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30/03/2021 | FRANCE | N°20LY02941

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 mars 2021, 20LY02941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, qui l'a renvoyé au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans les quarante-hui

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, qui l'a renvoyé au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans les quarante-huit heures, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2002483 du 17 juin 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 2002483 du 17 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle compte tenu du délai séparant les heures d'édiction du procès-verbal d'audition et de l'arrêté attaqué et des erreurs de fait commises sur l'existence d'un logement stable et sur la soi-disant absence d'autorité parentale sur son enfant ;

- la décision méconnait l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis bientôt cinq ans, vit depuis deux ans avec une ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de résident de dix ans, avec laquelle il s'est marié le 6 avril 2019, est le père d'une petite fille de deux mois et est intégré professionnellement au vu du contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er juin 2019 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'intérêt supérieur de son enfant A..., née le 3 février 2020, en la séparant nécessairement de lui en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que :

- il a bien pris en compte l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé dont sa durée de séjour, sa situation familiale et ses liens avec son pays d'origine ; le procès-verbal d'audition a été dressé à 9:30 alors que l'arrêté a été pris à 14:30 ; l'absence de logement stable était alors justifiée par l'interpellation de l'intéressé pour des faits de violences conjugales commises au domicile où il a été appréhendé ; en tout état de cause, sa décision était légalement fondée du fait de l'entrée irrégulière en France ou de la soustraction à une précédente mesure d'éloignement ;

- l'arrêté n'a pas porté une atteinte manifestement excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 14 janvier 2019 à laquelle il n'a pas déféré, qu'il a été interpellé et mis en garde à vue pour des faits de violences conjugales aggravées avec menaces avec arme, qu'il travaille illégalement, que son mariage avec une ressortissante marocaine est récent et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents et sa fratrie ;

- l'intérêt supérieur de son enfant n'a pas été méconnu dès lors que le requérant ne contribue pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant.

Par une décision du 9 septembre 2020, M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., né le 8 octobre 1990 en Algérie, a été admis au séjour en raison de son état de santé du 23 février 2017 au 22 février 2018. Le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé selon arrêté du préfet du Bas-Rhin du 24 janvier 2018, confirmé par le tribunal administratif de Strasbourg selon jugement du 12 juin 2019. Marié le 6 avril 2019 avec une ressortissante marocaine, avec laquelle il a eu une fille A... née le 3 février 2020, il a été interpellé le 17 avril 2020 suite à la plainte de son épouse pour des faits de violences conjugales aggravées et menaces avec arme et a fait l'objet d'une décision du préfet de l'Isère du même jour portant obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par jugement du 17 juin 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an mais a rejeté les autres conclusions du requérant. Par la présente requête, M. B... demande à la cour d'annuler l'article 3 du jugement précité qui a prononcé le rejet de ses autres conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, celles tendant à enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures et celles tendant à mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, M. B... soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Contrairement à ce qu'il soutient, le procès-verbal d'audition de l'intéressé suite à son interpellation pour les faits indiqués au point 1 a été établi le 17 avril 2020 à 9:30, et non 14:05, tandis que l'arrêté litigieux a été notifié le même jour à 14:30. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas disposé d'assez de temps pour effectuer un examen suffisant de sa situation. Il ne ressort d'ailleurs pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant. Par suite, le moyen sus évoqué ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, M. B... réitère en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté querellé comporterait deux erreurs de fait tenant à ce qu'il ne justifierait pas d'un logement stable et n'aurait pas l'autorité parentale sur son enfant. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par tribunal administratif de Grenoble.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Si le requérant déclare être entré irrégulièrement en France en 2015, il n'apporte aucun justificatif de nature à établir sa résidence habituelle avant avril 2016. S'il a bénéficié d'un premier titre de séjour en qualité d'étranger malade du 23 février 2017 au 22 février 2018, il s'est vu opposer un refus de renouvellement de ce titre de séjour selon arrêté du préfet du Bas-Rhin du 24 janvier 2018, confirmé par le tribunal administratif de Strasbourg selon jugement du 12 juin 2019, assorti d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. Si le requérant fait valoir qu'il s'est marié le 6 avril 2019 avec une ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de résident de dix ans avec laquelle il a eu une fille née le 3 février 2020, l'arrêté litigieux a été pris à la suite de l'interpellation de l'intéressé suite à une plainte pour violences conjugales aggravées et menaces avec une arme. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant avait déjà contacté la police à propos de deux précédents différends avec le requérant et, à l'occasion de son audition par la police, elle s'est notamment plaint de l'absence de toute aide du père dans l'entretien et l'éducation de leur fille. Si M. B... fait valoir qu'il a l'autorité parentale sur cet enfant, il n'établit pas, comme le lui reproche le préfet, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance et jusqu'à la date de la décision attaquée. Le requérant ne justifie pas être dénué d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Enfin, la circonstance qu'il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée, malgré sa situation irrégulière quant au droit au séjour, ne saurait suffire à attester de son intégration dans la société française. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France comme de sa vie maritale, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de l'Isère l'obligeant à quitter le territoire français porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale et privée et méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ce qui précède et de l'âge de l'enfant, il ne porte pas davantage atteinte à son intérêt supérieur et ainsi n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 avril 2020 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu de rejeter sa requête, en ce compris ses conclusions à fin d'injonction ou présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021

N° 20LY02941 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 30/03/2021
Date de l'import : 06/04/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY02941
Numéro NOR : CETATEXT000043326711 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;20ly02941 ?
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