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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY01645

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY01645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 19096...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1909602 du 18 décembre 2019, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de pays de destination et interdiction de retour en France pour une durée de dix-huit mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1909602 du 18 décembre 2019 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 12 décembre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, fixer un pays de destination et fait interdiction de retour pendant une durée de dix-huit mois ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté a méconnu l'article 6-2 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est conjoint de français et alors que le préfet aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- l'arrêté a méconnu l'article 6-5 de l'accord précité et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié à une ressortissante française, réside en France depuis deux ans et bénéficie d'une promesse d'embauche ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour et pour méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui interdisant le retour en France est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et pour méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du même code.

Par décision du 22 janvier 2020, confirmée par ordonnance du président de la cour du 18 mai 2020, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A....

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour eu égard à la compétence du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon en application des dispositions combinées du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-1 du code de justice administrative.

M. A... a présenté des observations, enregistrées le 26 novembre 2020, en réponse à l'information communiquée aux parties.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 décembre 2019, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., né le 14 mars 1993 en Algérie, et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en l'interdisant de retourner en France pendant une durée de dix-huit mois. Par un jugement du 18 décembre 2019, dont M. A... relève appel, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a réservé l'examen des conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour pour qu'il y soit statué en formation collégiale et rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de pays de destination et interdiction de retour en France pour une durée de dix-huit mois.

Sur l'étendue du litige :

2. En application des dispositions combinées du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 776-1 du code de justice administrative, le magistrat délégué du tribunal administratif ne s'est prononcé que sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et enfin la décision interdisant un retour en France pour une durée de dix-huit mois, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ayant été renvoyées à une formation collégiale. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas en litige dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procéder à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle du requérant.

5. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 2°) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Le requérant ne conteste pas sérieusement qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord susvisé dès lors qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière en France et alors que le préfet n'était nullement tenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation. Si M. A... fait valoir qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 24 février 2018, les pièces produites n'attestent pas que leur communauté de vie remonterait dès son entrée en France en août 2017 comme il l'allègue. Si M. A... fait aussi valoir qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, l'intéressé a été condamné selon jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 10 juillet 2019 pour des faits de violence volontaire commis les 3 et 8 juillet sur une personne étant ou ayant été son conjoint. Il n'est pas sérieusement contesté que la famille du requérant réside en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les décisions du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, lui fixant un pays de destination et lui interdisant un retour en France pendant une durée de dix-huit mois, porteraient une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale et privée et méconnaitrait ainsi les stipulations de l'article 6-5 de l'accord précité ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas non plus établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant ces décisions. M. A... n'est ainsi pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'encontre des décisions qu'il conteste.

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

8. Comme indiqué au point 5, le requérant a été reconnu coupable, selon jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 10 juillet 2019, de faits de violence volontaire avec arme ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours commis les 3 et 8 juillet 2019 sur une personne étant ou ayant été son conjoint, à une peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis de quatre mois. Eu égard à la gravité des faits répétés à quelques jours d'intervalle et commis quelques mois avant l'édiction des décisions querellées, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, nonobstant les allégations du requérant sur les gages de réinsertion qu'il aurait présentés, notamment en obtenant des remises de peine. Le requérant ne peut utilement faire valoir qu'aucun risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français n'est établi compte tenu du motif retenu par le préfet.

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 précité : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier (...) alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

10. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Rhône a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois et appliqué les critères indiqués dans les dispositions précitées en prenant en compte la durée de sa présence en France, la nature et l'ancienneté de ses liens avec ce pays et la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence constitue une menace pour l'ordre public. Si le requérant fait valoir que la mesure d'éloignement prise le 22 décembre 2017 a été annulée le 1er mars 2018 par le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon, ce jugement a été lui-même annulé par la cour administrative d'appel de Lyon le 4 avril 2019. S'il reprend ses arguments tenant à sa vie maritale avec une ressortissante française et sa volonté d'insertion professionnelle, eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 8, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation en prenant cette décision.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et en lui interdisant de retourner en France pendant une période de dix-huit mois, ainsi que par voie de conséquence, celles à fin d'injonction. Il y a lieu également de rejeter ses conclusions tendant à mettre à la charge de l'État ses frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition par le greffe le 7 janvier 2021.

N° 20LY01645 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 07/01/2021
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY01645
Numéro NOR : CETATEXT000042991811 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly01645 ?
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