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23/02/2021 | FRANCE | N°19LY02289

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 23 février 2021, 19LY02289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de Crémieu a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 81,59 m² sur un terrain situé rue Frandin.

Par un jugement n° 1606911 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande, a enjoint au maire de Crémieu de délivrer à M. B... un permis de construire dans le délai

de deux mois et a mis à la charge de cette commune le versement à M. B... d'une som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de Crémieu a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 81,59 m² sur un terrain situé rue Frandin.

Par un jugement n° 1606911 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande, a enjoint au maire de Crémieu de délivrer à M. B... un permis de construire dans le délai de deux mois et a mis à la charge de cette commune le versement à M. B... d'une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, la commune de Crémieu, représentée par la SELARL Doitrand et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges, qui ont omis de statuer sur l'ensemble des fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, ont entaché le jugement attaqué d'une irrégularité ;

- la demande est irrecevable ; les conclusions présentées devant les premiers juges constituaient des demandes de déclaration de droits ou tendait à ce que le tribunal fasse oeuvre d'administrateur et prononce une injonction à titre principal ; à supposer qu'il s'agissait de conclusions indemnitaires, elles étaient irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable et faute d'être chiffrées ; les conclusions nouvelles à fin d'annulation formulées après l'expiration du délai de recours étaient tardives ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté l'application de l'article 1.1 du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), qui s'applique à tout projet de construction venant s'implanter dans le centre ancien ;

- le projet, qui s'implante à l'aplomb du mur de clôture protégé, porte atteinte à l'harmonie de la voie, à la perspective qu'offre la parcelle sur le paysage remarquable situé au nord et au rôle essentiel du mur de clôture en pierre dans la définition du paysage urbain ;

- le projet de construction et l'accès au chantier impliqueront nécessairement la chute de ce mur d'enceinte dont le règlement de la ZPPAUP impose la conservation ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de faire droit à la demande de substitution de motif fondée sur la méconnaissance de l'article 12 UA du règlement du plan d'occupation des sols ; l'alinéa 4 de cet article, dont M. B... n'avait d'ailleurs pas demandé à bénéficier, est insusceptible d'être mis en oeuvre depuis le 1er janvier 2015 compte tenu de l'abrogation par la loi n° 2014-1655 du mécanisme de compensation pour les projets ne comportant pas les places de stationnement exigées ; le projet impliquait au minimum la réalisation d'une place de stationnement, que l'intéressé n'a pas demandé à aménager à moins de 150 mètres de son projet et ne justifie pas être en mesure de le faire ;

- le maire de Crémieu n'a pas opposé un sursis à statuer ni un quelconque motif fondé sur le futur document d'urbanisme de la commune ; le refus se fonde exclusivement sur les dispositions en vigueur à la date de sa décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2019, M. B..., représenté par le cabinet Veber Associés Avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Crémieu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance visant à l'annulation du refus de permis de construire et à la délivrance de ce permis, était constitutive d'un recours pour excès de pouvoir ; il n'a pas présenté de demande indemnitaire ; au demeurant, le rejet d'une telle demande pour des raisons de forme est sans incidence ;

- les moyens soulevés sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2020 par une ordonnance du 31 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... E..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me G... pour la commune de Crémieu ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2021, présentée pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Crémieu relève appel du jugement du 15 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté de son maire du 14 octobre 2016 refusant de délivrer à M. D... B... un permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 81,59 m² sur un terrain situé rue Frandin.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour refuser la délivrance du permis de construire en litige, le maire de Crémieu a opposé un premier motif tiré de ce que le projet n'est pas conforme au règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), reprenant les motifs énoncés dans l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 20 juillet 2016.

3. Le règlement de la ZPPAUP comporte pour le centre ancien des prescriptions destinées au maintien de la qualité des paysages urbains. Au titre de cet objectif, il prévoit de " préserver la lisibilité et la diversité des espaces publics, rues et places, en conservant la netteté de leurs délimitation actuelles ", d'" éviter les effets chaotiques et déstructurant provoqués par un reculement, par l'effet de "dent creuse" dû à un curetage sur voie publique ou encore à la simple suppression d'un mur de clôture " et de " préserver l'homogénéité des paysages de rues propres à chaque quartier (...) ". Le dernier alinéa de l'article 1. 8 relatif aux clôtures prévoit que " tous les murs existants en pierre seront conservés, entretenus et restaurés ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain situé rue Frandin sur lequel M. B... envisage la construction d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 81,59 m² est situé dans le périmètre de la ZPPAUP et dans le centre ancien de la commune. S'il n'implique pas la démolition du mur d'enceinte de la parcelle concernée comme le fait valoir le pétitionnaire, le projet en litige, qui prévoit la construction d'une maison d'habitation à l'aplomb de ce mur en pierre, en dénature la fonction de mur de clôture, portant atteinte à l'identité du paysage. Il ne peut être regardé comme étant conforme aux dispositions précitées destinées à maintenir une lisibilité des espaces, qui, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, s'appliquent au projet quand bien même celui-ci porte sur une construction dans les limites d'un jardin privé.

5. Par ailleurs, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'existence dans le centre ancien de constructions ne satisfaisant pas aux règles particulières applicables à ce secteur, cette circonstance étant sans incidence sur l'appréciation de la conformité du projet audit règlement. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont censuré le motif tiré de la méconnaissance du règlement de la ZPPAUP.

6. En vertu de l'article L. 642-6 du code du patrimoine, le maire de Crémieu était tenu au vu de l'avis défavorable légalement émis par l'architecte des bâtiments de France de refuser le permis de construire en litige, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de l'autre motif de refus censuré par le tribunal, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Sur l'autre moyen de M. B... :

7. S'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen de M. B..., tiré de la prétendue volonté de la commune de faire appliquer par avance le règlement du futur plan local d'urbanisme et de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant, dès lors que le maire était en situation de compétence liée, ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Crémieu est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité ni la recevabilité de la demande de première instance, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté de son maire du 14 octobre 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Crémieu qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Crémieu.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant ce tribunal et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera à la commune de Crémieu une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Crémieu et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme F... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

La rapporteure,

Bénédicte E...La présidente,

Danièle A...

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la transition écologique et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY02289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02289
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DOITRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-23;19ly02289 ?
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