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18/05/2021 | FRANCE | N°21LY00165

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 18 mai 2021, 21LY00165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2006538 lu le 20 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par requête enregistrée le 15 janvier 2021 sous le n° 21LY00137, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
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2°) d'annuler pour excès de pouvoir la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2006538 lu le 20 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par requête enregistrée le 15 janvier 2021 sous le n° 21LY00137, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2006538 lu le 20 novembre 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que le mémoire en défense du préfet du Rhône ne lui a été communiqué qu'après l'audience ;

- la décision est insuffisamment motivée et ne précise pas la base légale ;

- la décision méconnaît l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que l'Italie ne peut être regardée comme responsable de sa demande d'asile dans la mesure où il a quitté ce pays le 14 janvier 2020 après un bref séjour pour repartir dans son pays d'origine avant de venir en France le 15 mars 2020 avec un passeport d'emprunt ;

- il n'est pas justifié de l'existence d'une décision explicite des autorités italiennes ni de ce que la demande de prise en charge auprès des autorités italiennes a été faite dans les délais prescrits par l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- il appartient au préfet de démontrer que les informations et documents prévus par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 lui ont été remis dans un langue qu'il comprend ;

- la décision méconnaît le principe du contradictoire ;

- l'arrêté méconnaît le 2° de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que la notification ne précise pas les informations sur les personnes ou les entités susceptibles de fournir une assistance juridique ;

- l'arrêté méconnaît l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 en l'absence d'un entretien individuel et confidentiel et à défaut de la communication d'un résumé de cet entretien à l'intéressé ;

- il appartient au préfet de démontrer que l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 s'est effectivement déroulé dans une langue qu'il comprend, par une personne identifiée et habilitée et qu'il a eu accès à un résumé de cet entretien en temps utile ;

- il sollicite la communication de l'intégralité du dossier préfectoral.

Par mémoire enregistré le 24 février 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

II) Par requête enregistrée le 18 janvier 2021 sous le n° 21LY00165, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2006538 lu le 20 novembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a fait valoir au soutien de sa requête tendant à l'annulation du jugement des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de la décision en litige et que le jugement est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction par une ordonnance du 26 janvier 2021.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité congolaise, né le 30 décembre 1982 à Mokala (République démocratique du Congo), entré en France le 15 mars 2020, selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture de l'Isère le 19 mai 2020. Le système Visabio a révélé qu'il avait bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes, valable du 1er janvier au 1er février 2020, qui lui avait permis d'entrer en Italie avant sa venue en France. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge de M. B... le 29 mai 2020, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 2 juillet 2020. Par un arrêté du 30 octobre 2020, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile. En premier lieu, M. B..., par sa requête enregistrée sous le n° 21LY00137, relève appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du préfet du Rhône du 30 octobre 2020. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 21LY00165, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 21LY00137 aux fins d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Selon l'article R. 777-3-6 du code de justice administrative, applicable aux recours en annulation contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention ou assigné à résidence, la présentation, l'instruction et le jugement de ces recours obéissent notamment aux règles définies par les dispositions citées ci-après. Aux termes de l'article R. 776-24 du code de justice administrative : " Après le rapport fait (...) par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ". Aux termes de l'article R. 776-26 du même code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ". Enfin aux termes de l'article R. 776-27 de ce code : " Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu, au jour de celle-ci, par l'autorité administrative. / A moins qu'un procès-verbal d'audience signé par le juge et par l'agent chargé du greffe de l'audience ait été établi, le jugement mentionne les moyens nouveaux soulevés par les parties lors de l'audience. / Le dispositif du jugement assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience, qui en accusent aussitôt réception (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'alors que l'affaire de M. B... avait été inscrite au rôle de l'audience du 18 novembre 2020 à 15 h 00, le mémoire en défense ainsi que les pièces utiles du dossier de M. B... produits par le préfet du Rhône, enregistrés au greffe, le 17 novembre 2020, n'ont été communiquées au conseil du requérant, par mise à disposition sur l'application Télérecours, qu'après l'audience, le 20 novembre 2020 à 15 h 09. Par suite, le magistrat désigné ne pouvait régulièrement se fonder sur ces éléments, ainsi qu'il l'a fait dans le jugement attaqué, sauf à renvoyer l'affaire après leur communication.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que le jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande est entaché d'irrégularité. Il y a lieu, d'annuler ce jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

En ce qui concerne la légalité de la décision en litige :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 19 mai 2020, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile pour faire valoir ses observations, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités allemandes méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et les garanties du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, M. B... a bénéficié d'un entretien le 19 mai 2020 avec un agent du service compétent de la préfecture de l'Isère, qui est un agent qualifié au sens du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. M. B... a signé le résumé qui a été fait de cet entretien, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne lui a pas été remis. Il ne peut, dès lors, se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas été informé du droit de consulter la copie de ce résumé. Dès lors qu'il a pu faire valoir lors de cet entretien ses observations, le requérant ne peut soutenir que la décision en litige ne serait pas intervenue au terme d'une procédure contradictoire.

9. En troisième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013, qui sont substantiellement identiques à celles prévues par l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 auxquelles elles se sont substituées, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Par suite, le requérant ne peut utilement faire valoir, pour contester la décision litigieuse, qu'il n'aurait pas reçu les informations concernant l'application du règlement " Visabio ". En conséquence, le moyen tiré de ce que M. B... n'a pas reçu ces informations avant le relevé de ses empreintes est inopérant.

