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15/04/2021 | FRANCE | N°20LY03311

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 avril 2021, 20LY03311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 décembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000066-2000067-2000068-2000479 du 6 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une req

uête enregistrée le 9 novembre 2020, M et Mme A..., représentés par Me Fréry, avocat, demanden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 décembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000066-2000067-2000068-2000479 du 6 juillet 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2020, M et Mme A..., représentés par Me Fréry, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000066-2000067-2000068-2000479 du 6 juillet 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder au réexamen de leur situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi ;

- les obligations de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, alors qu'il lui appartenait de procéder à un examen effectif et particulier de leur situation ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils ne justifient pas de la réalité des menaces dont ils font état dans leur pays d'origine ;

- il a procédé à un examen complet de leurs situations personnelles ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et son épouse, ressortissants kosovars, nés respectivement le 31 août 1972 et le 16 septembre 1972 ont déclaré être entrés en France le 21 février 2018, accompagnés de leurs enfants. Le 22 octobre 2018, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Ces refus ont été confirmés le 19 novembre 2019, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par décisions du 17 décembre 2019, le préfet de l'Ain, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En indiquant que " pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, M. A..., Mme B... épouse A... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le préfet a fixé le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle, le premier juge a répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par les décisions fixant le pays de renvoi. M. et Mme A... ne sont par suite, pas fondés à soutenir que le jugement qu'ils contestent serait irrégulier.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. Les requérants font valoir que leur famille a été traumatisée par les faits de violence qu'elle a subie au Kosovo et en Albanie et qui ont particulièrement touché leur fille qui bénéficie en France d'un suivi psychologique et d'un traitement médicamenteux. Toutefois, les éléments produits au dossier ne sont pas de nature à établir que leur fille ne pourrait bénéficier au Kosovo d'un traitement et d'un suivi adaptés à son état de santé ou qu'un retour dans ce pays risquerait d'aggraver cet état. Les documents produits ne permettent pas plus d'établir l'existence des menaces dont ils feraient l'objet au Kosovo. Par ailleurs, les intéressés ne sont en France que depuis un peu plus de deux ans. Rien ne s'oppose à ce que M. et Mme A... ainsi que leurs enfants poursuivent une vie normale au Kosovo. Dans ces conditions, les décisions litigieuses n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à leurs motifs et n'ont, ainsi, pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point précédent.

5. En second lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des intéressés avant d'adopter les décisions en litige, ni qu'il se serait estimé à tort en situation de compétence liée au regard des décisions de rejet prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile pour prendre ces mesures d'éloignement.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme A... ne peuvent pas se prévaloir de l'illégalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A... ne pourraient pas mener au Kosovo, une vie privée et familiale normale. Par suite, les décisions fixant le pays de renvoi ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elles ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " et ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

9. Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. M. et Mme A... soutiennent qu'un retour au Kosovo les exposeraient à nouveau aux violences qu'ils ont subies dans ce pays. Toutefois, ils n'établissent pas, par leur récit et les pièces produites, y compris la plus récente consistant en une attestation rédigée par le cousin de l'intéressé, le 15 août 2020, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans le pays dont ils possèdent la nationalité, alors qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées par les instances compétentes. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de l'Ain n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... B..., épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

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N° 20LY03311

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03311
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;20ly03311 ?
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