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13/04/2021 | FRANCE | N°19LY03087

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 avril 2021, 19LY03087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2016 par lequel le maire de Saint-Victor a délivré au groupement agricole d'exploitation en commun des Chênes, au nom de l'Etat, un permis de construire en vue de l'édification de deux bâtiments d'élevage de volailles, et l'arrêté du 14 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Victor a délivré au groupement un permis de construire pour les mêmes bâtiments, régularisant les travaux eff

ectués.

Par un jugement n° 1708812-1805558 du 6 juin 2019, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2016 par lequel le maire de Saint-Victor a délivré au groupement agricole d'exploitation en commun des Chênes, au nom de l'Etat, un permis de construire en vue de l'édification de deux bâtiments d'élevage de volailles, et l'arrêté du 14 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Victor a délivré au groupement un permis de construire pour les mêmes bâtiments, régularisant les travaux effectués.

Par un jugement n° 1708812-1805558 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux arrêtés.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 mai 2020, la commune de Saint-Victor, représentée par la SELARL Cabinet G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019, en tant qu'il annule l'arrêté du 14 mars 2018 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2018 ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le pétitionnaire n'exerçait pas réellement une activité agricole.

La requête a été notifiée à M. E... A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2020 par une ordonnance du 29 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me G..., pour la commune de Saint-Victor ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 5 septembre 2016, le maire de Saint-Victor a délivré, au nom de l'Etat, un permis de construire deux bâtiments d'élevage de volailles au GAEC des Chênes. Les travaux réalisés n'étant pas conformes au permis, le GAEC a déposé une seconde demande de permis, visant à les régulariser. Par arrêté du 14 mars 2018, le maire de Saint-Victor a délivré le permis sollicité, au nom de la commune. Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux permis de construire, à la demande de M. A.... La commune de Saint-Victor doit être regardée comme demandant l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a annulé l'arrêté pris par son maire au nom de la commune le 14 mars 2018.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. " L'article R. 161-4 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception : (...) 2° Des constructions et installations nécessaires : (...) b) A l'exploitation agricole ou forestière ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les documents graphiques des cartes communales délimitent les secteurs où les constructions ne peuvent être autorisées, à l'exception des constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole ou forestière. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire a été présentée au nom du groupement agricole d'exploitation en commun des Chênes par M. C..., qui est affilié à la MSA depuis 2008 en tant que chef d'exploitation agricole, exerce cette activité à titre exclusif, et possède plusieurs dizaines de bovins. Les deux bâtiments projetés, d'une emprise au sol supérieure à 800 m2, avec deux silos à grain accolés d'une hauteur de six mètres, par nature agricoles, doivent accueillir 880 poules. Compte tenu de leurs caractéristiques et de leur destination, ils sont ainsi nécessaires à l'exploitation agricole, sans que le service instructeur ait à vérifier la rentabilité de ce projet, comme le soutient M. A.... C'est par suite à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 14 mars 2018 au motif que le pétitionnaire n'exerçait pas une activité agricole et que la construction ne pouvait, de ce fait, être regardée comme nécessaire à une telle activité.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

Sur les autres moyens de la requête :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " Aux termes de l'article L. 111-5 du même code : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'Etat à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. "

7. La commune de Saint-Victor est dotée d'une carte communale. Dans ces conditions, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'avait pas à être saisie pour avis avant la délivrance du permis en litige.

8. En deuxième lieu, le plan de masse du dossier fait apparaître que l'alimentation en eau potable et en électricité du projet se fait par un raccordement aux réseaux du hangar agricole existant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance sur ce point du dossier, au regard des exigences de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

10. Il ressort de la demande de permis de construire que le projet prévoit une évacuation manuelle des déchets issus des animaux, sans système d'assainissement individuel ni d'évacuation des eaux usées. Dans ces conditions, et alors que le projet a fait l'objet d'une déclaration au titre de la police des installations classées, qui doit prendre en compte les nuisances que peut occasionner l'élevage et ses conditions d'exploitation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présenterait un risque pour la salubrité publique compte tenu de l'absence de dispositif de stockage et d'évacuation des effluents. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, compte tenu de l'emplacement et des caractéristiques du bâtiment, que le maire de Saint-Victor aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en délivrant le permis de construire malgré l'absence de dispositif propre de défense incendie. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Enfin, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

12. Il ressort des pièces du dossier que les deux bâtiments d'élevage projetés s'implantent à proximité immédiate d'un vaste hangar agricole, dans une plaine à vocation principalement agricole, dépourvue d'intérêt paysager. M. A... fait valoir que ces bâtiments sont construits sur des exhaussements de terrain pouvant atteindre plus de quatre mètres, compte tenu de la pente, ce qui accentue l'effet visuel de ces longs bâtiments dans le paysage. Toutefois, le projet prévoit des plantations de nature à occulter partiellement ces constructions, notamment depuis la route. Dans ces conditions, et au regard du caractère agricole des lieux avoisinants, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le permis de construire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions citées au point précédent.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Victor est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de son maire délivrant un permis de construire au groupement agricole d'exploitation en commun des Chênes.

Sur les frais d'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Victor tendant à la mise à la charge de M. A... des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 14 mars 2018 du maire de Saint-Victor délivrant un permis de construire au groupement agricole d'exploitation des chênes.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2018 et le surplus des conclusions en appel de la commune de Saint-Victor sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Victor et à M. E... A....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Privas.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme F... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

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N° 19LY03087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03087
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-13;19ly03087 ?
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