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06/05/2021 | FRANCE | N°19LY00458

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 mai 2021, 19LY00458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué avec la société Agrigex Environnement, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum la commune de Vichy et les sociétés Axe Saône, Groupe Nox et Debost à lui verser la somme de 1 777 828 euros HT assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au titre des surcoûts supportés pour l'exécution du marché portant sur le lot n° 2 " VRD et génie civil - structure " des travaux de mis

e en valeur et de sécurisation du lac d'Allier.

Par un jugement n° 1601558 du 6 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement constitué avec la société Agrigex Environnement, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum la commune de Vichy et les sociétés Axe Saône, Groupe Nox et Debost à lui verser la somme de 1 777 828 euros HT assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation au titre des surcoûts supportés pour l'exécution du marché portant sur le lot n° 2 " VRD et génie civil - structure " des travaux de mise en valeur et de sécurisation du lac d'Allier.

Par un jugement n° 1601558 du 6 décembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février 2019 et 8 avril 2021, la société Segex, désormais dénommée Terideal Segex, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vichy et de tout succombant la somme de 20 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal était recevable et elle pouvait demander en qualité de mandataire du groupement une condamnation in solidum du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre à raison de leurs fautes concurrentes ;

- la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre ont modifié les prestations initialement prévues pour son lot, ce qui a eu une incidence en termes d'études et de planning et sur les délais de réalisation qui ont été dépassés ;

- la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée en raison de sa défaillance dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction du marché et de son incapacité à assurer la coordination du chantier par l'intermédiaire du maître d'oeuvre ;

- les stipulations de l'article 15.3 du CCAG ne font pas obstacle à l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux sans ordre de service du maître d'ouvrage mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ou du fait de l'allongement des délais d'exécution, de l'abondance des modifications demandées ou des insuffisances initiales du projet ; le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre ne contestent pas la matérialité des travaux supplémentaires qu'elle a exécutés ;

- elle est fondée à demander la somme de 24 157,69 euros HT au titre des surcoût d'études, la somme de 779 387,42 euros HT au titre des surcoûts d'atelier, la somme de 486 587 euros HT au titre des surcoûts d'encadrement et d'installation, la somme de 275 392,12 euros HT au titre de travaux supplémentaires, la somme de 148 500 euros HT au titre de la perte de chiffre d'affaires, la somme de 50 000 euros HT au titre du préjudice commercial, ainsi que la somme de 11 647,07 euros HT exposée pour la rédaction du mémoire en réclamation ;

- les intérêts moratoires s'élèvent à la somme de 2 156,70 euros HT.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2019, la commune de Vichy, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés Axe Saône, Debost et Groupe Nox à la garantir et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Segex au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la société Segex n'a pas contesté le décompte général dans le délai de 45 jours par un mémoire en réclamation motivé dont elle aurait adressé copie au maître d'oeuvre ;

- elle ne précise pas le fondement juridique de son action indemnitaire ;

- elle n'a pas capacité à agir pour le groupement ;

- elle n'établit pas l'augmentation du montant des travaux au-delà du pourcentage de 25 % ;

- le délai de réalisation des travaux proposé dans le mémoire technique n'est pas contractuel ; le planning d'exécution des travaux, qui est contractuel, a été recalé en raison des défaillances de la société Segex qui n'a pas formulé de réserve sur le nouveau planning ;

- elle n'établit pas qu'elle aurait rencontré des difficultés dans l'exécution de son marché imputable à sa faute ou à celle de la maitrise d'oeuvre ;

- elle n'établit pas davantage qu'elle aurait réalisé des travaux supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérés, hormis des études et plans imputables à ses carences et manquements.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2019, les sociétés Axe Saône et Debost, représentées par Me F..., concluent au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie de la commune de Vichy et à ce que la somme de 20 000 ou 5 000 euros soit mise à la charge de la société Segex au titre des frais du litige.

Elles font valoir que :

- la société Segex n'a pas saisi en temps utile le tribunal ;

- elle n'a pas capacité à agir pour le groupement ;

- les surcoûts allégués ne sont pas indemnisables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société Terideal Segex, celles de Me E..., représentant la commune de Vichy, et celles de Me F..., représentant les sociétés Debost et Axe Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la réalisation de travaux de mise en valeur et de sécurisation du lac d'Allier, la commune de Vichy a conclu des marchés de travaux publics avec les sociétés Axe Saône et Ingedia, auxquelles était confiée une mission de maîtrise d'oeuvre, et Debost, à qui a été attribué la mission OPC (ordonnancement, pilotage et coordination). En outre, par un acte d'engagement du 7 août 2013, la commune a confié le lot n° 2 " VRD et génie civil-structure " au groupement solidaire constitué des sociétés Segex, mandataire, et Agrigex Environnement. Par un jugement du 6 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la société Segex, agissant en qualité de mandataire du groupement d'entreprises, tendant à la condamnation in solidum de la commune de Vichy, des sociétés Axe Saône, Groupe Nox, venue en dernier lieu aux droits de la société Ingedia, et Debost à l'indemniser des surcoûts dans l'exécution de son marché. La société Segex, désormais dénommée Terideal Segex, relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Vichy :

