La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°19LY00239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 11 février 2021, 19LY00239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703262 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, M. et Mme E..., représenté

s par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1703262 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

A titre principal,

- s'agissant des rehaussements notifiés en bénéfices industriels et commerciaux, la procédure d'imposition est irrégulière en raison du dépassement du délai de six mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

A titre subsidiaire,

- s'agissant des rehaussements notifiés en bénéfices industriels et commerciaux sur prestations réelles, ils ne contestent pas le rehaussement de 1 500 euros notifié mais demandent un abattement de 50% sur les charges, dans un souci de réalisme économique, le résultat rectifié devant en conséquence être limité à 10 750 euros ;

- les rehaussements notifiés en bénéfices industriels et commerciaux sur prestations fictives doivent être limités à la somme effectivement perçue de 8 000 euros ;

- ils n'ont pas eu la disposition des fonds correspondant aux rehaussements notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les opérations de contrôle sur place ont pris fin le 30 septembre 2014, de sorte que le délai prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a bien été respecté ;

- en l'absence de toute justification de la nature et du montant des charges, il n'est démontré aucune exagération de l'imposition résultant d'une insuffisance des charges déductibles ;

- rien n'établit que M. E... ne puisse être considéré comme l'auteur des factures fictives et qu'il n'a pas disposé des retraits d'espèces effectués sur son compte postal ;

- il n'est pas établi que les encaissements taxés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résulteraient de factures fictives adressées aux sociétés à l'origine des fonds, et ils ne figurent d'ailleurs ni dans la liste des factures fictives listées dans la proposition de rectification ni dans l'assiette de l'amende pour factures fictives ; il n'est pas établi non plus que ces sommes auraient été reversées à un tiers.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E... a exercé en nom personnel une activité de travaux de peinture et vitrerie du 1er avril 2011 au 31 mai 2013. Par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 10 avril 2014, il a été déclaré coupable de complicité de blanchiment pour avoir ouvert un compte bancaire ayant notamment servi à l'encaissement du règlement de fausses factures et au retrait de liquidités. L'administration fiscale ayant exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour l'ensemble de sa période d'activité. M. et Mme E... ont par ailleurs fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, ayant donné lieu à des propositions de rectification contradictoire des 21 novembre 2014 et 29 janvier 2015, par lesquelles l'administration a procédé à des rehaussements dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et dans celle des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2011 et 2012, ainsi qu'à un rehaussement des contributions sociales dues au titre de l'année 2012. Les rectifications ayant été, pour l'essentiel, maintenues à la suite des observations des contribuables, M. et Mme E... demandent à la cour d'annuler le jugement du 13 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont ainsi été assujettis, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...). / II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois ".

3. La vérification de comptabilité consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l'exactitude. Elle s'étend de la première à la dernière intervention ayant pour objet de contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales. En invitant M. E... à participer à une réunion de simple présentation des résultats du contrôle le 19 janvier 2015, dans les locaux du service, alors qu'il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle de la comptabilité sur place avaient pris fin le 30 septembre 2014, l'administration n'a pas prolongé la vérification de comptabilité au-delà des délais prévus par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2012 :

4. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

5. Pour contester la réintégration au chiffre d'affaires de l'année 2012, au titre de laquelle M. E... était soumis à un régime simplifié d'imposition, de charges déduites du bénéfice imposable sans aucun justificatif, les requérants se bornent à solliciter qu'un abattement de 50% soit appliqué sur le chiffre d'affaires, " par souci de réalisme économique ". Ils n'apportent ainsi pas la preuve, qui leur incombe, du principe de la déductibilité des charges en cause. Ils ne peuvent par ailleurs utilement se prévaloir de la prise en compte par l'administration d'un tel abattement au titre de l'année 2013, au cours de laquelle M. E... avait déclaré exercer sous le régime de la micro-entreprise.

6. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". En application du troisième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il incombe par ailleurs à M. E..., qui n'a présenté aucune comptabilité, de démontrer le caractère exagéré des impositions litigieuses.

7. Il résulte de l'instruction que, pour établir les rectifications en litige, le service vérificateur a réintégré aux produits imposables de l'exercice 2012 le montant de cinq factures correspondant à des prestations de travaux fictives établies à l'entête et pour le compte de M. E..., qui avait connaissance de leur existence comme de leur caractère frauduleux, a encaissé les sommes correspondantes sur son propre compte et était en possession tant du facturier que des copies des factures en cause. La circonstance que ces factures aient été matériellement établies et remises à d'autres participants à la fraude par un tiers, auteur principal du délit de blanchiment, avec l'assentiment et la participation de M. E..., ne fait pas obstacle à ce que ces sommes soient réintégrées aux résultats de l'activité professionnelle de ce dernier, sous couvert de laquelle elles ont intentionnellement été établies, pour des travaux de bâtiment, le cas échéant en sous-traitance. Il s'ensuit que l'administration fiscale n'a pas commis d'erreur en rattachant ces produits à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux issus de l'activité de M. E.... Si ce dernier fait par ailleurs valoir que le bénéfice effectivement retiré de l'activité frauduleuse se limite à une somme de 8 000 euros, montant des commissions qui lui auraient été effectivement reversées en espèces par l'auteur principal du blanchiment, il n'en justifie pas par la seule production de certains éléments issus de la procédure pénale, compte tenu notamment des divergences entre ses déclarations et celles de M. A... quant aux sommes effectivement conservées par M. E.... Ce moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers de l'année 2012 :

8. Selon l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

9. Le service vérificateur a procédé à des rectifications, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et sur le fondement des dispositions précitées, du fait de trois encaissements constatés sur le compte postal des requérants, provenant de trois sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. M. et Mme E... ne contestent pas n'avoir aucun lien avec ces sociétés, pour lesquelles aucune prestation n'a jamais été effectuée par M. E.... Il est en outre établi que ces encaissements ne correspondent à aucune facture, et en particulier à aucune des factures ayant donné lieu à des impositions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Aucun élément du dossier ne vient par ailleurs corroborer les simples allégations des requérants relatives aux versements à des tiers dont auraient ultérieurement fait l'objet les sommes en litige, en conséquence imposées à bon droit par l'administration fiscale.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme E... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme Le Frapper, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19LY00239

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00239
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;19ly00239 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award