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25/02/2021 | FRANCE | N°20LY02861

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 février 2021, 20LY02861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... I... et Mme E... A..., épouse J... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 14 juin 2019, par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer à chacun un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1907971 - 1907973 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

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r une requête enregistrée le 2 octobre 2020, M. I... et Mme J..., représentés par Me Robin, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... I... et Mme E... A..., épouse J... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 14 juin 2019, par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer à chacun un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1907971 - 1907973 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2020, M. I... et Mme J..., représentés par Me Robin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 14 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. I... et Mme J... soutiennent que :

- les décisions de refus de titre de séjour sont insuffisamment motivées compte tenu de leur caractère stéréotypé ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;

- elles méconnaissent les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de titres de séjour ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions leur octroyant un délai de trente jours seulement pour quitter le territoire français sont également entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le pays de destination sont illégales par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. I... et Mme J... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, première conseillère,

- et les conclusions de Me Robin, représentant M. et Mme H... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., de nationalité ukrainienne, est entré sur le territoire national, le 6 mai 2011, où son épouse, Mme J..., l'a rejoint le 5 octobre suivant, puis leur fille alors mineure, le 1er juillet 2014. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, fin 2011 pour Mme J... et fin 2012 pour M. I.... Ce dernier s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, valable une année, à compter du 2 janvier 2012. M. I... et Mme J... ont ensuite fait l'objet de deux décisions de refus de titre de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français, en date du 6 septembre 2013, confirmées par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 juillet 2014. Leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 octobre 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 11 octobre 2016. En dernier lieu, le 18 mai 2017, M. I... et Mme J... ont présenté des demandes de titres de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Par deux arrêtés du 14 juin 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés, les a rejetées.

Sur les décisions portant refus de titre de séjour :

2. Les décisions portant refus de titre de séjour mentionnent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 313-11, 7°, L. 313-14, L. 511-1, I, 3° et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles rappellent également, de façon non stéréotypée, les circonstances relatives à la situation personnelle de chacun des requérants en faisant état des éléments déterminants de leur séjour en France et de l'existence d'attaches privées et familiales pour chacun d'eux dans leur pays d'origine. Si les décisions en cause ne mentionnent pas la réussite scolaire de leur fille Anna, que les requérants faisaient valoir à l'appui de leurs demandes, celle-ci était majeure à la date de la décision et une telle circonstance n'avait pas nécessairement à être prise en compte par le préfet au titre de la vie privée et familiale ou comme considération humanitaire ou motif exceptionnel. Les décisions en litige comportent ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfont dès lors aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré du défaut de motivation doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, et dès lors que le préfet s'est bien prononcé au regard des fondements sur lesquels reposaient les demandes de titre de séjour des requérants, le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation des requérants doit être également écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. I... et Mme J... font valoir la durée de leur séjour en France, l'existence d'attaches privées et amicales sur le territoire national, et la scolarité réussie de leur fille, désormais majeure, inscrite en 1ère année d'études supérieures. Toutefois les requérants ont passé l'essentiel de leur séjour en France en étant dépourvus de titre de séjour, seule une carte de séjour temporaire valable un an ayant été obtenue par M. I... au titre de son état de santé en 2012. Ils ont fait l'objet de décisions successives rejetant leurs demandes d'asiles puis leurs demandes de titre de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient créé en France des liens amicaux et privés d'une intensité particulière, ni ne justifient s'être particulièrement bien inséré dans la société française, même à l'aune de ce que leur situation administrative permettait. Ils disposent l'un et l'autre d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où ils ont passé la majorité de leur vie. Ainsi, alors même que les intéressés seraient présents sur le territoire français depuis plus de huit années à la date des arrêtés en litige et que leur fille y aurait suivi une scolarité réussie, les décisions de refus de titre de séjour litigieuses ne méconnaissent, eu égard aux conditions de leurs séjours en France, ni le 7° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Les circonstances que M. et Mme I... seraient présents sur le territoire français depuis plus de huit ans et que leur fille, majeure à la date de la décision, justifie d'une scolarité réussie en France, ne sauraient à elles seules constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté.

8. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 4.

9. Enfin, si les requérants font état de ce que le préfet du Rhône devait leur octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours au regard des liens privés intenses qu'ils entretiennent depuis plus de huit années avec la France, cette seule circonstance ne saurait suffire à prolonger le délai de départ volontaire qui n'a pour objet que de permettre l'organisation du départ des requérants et non de leur octroyer un droit au séjour provisoire.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

10. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions et soulevé par la voie de l'exception, à l'encontre des décisions fixant le pays de destination doit, par voie de conséquence, être écarté.

11. M. I... et Mme J... se bornent à soutenir qu'étant russophones, ils sont exposés à des risques en cas de retour en Ukraine. Toutefois ils n'en justifient pas, et alors que leurs demandes réitérées d'asile ont été rejetées ainsi qu'il a été dit ci-avant tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. I... et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... et de Mme J... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... J..., à M. G... I... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Vinet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

2

N° 20LY02861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02861
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;20ly02861 ?
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