La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2021 | FRANCE | N°20LY01714

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY01714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, su

bsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de lui délivrer un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2000004 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Grenoble a admis M. A... à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2019 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui accorder un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de fait ;

- la décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il s'est marié le 10 mars 2019 avec une ressortissant tunisienne, Mme E..., avec laquelle il vit depuis décembre 2017 ; que son épouse est de nationalité tunisienne et qu'ils n'ont donc pas la même nationalité ; son épouse est titulaire d'un titre de séjour de deux ans ; elle travaille en France et bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée ; elle était enceinte à la date de la décision attaquée ; le délai d'instruction des demandes de regroupement familial est extrêmement long ; son enfant est né le 23 janvier 2020 et il est à ses côtés pour l'élever et l'entretenir ; la circonstance qu'il a encore de la famille en Algérie est sans incidence dès lors que son foyer est constitué en France ; sa seule attache familiale en Algérie était sa grand-mère mais elle est décédée en 2016 ;

- en refusant d'étudier sa demande sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'une erreur de droit compte tenu de ce que le préfet n'entend pas faire bénéficier la famille du regroupement familial sur place ;

- il produit une promesse d'embauche de la société D Restauration du 6 juillet 2019 manifestant sa volonté de s'intégrer et c'est l'absence d'autorisation de travail qui le prive de tout revenu ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'enfant du couple est né le 23 janvier 2020 ; son éloignement préjudicierait à l'intérêt de son enfant ; l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a vocation à protéger l'enfant à naître ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les motifs précédemment évoqués et il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant algérien né le 14 octobre 1982, déclare être entré en France le 26 janvier 2016. Le 16 mars 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 14 juin 2016, le préfet du Tarn a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Le 8 août 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et portant la mention " salarié " sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien précité. Par un arrêté du 2 décembre 2019, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 26 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 décembre 2019.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2015, qu'il s'est marié le 10 mars 2019 avec une ressortissante tunisienne en situation régulière avec laquelle il vivait depuis 2017 et que de leur union est né, le 23 janvier 2020, un enfant. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, il ressort des mentions de l'arrêté que M. A... est entré en France le 26 janvier 2016 et qu'il a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 14 juin 2016. Ainsi M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans déférer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. M. A... ne peut se prévaloir, à la date de la décision attaquée, d'une vie commune suffisamment ancienne avec son épouse en indiquant qu'ils vivent en concubinage depuis 2017 et qu'ils se sont mariés le 10 mars 2019. S'il fait valoir que la décision querellée implique une séparation durable du couple compte tenu de ce que le préfet lui refusera le bénéfice du regroupement familial, M. A... n'établit pas, d'une part, qu'il ne pourra pas bénéficier du regroupement familial, le préfet n'étant pas en situation de compétence liée pour rejeter une telle demande au seul motif de l'insuffisance des ressources et d'autre part que la séparation du couple pendant la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial serait excessive. Par ailleurs, il n'est pas établi que les époux seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France. Ainsi, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et en dépit de la circonstance que son épouse dispose d'un titre de séjour et d'un contrat de travail à durée indéterminée et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant en refusant de lui accorder un titre de séjour.

4. En sa qualité de conjoint d'une ressortissante étrangère séjournant régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour, M. A... entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 susvisé. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de procéder à l'examen de la demande de l'intéressé sur le fondement de ces stipulations.

5. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... et son épouse, enceinte à la date de la décision attaquée, ne pourraient pas poursuivre leur vie familiale hors de France. En tout état de cause, l'enfant du couple est né postérieurement à l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation de M. A... et de son enfant.

7. Aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celleci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. / Les Etats parties veillent à mettre ces droits en oeuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans les cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride. ".

8. L'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant crée seulement des obligations entre Etats et n'ouvre pas de droits à leurs ressortissants, de sorte que M. A... ne peut utilement s'en prévaloir.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation peu important la circonstance que la présence de M. A... en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est pas entaché d'une erreur de fait, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

2

N° 20LY01714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01714
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly01714 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award