2. En premier lieu, selon l'acte d'engagement du lot n° 2, le marché relatif à ce lot comportait, comme tous les autres lots en vertu de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), un délai global d'exécution de douze mois pour la tranche ferme et de trois mois pour la tranche conditionnelle n° 1, à compter de la notification de l'ordre de service de démarrage. Les travaux de ces deux tranches ont débuté avec la notification le 29 janvier 2014 aux entreprises, après le recalage du planning d'exécution, de l'ordre de service n° 3, qui stipulait que ce planning tenait compte des aléas d'exécution des travaux ainsi que des intempéries constatées antérieurement au 22 janvier 2014 et que les entreprises ne pourraient se prévaloir de ces aléas et intempéries. Cet ordre de service ayant été signé sans réserve par la société Segex, le planning recalé est opposable à la société Terideal Segex. Si cette dernière soutient que le planning mentionné dans l'offre initiale de son groupement mentionnait un délai global d'exécution de huit mois, l'ordre de priorité des documents contractuels fixé par les stipulations de l'article 3.1 du CCAP place le mémoire technique établi par la société Segex à un rang inférieur à ce document. Il résulte de l'instruction que les travaux du lot n° 2 ont été réceptionnés le 30 juillet 2014 dans le délai contractuel opposable. La société Terideal Segex n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation des conséquences d'une prolongation de la durée contractuelle d'exécution des travaux prévue par le CCAP.

3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux supplémentaires prescrits par les ordres de service nos 4 et 5 ont fait l'objet d'un avenant le 22 septembre 2014 pour un montant de 216 899,43 euros HT, qui a augmenté le montant du marché de 13,70 %. La société Terideal Segex ne démontre pas que les prix nouveaux seraient insuffisants au vu des surcoûts qui ont effectivement été supportés à raison des adaptations des travaux en cours de chantier.

4. En troisième lieu, le cocontractant de l'administration peut demander à être indemnisé, sur la base du contrat, des prestations supplémentaires réalisées sans ordre de service, dès lors que ces prestations ont été indispensables à l'exécution du contrat selon les règles de l'art.

5. Le groupement titulaire du lot n° 2 avait à sa charge la réalisation des études et sondages pour les ouvrages qu'il devait effectuer, pour permettre au maître d'oeuvre à partir de ces données d'établir les plans d'exécution. Il était stipulé à l'article 5.1 du CCAP que les prix du marché étaient traités à prix unitaires, sur la base du bordereau des prix unitaires annexé à l'acte d'engagement et des quantités réellement exécutées. Il résulte cependant des mentions de ce bordereau que la rémunération des études d'exécution concernant le génie civil et la structure métallique des belvédères et des pontons prévus par le marché, qui comprenaient les notes de calculs et les plans d'exécution, faisait l'objet d'un prix forfaitaire. La société Terideal Segex n'est dès lors pas fondée à demander une rémunération supplémentaire au titre de ces études d'exécution.

6. Il était par ailleurs stipulé à l'article 5. 1 du CCAP que : " (...) le titulaire est réputé avoir prévu, lors de l'étude de son offre, et avoir inclus dans son prix toutes les modifications et adjonctions éventuellement nécessaires pour l'usage auquel elles sont destinées. / Les entreprises sont tenues de vérifier la justesse du quantitatif avant la remise de leur offre. Aucune réclamation de l'entreprise ne pourra être prise en compte après la signature du marché. / Les dépenses supplémentaires imprévues que le titulaire pourrait avoir à supporter en cours de chantier, par suite de l'application de ce principe font partie intégrante de ces aléas et il lui appartient après étude des documents de consultation, d'estimer le risque correspondant et d'en tenir compte pour l'élaboration de son offre et le calcul de son prix. ". Il s'ensuit que la demande de rémunération complémentaire de la société Terideal Segex au titre de " surcoûts d'atelier ", sans autres précisions sur la nature des coûts ainsi supportés, ne peut être accueillie.

7. En l'absence de condamnation prononcée à son encontre, les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Vichy doivent être rejetées comme dépourvues d'objet.

Sur les conclusions indemnitaires dirigées par la société Segex contre les sociétés Axe Saône, Groupe Nox et Debost :

8. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé. Toutefois, compte tenu de ce qui précède, la société Terideal Segex n'est pas fondée à demander à être indemnisée par les sociétés Axe Saône, Groupe Nox et Debost des surcoûts d'exécution de son marché, alors au surplus qu'elle ne précise pas les fautes qu'auraient commises les sociétés Axe Saône et Groupe Nox, dans l'exécution de leurs missions de maîtrise d'oeuvre, et celles de la société Debost, dans l'exécution de sa mission OPC. Les conclusions dirigées contre ces sociétés ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni d'examiner les fins de non-recevoir ni de statuer sur l'appel en garantie présenté par la commune de Vichy, que la société Terideal Segex n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Vichy et des sociétés Axe Saône, Groupe Nox et Debost, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Terideal Segex la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vichy et la somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Axe Saône et Debost au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Terideal Segex est rejetée.

Article 2 : La société Terideal Segex versera la somme de 1 500 euros à la commune de Vichy et la somme globale de 1 500 euros aux sociétés Axe Saône et Debost au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Vichy est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Terideal Segex, à la commune de Vichy et aux sociétés Axe Saône et Debost, ainsi qu'à Me A... et Me B..., mandataires liquidateurs de la société Groupe Nox.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme C..., président assesseur,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

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N° 19LY00458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00458
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;19ly00458 ?
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