cette taxe au taux réduit ;

- la mise à disposition d'une salle de fitness, d'un bar et d'un restaurant correspond à des prestations de services fournies accessoires à la prestation principale d'hébergement éligible au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, si bien que ces prestations doivent suivre le même sort fiscal ;

- l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans la réponse ministérielle faite à M. B..., député, le 17 février 1992 va au soutien de son argumentation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la SAS L'Escapade ne sont pas fondés.

La SAS L'Escapade a produit un nouveau mémoire le 20 avril 2021, lequel, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS L'Escapade, qui a acquis en 2005 un immeuble à usage d'hôtel, situé à l'Alpe d'Huez (Isère), et le fonds de commerce de bar, hôtel, restaurant exploité dans cet immeuble, a donné cet établissement en location à des sociétés britanniques proposant à une clientèle démarchée en Grande-Bretagne des séjours hôteliers en demi-pension ou pension complète, par bail, signé le 22 février 2008, couvrant la période du 1er décembre 2008 au 30 avril 2011 pour chacune des trois saisons d'hiver, puis par bail, signé le 17 avril 2011, couvrant la période de décembre 2011 à septembre 2014 pour les saisons d'hiver et d'été. Elle a déclaré une activité de location meublée avec prestations para-hôtelière. A la suite d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2011 au 28 février 2014, l'administration a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par la société à une partie du chiffre d'affaires déclaré et soumis au taux normal l'intégralité des loyers facturés. La SAS L'Escapade relève appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé à ce titre.

Sur l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % ". Aux termes de l'article 279 du même code dans ses rédactions successivement applicables au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit (...) en ce qui concerne : / a. Les prestations relatives : / à la fourniture de logement et aux trois quarts du prix de pension ou de demi-pension dans les établissements d'hébergement ; ce taux s'applique aux locations meublées dans les mêmes conditions que pour les établissements d'hébergement ". Aux termes de l'article 260 D du même code : " Pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, la location d'un local meublé ou nu dont la destination finale est le logement meublé est toujours considérée comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l'activité du preneur et l'affectation qu'il donne à ce local. ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 260 D et 279 précités que le propriétaire de locaux nus, meublés ou garnis, qui les loue au moyen d'un bail commercial à l'exploitant d'un établissement d'hébergement imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à ce titre, est lui-même imposable à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit. Toutefois, lorsqu'un redevable réalise des opérations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée selon des taux différents et tient une comptabilité qui ne permet pas de distinguer entre ces différentes catégories d'opérations, il est passible de la taxe au taux le plus élevé sur la totalité des opérations.

4. Lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'immeuble donné en location par la SAS L'Escapade à des sociétés britanniques comprend trente chambres équipées, une salle de restaurant avec cuisine équipée pour la restauration collective et des réserves, un bar avec salons et hall d'accueil, un espace détente aménagé avec hammam, sauna, cabine de change, appareils de fitness, douche, ainsi qu'un spa sur terrasse extérieure et, d'autre part, que les baux qu'elle a successivement conclus autorisent le preneur à exploiter la licence de débit de boissons de catégorie IV dont la SAS l'Escapade est propriétaire. Il est par ailleurs constant que les baux qu'a conclus la SAS L'Escapade stipulent un loyer unique du preneur perçu à la fois pour la location des locaux décrits ci-avant et pour la location du fonds de commerce dont elle a la propriété, alors que ces différentes activités sont passibles de taux de taxe sur la valeur ajoutée différents. En effet, si la location de tout ou partie d'un logement meublé bénéficie toujours du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée indépendamment de l'activité du preneur et de l'affectation qu'il donne à ce local, la location de locaux aménagés à usage de bar et de restaurant de même que la location d'un fonds de commerce relèvent du taux normal. Les baux conclus par la SAS L'Escapade autorisent le preneur à exploiter ces activités en toute indépendance, ce dernier pouvant librement proposer à sa clientèle les prestations d'hébergement et de restauration, soit ensemble avec un prix forfaitaire, soit indépendamment l'une de l'autre et celui-ci pouvant, en particulier, ouvrir l'accès au restaurant et aux équipements à des clients non hébergés dans l'établissement. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu que serait inclus dans le prix de la nuit d'hôtel l'ensemble des autres prestations offertes par l'établissement et que les clients pourraient ainsi bénéficier, sans supplément de prix, des services de restauration, de bar et d'accès aux prestations offertes dans l'espace détente ou bien qu'ils n'auraient pas la faculté de renoncer à ces prestations sans réduction du prix de leur séjour. Il ne ressort pas non plus de l'instruction et n'est pas soutenu que seuls les clients de l'hôtel pourraient accéder à certains des services précités, notamment celui de bar et de restaurant, au demeurant facilement accessible depuis les pistes. Au surplus, la requérante ne donne aucune précision quant aux chiffres d'affaires respectifs générés par chacune des activités en cause. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que les différentes prestations de services autres que celle d'hébergement formeraient avec cette dernière une opération indissociable, ni même qu'elles en seraient les accessoires, constituant pour la clientèle hébergée non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale d'hébergement. Enfin, il n'est pas soutenu que la SAS L'Escapade aurait tenu une comptabilité permettant de distinguer les opérations relevant de ces différentes catégories d'activités. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis l'ensemble du chiffre d'affaires de la SAS L'Escapade au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur l'application de la doctrine administrative :

6. La SAS L'Escapade se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans la réponse ministérielle faite à M. B..., député, le 17 février 1992. Cette réponse ne comporte toutefois aucune interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il est fait application ci-dessus.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS L'Escapade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ainsi qu'en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat au titre des dépens de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS L'Escapade est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS L'Escapade et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

2

N° 19LY00148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00148
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-03;19ly00148 ?
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