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29/04/2021 | FRANCE | N°20LY02885

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 avril 2021, 20LY02885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er octobre 2019 du préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, ainsi que de me

ttre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais liés au li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er octobre 2019 du préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente, ainsi que de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1908280 du 9 avril 2020, la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er octobre 2020 et le 21 janvier 2021, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 1er octobre 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et ne permet pas de s'assurer qu'il a été procédé à un examen complet et suffisant de sa situation particulière, incluant l'état de santé de sa fille qui n'a pas été pris en compte ;

- elle méconnaît l'article 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le principe général du droit d'être entendu, dès lors notamment qu'il avait pris rendez-vous le 26 avril 2019 afin de solliciter la délivrance d'un titre de séjour en raison d'éléments pertinents tirés de l'état de santé de sa fille, qu'il ne lui appartenait pas de transmettre avant l'enregistrement de sa demande par la préfecture les éléments médicaux s'y rapportant, lesquels devaient être examinés par un collège de médecins, et qu'il ne peut être tenu responsable des délais de convocation ;

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet aurait dû saisir le collège de médecins prévu au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des craintes pour sa vie auxquelles il est exposé en Géorgie.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant de Géorgie né le 23 juin 1971, est entré en France le 15 janvier 2019, accompagné de sa fille mineure prénommée Barbare, née le 21 juillet 2006. Sa demande de protection a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 avril 2019 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 juillet 2019. Il demande à la cour d'annuler le jugement du 9 avril 2020 par lequel la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a alors fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Sur la légalité des décisions du 1er octobre 2019 :

2. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen, d'apprécier si l'intéressé a été privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E..., dont la demande d'asile a été présentée antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il a demandé le 26 avril 2019 un rendez-vous en préfecture afin de faire enregistrer une première demande de titre de séjour, en précisant explicitement qu'il entendait se prévaloir de sa qualité de parent d'un enfant étranger malade. Le requérant, dont la date de convocation n'a été fixée qu'au 13 janvier 2020, n'était pas tenu de communiquer à la préfecture d'autres éléments, couverts par le secret médical, relatifs à l'état de santé de sa fille, laquelle souffre d'une paralysie cérébrale associée à des troubles moteurs et comportementaux importants. Les pièces médicales versées au dossier d'appel attestent par ailleurs du caractère sérieux des informations susceptibles d'avoir une incidence sur l'intervention d'un éloignement que M. E..., qui n'a été ni entendu ni mis à même de présenter des observations, a ainsi été privé de communiquer à l'autorité préfectorale. Il suit de là que M. E... est fondé à se prévaloir du principe de bonne administration et à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu et qu'elle est, par suite, entachée d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que des décisions préfectorales en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement que le préfet du Rhône procède au réexamen de la situation de M. E.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer dans l'attente à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A..., avocat du requérant, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 avril 2020 et les décisions du préfet du Rhône du 1er octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. E... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la même date.

Article 3 : L'Etat versera à Me A..., avocat de M. E..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2021.

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N° 20LY02885

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Procédure.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 29/04/2021
Date de l'import : 11/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY02885
Numéro NOR : CETATEXT000043465854 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-29;20ly02885 ?
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