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11/02/2021 | FRANCE | N°20LY00573

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 11 février 2021, 20LY00573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinz

e jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par jugement n° 190...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par jugement n° 1903843 lu le 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février et 22 avril 2020, le préfet de la Loire, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. B....

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la notion de pays d'origine au sens de ces décisions se réfère aux États disposant la personnalité juridique et reconnus par la communauté internationale et non aux entités infra-étatiques ; la Tchétchénie est une république fédérée affiliée à la fédération de Russie ; c'est au regard de l'ensemble des possibilités de soins sur tout le territoire russe qu'il convient d'apprécier la légalité de sa décision ;

- l'arrêté du 5 janvier 2019 n'est entaché d'aucune illégalité.

Par mémoires enregistrés les 18 mai 2020 et 15 janvier 2021 (non communiqué), M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant Russe, né le 21 novembre 1977, est entré irrégulièrement sur le territoire français en février 2014 pour y solliciter l'asile. Suite au rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, le 20 octobre 2017, il a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 5 janvier 2019, le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Le préfet de la Loire relève appel du jugement lu le 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 5 janvier 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", en qualité d'étranger malade, dans un délai de deux mois.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. /(...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. D'une part, en application de ces dispositions, l'examen de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé doit être apprécié au regard du pays dont l'intéressé est originaire. Par suite, c'est à tort que pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a examiné la disponibilité et l'accès effectif des soins nécessaires à l'état de santé de M. B... au regard de l'offre de soins de la Tchétchénie, république fédérée de Russie, État dont l'intéressé est ressortissant.

4. D'autre part, par un avis du 26 novembre 2018, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, s'il a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité a toutefois relevé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le préfet de la Loire qui s'est approprié les termes de cet avis démontre, par la production en appel de fiches descriptives des soins disponibles en Russie concernant les soins pour dépression et en matière de psychose, l'existence d'une prise en charge et de médications sur ces pathologies en Russie. Par ailleurs, si M. B... soutient que l'état de stress post-traumatique qu'il présente est en lien avec des agressions commises en 2002 et 2008 dans son pays d'origine et qui seraient également à l'origine de la tétraparésie consécutive à une fracture-luxation C6-C7 survenue dans son pays d'origine en 2002, les seules assertions de l'intéressé, reprises par les documents médicaux produits à l'appui de sa demande de première instance, sont toutefois insuffisamment précises quant aux contextes desdites agressions, datant de plus de dix-sept et onze ans avant l'arrêté en litige, et ne permettent ainsi pas de démontrer l'existence d'un lien entre la pathologie traumatique qu'il présente et les événements traumatisants qu'il aurait subis.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a, pour ces motifs, annulé la décision par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... en qualité d'étranger malade, ainsi que les décisions subséquentes. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... contre les décisions contestées.

6. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 4, le refus de régularisation n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de lien de causalité entre les pathologies dont souffre M. B... et son pays d'origine.

7. En deuxième lieu et en l'absence d'illégalité du refus de séjour en litige, M. B... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prise sur son fondement.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ", ces dernières stipulant que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". M. B... n'apporte aucune indication quant à l'origine, la nature et l'actualité des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'ayant la nationalité russe, il ne sera pas reconduit en Tchétchénie mais à destination de la Russie et qu'ainsi, il lui est loisible de fixer son domicile sur l'ensemble du territoire de la fédération de Russie.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., ainsi que les décisions subséquentes. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé et la demande d'annulation présentée par M. B... contre l'arrêté du 5 janvier 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sous trente jours et désignation du pays de destination doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les demandes d'injonction, d'astreinte et de frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903843 du tribunal administratif de Lyon lu le 31 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B... devant le tribunal et la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

N° 20LY00573 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00573
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BOUTHORS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly00573 ?
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