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23/02/2021 | FRANCE | N°20LY01581

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 23 février 2021, 20LY01581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Côte d'Or a, d'une part, rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Arménie comme pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence sur le territoire de la c

ommune de Foissy pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un premier jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Côte d'Or a, d'une part, rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Arménie comme pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Foissy pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un premier jugement n° 2001243 du 20 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal administratif de Dijon les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour, a rejeté cette demande.

Par un second jugement n° 2001243 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de M. F... tendant à l'annulation du refus de séjour et les conclusions à fin d'injonction dont ces conclusions étaient assorties.

Procédure devant la cour

I- Par une requête, enregistrée le 10 juin 2020 sous le n° 20LY01581, M. F..., représenté par la SCP Clemang-Gourinat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 20 mai 2020 ;

2°) d'annuler les décisions du 28 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour : le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute de communication de l'avis de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est dépourvue de nécessité et disproportionnée.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2020, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

II- Par une requête, enregistrée le 12 août 2020 sous le n° 20LY02297, M. F..., représenté par la SCP Clemang-Gourinat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 juillet 2020 ;

2°) d'annuler le refus de titre de séjour du 28 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu en violation du contradictoire et des droits de la défense en se fondant sur le procès-verbal de la réunion de la commission qui n'était pas produit à l'instance ; le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en indiquant que le préfet avait transmis l'avis de la commission ;

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute de communication de l'avis de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce texte a vocation à s'appliquer dès lors que la commission du titre de séjour a été consultée postérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... D..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., ressortissant arménien né en 1963, est entré irrégulièrement en France au mois de janvier 2008, sous une fausse identité, pour demander l'asile. Il a sollicité le 12 juillet 2018, sous sa véritable identité, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 28 janvier 2020, le préfet de la Côte d'Or a, d'une part, rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé l'Arménie comme pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part, l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Foissy pour une durée de quarante-cinq jours. M. F... relève appel du jugement du 20 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale du même tribunal administratif les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour, a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions et du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon, statuant en formation collégiale, a rejeté les conclusions de M. F... tendant à l'annulation du refus de séjour et les conclusions à fin d'injonction dont ces conclusions étaient assorties.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées présentées pour M. F... concernent la situation d'un même requérant et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20LY02297 :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". Aux termes de l'article R. 312-8 du même code : " Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un

procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ".

4. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. L'existence et la transmission de son avis sont l'un des éléments qui garantissent les droits de la défense de l'étranger en lui permettant de faire valoir auprès de l'autorité qui va prendre la décision ses réactions par rapport à l'avis de la commission du titre de séjour. Il s'agit donc de garanties substantielles.

5. M. F... fait valoir que l'avis de la commission du titre de séjour qui s'est réunie le 27 mai 2019 ne lui a jamais été communiqué préalablement à l'édiction de la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du préfet de la Côte d'Or dont le requérant a accusé réception le 20 juin 2019 se borne à l'informer du sens défavorable de l'avis de la commission du titre de séjour qui s'est réunie le 27 mai 2019, au motif de l'usurpation d'identité dont il a été l'auteur durant plus de dix ans. Le défaut de communication au requérant, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'avis de la commission du titre de séjour a été de nature à le priver d'une garantie.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité ni les autres moyens de la requête, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le second jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon statuant en formation collégiale a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour.

Sur la requête n° 20LY01581 :

7. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. F... est fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions contre l'obligation de quitter le territoire français.

8. L'illégalité de la mesure d'éloignement prive de base légale la décision privant M. F... d'un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination, l'interdiction de retour sur le territoire français et l'assignation à résidence sur laquelle elles se fondent.

9. Il résulte de ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le premier jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle des arrêtés du préfet de la Côte d'Or du 28 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

11. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M. F....

12. En revanche, il résulte de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique que le requérant soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative compétente ait à nouveau statué sur son cas. Ainsi, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de procéder au réexamen de la situation de M. F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. F... de la somme globale de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 20 mai 2020 et le jugement de ce tribunal du 17 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Côte d'Or du 28 janvier 2020 portant, d'une part, refus d'admission exceptionnelle au séjour de M. F..., obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, assignation à résidence, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte d'Or de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. F... dans le délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. F... la somme globale de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme E... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

La rapporteure,

Bénédicte D...La présidente,

Danièle A...

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

5

N° 20LY01581, 20LY02297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01581
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-23;20ly01581 ?
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