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27/05/2021 | FRANCE | N°19LY03272

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 27 mai 2021, 19LY03272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 juillet 2018 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Centre rejetant le recours administratif préalable qu'il avait exercé contre une sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire.

Par un jugement n° 1803268 du 21 juin 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 août 2019, le garde des sceaux, ministre de

la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 juillet 2018 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Centre rejetant le recours administratif préalable qu'il avait exercé contre une sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire.

Par un jugement n° 1803268 du 21 juin 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 août 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.

Il soutient que :

- l'administration pénitentiaire a rempli ses obligations en mettant M. D... en mesure de se faire représenter par un avocat ; dès lors que l'absence d'un avocat ne lui est pas imputable, la procédure disciplinaire n'est pas entachée d'irrégularité ;

- elle se trouvait dans l'impossibilité de reporter la commission de discipline en raison du placement en prévention de l'intéressé et des nécessités de maintenir le bon ordre et la sécurité dans l'établissement ;

- il s'en rapporte à ses écritures produites en première instance pour le surplus des moyens soulevés par M. D....

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2020, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- les poursuites disciplinaires ont été engagées par une autorité incompétente ;

- le rapport d'enquête a été établi par une autorité incompétente ;

- le président de la commission de discipline n'était pas habilité à siéger ;

- l'administration pénitentiaire a méconnu le principe général des droits de la défense et l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale en refusant de reporter la séance de la commission de discipline malgré l'absence d'urgence ou de solliciter la désignation d'un autre avocat ;

- les faits reprochés n'étaient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire du premier degré.

Par une décision du 13 novembre 2019, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 juin 2018, le président de la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville a infligé à M. A... D... une sanction de vingt jours de mise en cellule disciplinaire après la découverte à l'occasion d'une fouille le 18 juin 2018 dans la cellule qu'il occupait d'un téléphone portable, de nombreuses rallonges électriques et d'une cagoule, dont l'introduction et la détention sont constitutives d'une faute disciplinaire du premier degré prévue à l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. Cette décision a été confirmée, sur recours administratif préalable obligatoire, le 9 juillet 2018 par le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Centre. Par un jugement du 21 juin 2019 dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

2. D'une part, en vertu de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont les dispositions reprennent celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable aux procédures disciplinaires engagées à l'encontre des détenus, les décisions qui infligent une sanction : " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". De même, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires (...) / II. - La personne détenue dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. / (...) ". Si ces dispositions impliquent que l'intéressé soit informé en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un avocat, possibilité dont il appartient à l'administration pénitentiaire d'assurer la mise en oeuvre lorsqu'un détenu en fait la demande, la circonstance que l'avocat dont l'intéressé a ainsi obtenu l'assistance ne soit pas présent lors de la réunion de la commission de discipline sera sans conséquence sur la régularité de la procédure au regard des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et du code de procédure pénale que si cette absence n'est pas imputable à l'administration.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement (...) ". Aux termes de R. 57-7-19 du même code : " La durée du confinement en cellule individuelle ou du placement en cellule disciplinaire, prononcés à titre préventif, est limitée au strict nécessaire et ne peut excéder deux jours ouvrables. / Le délai de computation du placement préventif commence à courir le lendemain du jour du placement en prévention. Il expire le deuxième jour suivant le placement en prévention, à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été convoqué le 19 juin 2018 devant la commission de discipline qui devait se réunir le lendemain. L'intéressé ayant demandé à être assisté d'un avocat, l'administration pénitentiaire a saisi ce même jour le bâtonnier afin qu'un avocat soit désigné pour l'assister devant la commission de discipline. Par une télécopie du 19 juin 2018, le bâtonnier a répondu que l'avocat désigné ne pourrait assister M. D... devant la commission. Si l'intéressé avait été placé le 18 juin 2018 en cellule disciplinaire pour empêcher la mise oeuvre d'un projet d'évasion, les objets trouvés à l'occasion de la fouille ne pouvaient pas être regardés comme destinés à la préparation d'un tel projet, ainsi que l'a d'ailleurs estimé le directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Centre qui a réformé pour ce motif la décision du président de la commission de discipline en tant qu'elle fondait la sanction infligée à M. D... sur une tentative d'évasion. Par suite, la circonstance que le délai imposé par l'article R. 57-7-19 du code de procédure pénale expirait le 20 juin 2018 ne faisait pas obstacle au report de la tenue de la commission de discipline à une date ultérieure. Ainsi que le tribunal l'a jugé, les droits de la défense de l'intéressé, qui n'a pas été mis à même d'être assisté par un avocat faute pour l'administration d'avoir respecté son obligation de convocation en temps utile, ont donc été méconnus.

5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 9 juillet 2018. Sa requête doit être rejetée.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. D... au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme C..., président assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

2

N° 19LY03272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03272
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;19ly03272 ?
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