10. En quatrième lieu, aux termes du 2. de l'article 19 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable ".

11. Alors qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 19 du règlement il n'appartenait qu'aux seules autorités italiennes, si elles s'y croyaient fondées, d'établir que M. B... avait quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, elles y ont renoncé en acceptant la demande de prise en charge de l'intéressé. Au demeurant, si M. B... affirme qu'après un séjour de deux semaines en Italie, il est reparti le 14 janvier 2020 vers son pays d'origine, la République démocratique du Congo, et s'il produit en appel des billets d'avion pour en justifier, il indique également qu'il a par la suite quitté ce pays pour se rendre, sous un passeport d'emprunt, en France, où il est entré dès le 15 mars 2020, de sorte qu'il ressort de ses propres déclarations que M. B... n'a pas quitté le territoire des États participants pendant une durée d'au moins trois mois. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 19 du règlement doit, dès lors, être écarté.

12. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, le 29 mai 2020, d'une demande de prise en charge de M. B... et qu'elles ont accepté leur responsabilité le 2 juillet 2020.

13. En cinquième lieu, l'article 21 du règlement Dublin III fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de prise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale, même si cette requête est formulée moins de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac, au sens de cette disposition.

14. Il ressort du 4° de l'article R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour la détermination de l'État responsable conduite en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le demandeur d'asile doit, au cours de l'entretien organisé en préfecture en vue de l'enregistrement de sa demande, produire un certain nombre de pièces permettant son identification et, en outre, se prêter à une prise d'empreintes digitales de tous ses doigts, tandis que les services préfectoraux sont seuls à même, en vertu de l'article L. 741-1 du même code de délivrer, à la suite de cette présentation personnelle, un récépissé constatant la volonté de l'intéressé de présenter une demande de protection appuyée de toutes les pièces utiles. Dans la mesure, d'une part, où la détermination de l'État responsable est tributaire du résultat de la consultation du fichier Visabio qui elle-même ne peut se faire que par comparaison des empreintes digitales collectées lors de la présentation personnelle en préfecture avec celles qui sont enregistrées dans cette base de données et où, d'autre part, l'administration ne dispose des renseignements indispensables au traitement de la demande qu'à compter de la présentation de l'intéressé, le délai de trois mois ouvert au préfet par le 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 pour adresser à un autre État une requête de prise en charge du demandeur sur la foi du résultat de la consultation du fichier Visabio ne peut commencer à courir qu'à partir de la présentation personnelle du demandeur en préfecture sanctionnée par l'enregistrement de son dossier, sans égard à la date de recueil de la pré-demande par un prestataire extérieur qui, en vertu de l'article L. 744-1 du code, n'agit qu'en qualité de délégataire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, établissement public chargé de servir les prestations sociales dues aux demandeurs d'asile admis à séjourner en France, dépourvu de compétences dans le traitement même des demandes d'asile et qui, de ce fait, ne saurait engager l'État dans l'exercice des attributions ressortissant à la compétence du préfet.

15. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, le système Visabio a révélé, le 19 mai 2020, que M. B... avait bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes. La demande de prise en charge de M. B... devait donc être adressée aux autorités italiennes dans un délai de trois mois à compter de la date de sa demande de protection internationale. Il ressort des pièces produites par le préfet du Rhône que la demande adressée aux autorités italiennes, le 29 mai 2020, est intervenue dans le délai de trois mois suivant la date d'enregistrement de sa demande d'asile, le 19 mai 2020. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté et, en l'absence de résultat positif du système Eurodac, le requérant ne peut utilement invoquer le non-respect du délai spécifique de deux mois applicable dans ce seul cas.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

17. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

18. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

19. La décision de transfert en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 12. Elle indique que la consultation du fichier européen Vis a révélé que M. B... était titulaire d'un visa délivré par les autorités italiennes valide du 1er janvier au 1er février 2020 et que les autorités de ce pays, saisies le 29 mai 2020 sur le fondement de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avaient donné leur accord explicite à sa prise en charge le 2 juillet 2020. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte la base légale sur laquelle elle est fondée.

20. En septième lieu, si M. B... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée conformément à l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

21. En huitième lieu, aux termes du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger peut demander (...) au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". Il ressort des pièces du dossier que le préfet a produit en première instance les pièces relatives à la situation administrative de M. B... et que l'ensemble de ces productions a été communiqué au conseil de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

22. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

23. La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

24. Si M. B... fait valoir que les autorités italiennes, submergées par un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'assurer son accueil et l'instruction de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux exigences du droit de l'Union européenne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y serait privé du respect des garanties accordées par le droit d'asile en termes d'accueil et d'examen particulier de sa demande que les autorités italiennes se sont engagées à examiner en acceptant la demande de prise en charge de l'intéressé. Dès lors, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage, en l'espèce, de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

25. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités italiennes. Ses conclusions aux fins d'injonction et de condamnation de l'État à verser une somme à son conseil au titre des frais du litige doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les conclusions de la requête n° 21LY00165 aux fins de sursis à exécution :

26. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. B... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2006538 du 20 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête n° 21LY00137 sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. B... enregistrée sous le n° 21LY00165.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

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2

Nos 21LY00137, 21LY00165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00165
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-18;21ly00165 ?
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