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04/05/2021 | FRANCE | N°20LY03226

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 04 mai 2021, 20LY03226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2005887 lu le 5 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 5 novembre 2020, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°

2005887 lu le 5 octobre 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 août 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par jugement n° 2005887 lu le 5 octobre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 5 novembre 2020, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2005887 lu le 5 octobre 2020 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de l'autoriser à déposer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que les documents d'information ne lui ont pas été remis dès sa présentation à la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile mais seulement lors de sa seconde présentation ;

- la décision méconnaît l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'Italie ne peut être regardée comme responsable de sa demande d'asile dans la mesure où il a quitté ce pays à la suite de sa demande d'asile formée le 14 juillet 2010, ce qu'il appartenait aux autorités françaises de vérifier en consultant les fichiers Eurodac et Visabio ;

- l'arrêté méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il maîtrise la langue française et non la langue italienne.

Par mémoire enregistré le 7 janvier 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, né le 22 mars 1990 à Pita (Guinée Conakry), entré en France le 10 février 2020, selon ses déclarations, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture de l'Isère le 24 février 2020. Le système Eurodac a révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en Italie, le 14 juillet 2010. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de reprise en charge de M. A... le 7 avril 2020, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 21 avril 2020. Par un arrêté du 7 août 2020, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement lu le 5 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du préfet du Rhône du 7 août 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

3. Il ressort du 4° de l'article R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour la détermination de l'État responsable conduite en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le demandeur d'asile doit, au cours de l'entretien organisé en préfecture en vue de l'enregistrement de sa demande, produire un certain nombre de pièces permettant son identification et, en outre, se prêter à une prise d'empreintes digitales de tous ses doigts, tandis que les services préfectoraux sont seuls à même, en vertu de l'article L. 741-1 du même code de délivrer, à la suite de cette présentation personnelle, un récépissé constatant la volonté de l'intéressé de présenter une demande de protection appuyée de toutes les pièces utiles. Dans la mesure, d'une part, où la détermination de l'État responsable est tributaire du résultat de la consultation du fichier Eurodac qui elle-même ne peut se faire que par comparaison des empreintes digitales collectées lors de la présentation personnelle en préfecture avec celles qui sont enregistrées dans cette base de données et où, d'autre part, l'administration ne dispose des renseignements indispensables au traitement de la demande qu'à compter de la présentation de l'intéressé, le délai de trois mois ouvert au préfet par le 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 pour adresser à un autre État une requête de reprise en charge du demandeur sur la foi du résultat de la consultation du fichier Eurodac ne peut commencer à courir qu'à partir de la présentation personnelle du demandeur en préfecture sanctionnée par l'enregistrement de son dossier, sans égard à la date de recueil de la pré-demande par un prestataire extérieur qui, en vertu de l'article L. 744-1 du code, n'agit qu'en qualité de délégataire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, établissement public chargé de servir les prestations sociales dues aux demandeurs d'asile admis à séjourner en France, dépourvu de compétences dans le traitement même des demandes d'asile et qui, de ce fait, ne saurait engager l'État dans l'exercice des attributions ressortissant à la compétence du préfet. Par suite, c'est au plus tard à la date de sa présentation en préfecture que l'étranger auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. A... s'est vu remettre, le 24 février 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile pour faire valoir ses observations, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, et en dépit de la circonstance que la convocation au guichet unique asile de la préfecture lui avait été remise par la structure de pré-accueil dès le 13 février 2020, il n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et les garanties du droit d'asile à défaut pour les autorités françaises de lui avoir remis ces documents dès sa présentation auprès de cette structure.

5. En deuxième lieu, aux termes du 2. de l'article 19 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable ".

6. Alors qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 19 précité du règlement il n'appartenait qu'aux seules autorités italiennes, si elles s'y croyaient fondées, d'établir que M. A... avait quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois, elles y ont renoncé en acceptant la demande de reprise en charge de l'intéressé. Il ne ressort pas, au demeurant, des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'affirme M. A..., il aurait quitté le territoire des États participants alors que la comparaison des empreintes digitales du requérant avec les données enregistrées dans les fichiers européens Visabio et Eurodac n'ont pas fait apparaître d'autre correspondance que celle liée à sa demande d'asile en Italie en 2010 qui aurait été de nature à établir son départ du territoire des États membres. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 19 du règlement doit, dès lors, être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

8. En application de l'article L. 742-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

9. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

10. La décision de transfert en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 18. Elle indique que la consultation du fichier européen Eurodac a révélé que M. A... avait été identifié en Italie où il avait demandé l'asile le 14 juillet 2010 et que les autorités de ce pays, saisies le 7 avril 2020 sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avaient donné leur accord explicite à sa reprise en charge le 21 avril 2020. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte la base légale sur laquelle elle est fondée.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

12. La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 20113, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Les seules affirmations de M. A... quant à sa maîtrise de la langue française, qui l'a conduit à demander l'asile en France alors qu'il ne pratique pas la langue italienne, ne permettent pas d'établir qu'il existerait un obstacle à son transfert vers l'Italie ni que la décision en litige serait entachée sur ce point d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et aux fins de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

1

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N° 20LY03226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03226
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-04;20ly03226 ?
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