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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY00416

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY00416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 5 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1902288 lu le 11 décembre 2019, le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 janvier, et les 15 et

23 avril 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 5 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1902288 lu le 11 décembre 2019, le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 janvier, et les 15 et 23 avril 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal, ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée de l'illégalité du titre de séjour et méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par mémoire enregistré le 19 mars 2020, le préfet de l'Yonne, représenté par le cabinet Claisse et associés conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger (...) qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ".

2. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

3. En l'espèce, Mme B... a déclaré être arrivée en France en juin 2016. Le 31 mars 2017, elle a donné naissance à un fils, A..., qui avait été reconnu le 6 janvier 2017 par M. G.... Le préfet de l'Yonne, auquel Mme B... avait transmis l'acte de naissance de l'enfant le 21 avril 2017, a rejeté sa demande de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile motif pris du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité. Pour caractériser la fraude, il a retenu, d'une part, qu'une vie commune certaine et stable entre M. G... et Mme B... n'était pas établie et d'autre part que M. G... ne participe pas à l'entretien et à l'éducation de l'enfant A.... Toutefois, par des pièces produites en appel, Mme B... établit que le père de son enfant lui versait une pension alimentaire, notamment en mai, juin et décembre 2018. Ainsi en invoquant l'absence de vie commune avérée et stable entre les intéressés et l'absence de contribution de M. G... à l'entretien et l'éducation de l'enfant reconnu, le préfet de l'Yonne ne peut être regardé comme faisant état d'éléments précis et concordants établissant que la reconnaissance de paternité effectuée par M. G... aurait revêtu un caractère frauduleux. La circonstance que celui-ci a reconnu un autre enfant né le 5 décembre 2016 d'une ressortissante camerounaise en situation irrégulière ne saurait justifier, que la reconnaissance de paternité, effectuée le 6 janvier 2017, a été faite dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour. Par ailleurs, le préfet de l'Yonne n'apporte à la cour aucun élément sur les suites données par le procureur de la République au signalement effectué le 5 juillet 2019 pour suspicion de fraude pour la reconnaissance de paternité faite par M. G... et alors que l'enfant A... dispose toujours d'un certificat de nationalité française établi en septembre 2017. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... pour ce motif. La décision en litige doit donc être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions par lesquelles le préfet de l'Yonne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée.

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Le jugement ainsi que les décisions susvisées du 5 juillet 2019 doivent être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique, eu égard à ses motifs, et alors qu'il n'est pas contesté que Mme B... remplit les autres conditions prévues au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de l'Yonne lui délivre une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902288 du 11 décembre 2019 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les décisions du 5 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Yonne a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

N° 20LY00416 2

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 07/01/2021
Date de l'import : 27/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY00416
Numéro NOR : CETATEXT000042896244 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly00416 ?
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