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21/01/2021 | FRANCE | N°19LY01559

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 janvier 2021, 19LY01559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700959 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté, à l'article 1er, un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions tendant à la décharge des contributions sociales des années 2010, 2011 e

t 2012, a prononcé, à l'article 2, la décharge des compléments d'impôt sur le reven...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1700959 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté, à l'article 1er, un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions tendant à la décharge des contributions sociales des années 2010, 2011 et 2012, a prononcé, à l'article 2, la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. E... a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes, et a rejeté, à l'article 4, le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 avril 2019 et le 4 décembre 2019, M. E..., représenté par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2019, en tant qu'il a rejeté le surplus de conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la charge de la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués par la SARL JDB et de leur appréhension appartient à l'administration, dès lors qu'il doit être regardé comme ayant refusé les redressements contestés ;

- l'administration n'établit pas qu'il avait la qualité de maître de l'affaire, dès lors qu'il ne détenait que 1 % du capital de la SARL JDB, 37 % du capital de la SNC AGR et qu'il partageait la gérance de cette dernière société avec son frère ;

- l'administration n'établit pas qu'il a appréhendé les sommes en cause ;

- les majorations pour manquement délibéré ne peuvent être appliquées, dès lors qu'il n'a pas appréhendé les sommes en cause.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il incombe au requérant d'établir qu'il n'a pas appréhendé les revenus distribués par la SARL JDB, dès lors qu'il a accepté tacitement les redressements notifiés au titre des années 2011 et 2012 ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est le gérant et l'associé, à hauteur de 1 % des parts, de la SARL JDB, qui exploite un restaurant à Annecy et dont le capital est par ailleurs détenu, à hauteur de 99 % des parts, par la SNC AGR, société holding dont M. E... est le co-gérant et dont il détient 37,60 % des titres. La SARL JDB a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante et reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des compléments d'impôt sur les sociétés au titre de la période vérifiée. L'administration a considéré que les recettes dissimulées par la SARL JDB étaient constitutives de revenus distribués qu'elle a imposés sur le fondement du c) de l'article 111 entre les mains de M. E... regardé comme maître de l'affaire et lui a en conséquence assigné des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations, au titre des années 2010, 2011 et 2012. Par un jugement du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté, à l'article 1er, que les conclusions de M. E... tendant à la décharge des contributions sociales des années 2010, 2011 et 2012 étaient partiellement devenues sans objet, à concurrence des montants dégrevés par l'administration, a prononcé, à l'article 2, la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. E... a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations correspondantes, et a rejeté, à l'article 4, le surplus des conclusions de sa demande. M. E... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions :

2. Aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".

3. Il est constant que M. E... n'a pas fait parvenir d'observations dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales à la suite de la notification de la proposition de rectification du 5 août 2014 par laquelle l'administration a porté à sa connaissance les rehaussements apportés à ses revenus imposables au titre des années 2011 et 2012. Le requérant ne saurait se prévaloir utilement des observations que la SARL JDB a présentées à l'occasion de la procédure menée à l'encontre de celle-ci, en matière d'impôt sur les sociétés, pour soutenir qu'il a refusé les redressements apportés à ses propres revenus. Dès lors, il doit être regardé comme ayant accepté ces redressements et, de ce fait, supporte, devant le juge de l'impôt, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions.

