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30/03/2021 | FRANCE | N°19LY00460

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 mars 2021, 19LY00460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Limonest a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. D... pour des travaux de remblaiement non autorisés.

Par un jugement n° 1705343 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 février 2019, M. I... B..., représenté par Me G..., demande à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler cette décision implicite du maire de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Limonest a refusé de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. D... pour des travaux de remblaiement non autorisés.

Par un jugement n° 1705343 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 février 2019, M. I... B..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler cette décision implicite du maire de Limonest ;

3°) d'enjoindre au maire de Limonest de dresser un procès-verbal d'infraction pour les travaux de remblaiement réalisés sans autorisation, ainsi que les travaux de construction d'une terrasse réalisés sans autorisation, et de transmettre une copie des procès-verbaux au procureur de la République ;

4°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas pris en compte les éléments nouveaux qu'il avait présentés par mémoire en date du 11 septembre 2018 ;

- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant méconnu leur office en se bornant à constater l'absence de preuve matérielle des faits qu'il avançait sans procéder à des mesures d'instruction complémentaires ; le tribunal a dénaturé sur ce point les faits de l'espèce ;

- M. D... a entrepris en 2015 des travaux d'exhaussement de terrain sans autorisation ; ces travaux étaient interdits en vertu des dispositions des articles 2 N et 11.5 N du règlement du plan local d'urbanisme de la métropole de Lyon ;

- le maire ne peut justifier son refus par le fait que ses agents n'ont pu constater l'infraction depuis la voie publique ;

- M. D... a entrepris en 2018 des travaux de construction d'une terrasse en bois sans autorisation, dont la commune était informée ; le maire devait donc dresser un procès-verbal de cette infraction.

Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2020, M. C... D..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'un permis de construire lui a été délivré le 18 novembre 2019, pour régulariser l'ensemble des travaux qu'il a réalisés sur les parties extérieures de sa propriété.

La requête a été notifiée au ministre de la transition écologique, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par courrier en date du 5 mars 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, le tribunal n'ayant pas mis en cause le préfet du Rhône, habilité à représenter l'Etat en défense, s'agissant d'une décision prise par le maire au nom de l'Etat.

Le ministre de la transition écologique a présenté ses observations en réponse au moyen, par un mémoire enregistré le 12 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me G... pour M. B..., celles de Me A... pour la commune de Limonest ainsi que celles de Me F... pour M. D... ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. B..., enregistrée le 24 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'en mars 2015, M. D... a fait procéder à des travaux de remblaiement sur le terrain dont il est propriétaire, sans lien avec une autorisation d'urbanisme. Après intervention de M. B..., son voisin, auprès des services de la commune de Limonest, l'intéressé s'est engagé à remettre en état le terrain. Estimant que les travaux de remise en état effectués en avril 2015 n'avaient pas permis une remise en état total du terrain, et alors que M. D... avait entrepris des travaux de construction d'une piscine autorisés par arrêté de non-opposition à déclaration préalable du maire de Limonest en date du 2 novembre 2016, M. B... a saisi le maire de Limonest, par courrier du 5 avril 2017, d'une demande tendant à ce qu'il dresse procès-verbal d'infraction pour les travaux réalisés en 2015 sans autorisation. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Limonest, agissant au nom de l'Etat, a rejeté sa demande.

Sur l'exception de non-lieu opposée par M. D... :

2. Si M. D... fait valoir que le maire de Limonest lui a délivré un permis de construire, le 18 novembre 2019, pour régulariser l'ensemble des aménagements extérieurs de la construction, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce permis portait sur les travaux d'exhaussement en litige. Dans ces conditions, et en tout état de cause, l'exception de non-lieu qu'il oppose doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Alors même qu'il avait intitulé son courrier du 5 avril 2017 " recours gracieux ", M. B... avait clairement demandé au maire de Limonest de dresser un procès-verbal d'infraction concernant les travaux de remblaiement effectués en 2015 sans autorisation. Dès lors, le silence gardé pendant deux mois par le maire de Limonest a fait naître une décision implicite de rejet, que l'intéressé était recevable à contester. Par suite, la fin de non-recevoir opposée doit être écartée.

Sur la légalité de la décision implicite :

4. Aux termes d'une part de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code: " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé (...) ".

5. Aux termes d'autre part de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme : " A l'exception des constructions mentionnées aux b et e de l'article L. 421-5, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code doivent être conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6. " L'article 2 N du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la métropole de Lyon dispose : " 2.1 Règle générale / Sont limitativement admises sous conditions les occupations et utilisations du sol suivantes : / • Dans le secteur N1 : / (...) 2.1.5 Les affouillements, exhaussements du sol liés aux constructions, travaux ou ouvrages autorisés dès lors qu'ils sont intégrés au paysage. / (...) / • Dans le secteur N2 : / 2.1.8 Les constructions travaux, ouvrages ou installations admis dans le secteur N1. ".

6. Pour contester le refus opposé à sa demande du 5 avril 2017 de dresser un procès-verbal d'infraction pour des travaux de remblaiement réalisés en 2015, M. B... ne peut utilement faire valoir que M. D... aurait fait réaliser en 2018 des travaux de construction d'une terrasse en bois sans autorisation.

7. Il ressort en revanche des pièces du dossier que M. D... a fait procéder en mars 2015 à des travaux d'exhaussement de son terrain, sans disposer d'une autorisation d'urbanisme. Si l'intéressé s'est engagé à remettre en état ce terrain après l'intervention des services communaux, il ressort clairement des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier établi en juin 2015 à la demande de M. B..., qui constate la présence une différence de niveau entre la propriété de M. B... et celle de M. D..., ainsi que la réalisation d'un mur de soutènement récent, des photographies du terrain antérieures à la réalisation des travaux et de la comparaison des plans et documents graphiques produits par M. D... à l'appui de ses demandes d'autorisation d'urbanisme successives, depuis 2010, que le terrain n'a pas été entièrement remis en état. Dans ces conditions, et alors que ces éléments ne sont contredits par aucune pièce ou explication produite en défense, M. B... établit que M. D... a fait réaliser sans autorisation des travaux de remblaiement, d'une hauteur d'environ 1,5 mètre, alors non nécessaires à une construction et par suite interdits, en vertu des dispositions de l'article 2 N du règlement du plan local d'urbanisme cité au point précédent. Par suite, le maire de Limonest, qui était tenu de dresser procès-verbal de l'infraction dont il avait suffisamment été informé par M. B..., a entaché son refus d'une illégalité.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le maire de Limonest dresse procès-verbal de l'infraction née de l'exécution de travaux interdits de remblaiement du terrain. Il y a lieu d'enjoindre au maire de Limonest de dresser ce procès-verbal dans le délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt et de le transmettre sans délai au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

10. En revanche, pour les motifs exposés au point 6, l'exécution du présent arrêt n'implique pas que le maire de Limonest dresse procès-verbal des travaux de réalisation de la terrasse en bois exécutés en 2018.

Sur les frais d'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. B.... Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas partie perdante, verse à M. D... la somme qu'il demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon et la décision implicite par laquelle le maire de Limonest a refusé de dresser procès-verbal d'infraction pour les travaux de remblaiement non autorisés effectués par M. D... sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au maire de Limonest, agissant au nom de l'Etat, de dresser procès-verbal d'infraction pour les travaux de remblaiement effectués en 2015 par M. D... dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de transmettre sans délai ce procès-verbal au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Article 3 : M. D... versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... B..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. C... D....

Copie en sera adressée à la commune de Limonest et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme H... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 19LY00460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00460
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police de l'utilisation des sols.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contrôle des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;19ly00460 ?
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