4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

5. Au cours de la vérification de comptabilité de la SARL JDB, l'administration a relevé que la société, qui utilisait une application informatique de son système de caisse permettant de supprimer les tickets correspondant aux règlements effectués en espèces et de renuméroter les tickets suivants afin de dissimuler cette suppression, avait omis de déclarer des recettes en espèces d'un montant qu'elle a évalué, après avoir reconstitué les recettes de la société, à 72 222 euros en 2011 et 41 065 euros en 2012. Elle a considéré que ces sommes, qui ne sont pas demeurées investies dans la société et dont la distribution n'a pas été révélée par les écritures comptables, constituaient des rémunérations et avantages occultes qu'elle a imposées, en tant que revenus distribués, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, entre les mains de M. E... qu'elle a regardé comme le maître de l'affaire, après avoir constaté qu'il était le gérant unique de la SARL JDB, qu'en cette qualité, il disposait du pouvoir d'engager la société et de la représenter vis-à-vis des tiers, qu'il était le seul détenteur de la signature sociale et de la signature bancaire, que s'il ne détenait en propre que 1 % du capital de la société, il était également associé, à hauteur de 37,60 % des titres, et co-gérant de la SNC AGR, société holding détenant 99 % du capital de la SARL JDB, elle-même détenue, à hauteur de 37,20 %, par le frère du requérant, M. G... E..., et, à hauteur de 25,20 %, par l'indivision E... composée de MM. E... et de leur mère, et que, lors des assemblées générales de la SARL JDB, présidées par M. F... E..., la SNC AGR était représentée par lui-même. L'administration s'est enfin fondée sur des éléments propres au fonctionnement de l'entreprise, en relevant, d'une part, que les opérations enregistrées par le système de caisse de la SARL JDB étaient transférées quotidiennement par le logiciel Prores sur l'ordinateur portable de M. E... avant d'être basculées par ce dernier à destination du comptable de la société qui enregistrait une écriture mensuelle, et, d'autre part, que le requérant détenait la maîtrise du circuit des espèces au sein de la société, en se fondant sur les déclarations du requérant recueillies dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL JDB selon lesquelles il était le seul à préparer les espèces placées dans le coffre-fort de la société aux fins de leur remise en banque. L'administration a ainsi estimé que M. E..., qui disposait sans contrôle des fonds sociaux de la société, devait être regardé comme ayant appréhendé l'intégralité des revenus distribués.

6. A l'appui de sa requête d'appel, M. E... conteste uniquement avoir appréhendé les recettes distribuées par la SARL JDB au cours des années 2011 et 2012. Il soutient qu'il n'était associé de la SARL JDB qu'à titre très minoritaire, que l'administration n'a pas démontré que les autres associés de la SNC AGR ne participaient pas aux décisions de cette société, qu'il n'en était que le co-gérant avec son frère, que si sa mère et son frère lui avaient donné mandat pour le représenter la SNC AGR lors des assemblées générales de la SARL JDB, ils étaient en revanche présents lors des assemblées générales de la SNC AGR, que, dans ces conditions, il ne pouvait être regardé comme ayant dirigé seul la SARL JDB et qu'il n'était pas en charge du transfert à la banque des recettes en espèces.

7. Il résulte toutefois des éléments relevés par l'administration, qui ne sont pas utilement contredits par le requérant, que M. E..., en sa qualité de gérant unique de la SARL JDB, disposait seul du pouvoir d'engager juridiquement cette société à l'égard des tiers, qu'il était à la fois associé de cette société et associé et co-gérant de la société holding détenant la majorité de son capital, qu'il détenait seul la signature du compte bancaire de la société, qu'il assurait la gestion du système de caisse et, notamment, de ses fonctions permissives, et qu'il préparait les espèces conservées dans le coffre-fort de la société avant leur remise à la banque. Dans ces conditions, l'administration a pu considérer qu'en sa qualité de seul maître de l'affaire, M. E... devait être regardé comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la SARL JDB au titre des années 2011 et 2012. Par ses seules affirmations dénuées de toute précision et de tout élément de preuve, M. E... ne renverse pas la présomption d'appréhension des revenus distribués résultant de sa qualité de maître de l'affaire de la SARL JDB. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas disposé de ces revenus au titre des années en litige.

Sur les majorations :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

9. L'administration fiscale a assorti les redressements en litige de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts, après avoir relevé que la SARL JDB avait utilisé, de façon récurrente et pour des montants significatifs, soit 72 222 euros en 2011 et 41 035 euros en 2012, des fonctionnalités permissives du logiciel de caisse permettant de supprimer les opérations réglées en espèces et de renuméroter les tickets afin de dissimuler cette suppression, et que M. E..., qui contrôlait la société dont il était le gérant, était à l'origine de la dissimulation réitérée des recettes non déclarées de cette dernière. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit que le requérant a fait usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle des services fiscaux. Il suit de là que l'administration était fondée à appliquer aux redressements en cause la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses.

10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Vinet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2021.

2

N° 19LY01559

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01559
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-21;19ly01559 ?
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