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07/01/2021 | FRANCE | N°19LY00422

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 19LY00422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 136 808,87 euros en réparation des préjudices consécutifs aux interventions des 17 février 2010, 14 décembre 2010 et 5 juin 2012, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Clermont-Fer

rand à lui verser la somme de 36 214,22 euros en réparation des préjudices con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 136 808,87 euros en réparation des préjudices consécutifs aux interventions des 17 février 2010, 14 décembre 2010 et 5 juin 2012, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 36 214,22 euros en réparation des préjudices consécutifs aux interventions des 17 février et 14 décembre 2010 et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 100 594,65 euros en réparation des préjudices découlant de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée à la suite de l'intervention du 5 juin 2012, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts ; à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 78 404,43 euros en réparation des préjudices consécutifs aux interventions des 17 février 2010, 14 décembre 2010 et 5 juin 2012, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts ; à titre plus qu'infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 25 705,18 euros en réparation des préjudices consécutifs aux interventions des 17 février et 14 décembre 2010 et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 57 699,25 euros en réparation des préjudices découlant de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée à la suite de l'intervention du 5 juin 2012, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 33 373,53 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2017 et de la capitalisation des intérêts, et la somme de 806,25 euros au titre des dépenses de santé futures et de le condamner à lui verser la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1602186 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à Mme G... la somme de 62 981,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2016, sauf pour la part correspondant aux dépenses de santé futures, et de la capitalisation des intérêts, à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils seront exposés et sur présentation des justificatifs, les frais en lien avec la faute commise qui demeureront à sa charge, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 33 501,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2017, sauf pour la part correspondant aux dépenses de santé futures, et de la capitalisation des intérêts et à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils seront exposés et sur présentation des justificatifs, les frais en lien avec la faute commise qu'elle exposera pour le compte de son assurée et à lui verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros, à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 avril 2019 et le 10 juin 2020, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont il était saisi ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la pose d'implants sur la mandibule le 5 juin 2012 n'aurait pas dû être décidée et est constitutive d'une faute médicale ; la pose d'implants mandibulaires était indiquée au vu du scanner maxillaire réalisé le 5 mai 2011 ; la pose des implants n'a été décidée qu'à la suite de l'accord de l'oto-rhino-laryngologiste et après la disparition de la douleur au niveau de la fosse canine ; un scanner a été réalisé le 8 octobre 2010 avant la pose des implants et a mis en évidence une mauvaise ossification du matériau utilisé pour l'élévation du plancher du sinus ; pour éviter une nouvelle greffe, il a été décidé de poser les implants maxillaires gauches dans le volume osseux disponible, c'est-à-dire d'incliner les implants en palatin et non de les positionner verticalement ; les implants ont été posés le 14 décembre 2010 et aucune suite postopératoire n'a été notée ; ce n'est qu'au mois de mars et avril 2011 que des douleurs localisées en regard de l'élévation du plancher sinusien sont apparues ; les granules de matériau ont été curetées le 16 mars 2011 et aucune manifestation clinique n'a été notée dans les suites de cette intervention ; le scanner du 5 mai 2011 s'il a montré une ossification imparfaite au niveau de l'élévation du sinus n'a pas mis en cause l'ostéointégration des implants ; le scanner du 5 mai 2011 n'est pas mentionné dans la liste des pièces étudiées par l'expert et l'expert s'est borné à s'en remettre au compte-rendu rédigé par le docteur Goldstein, radiologue libéral, qui n'est pas un spécialiste de la chirurgie maxillo-faciale et de la stomatologie ; les implants maxillaires gauches ont été délibérément posés de façon non verticale pour éviter une nouvelle greffe sinusienne ; un délai important s'est écoulé entre la consultation qui a diagnostiqué l'impossibilité de conserver les dents mandibulaires et celle au cours de laquelle il a été décidé de la pose d'implants mandibulaires et cette réflexion a été éclairée par la demande d'un avis indépendant d'un médecin oto-rhino-laryngologiste ; il en résulte que la décision de poser des implants mandibulaires n'a été prise que lorsque les praticiens ont eu la certitude d'avoir identifié et géré les complications apparues à la suite du traitement implanto-prothétique maxillaire et après que toutes les autres solutions de réhabilitation mandibulaire ont été épuisées ; par suite, aucune faute médicale résultant de la décision de poser des implants sur la mandibule après l'implantation du maxillaire ne peut être retenue ;

- le jugement du tribunal administratif sera confirmé en ce qu'il n'a retenu aucune faute au titre d'une erreur dans le choix thérapeutique ; si la prise de biphosphonates favorise la survenance de complications bucco-dentaires, la mise en place d'implants dentaires chez des patients bénéficiant d'un tel traitement n'est pas contre-indiquée et n'est pas à risques ; par ailleurs, Mme G... n'avait informé le service d'odontologie que d'une seule injection de biphosphonate au mois d'octobre 2018 à l'exclusion du traitement par voie orale qui lui avait été administré du mois de mars 2007 à septembre 2008 pour son ostéoporose ; cette unique injection n'est pas constitutive d'un risque assez important d'ostéonécrose qui aurait justifié un refus de pose d'implants dentaires ; par suite, le choix thérapeutique ne peut être considéré comme ayant fait courir à Mme G... des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices escomptés ;

- la décision de poursuivre le traitement implanto-prothétique au niveau maxillaire ne caractérise pas davantage une erreur dans le choix thérapeutique dès lors que le chirurgien a procédé à une élévation du plancher sinusien le 17 février 2010 sans ouvrir l'os, qu'entre cette intervention et la pose des implants en décembre 2010, il n'a été rapporté aucun problème quant à la greffe osseuse, que l'avis d'un oto-rhino-laryngologiste a été sollicité le 17 septembre 2010, que la pose d'implants maxillaires n'a été décidée qu'à la suite de l'accord de ce spécialiste, de la disparition de la douleur et de la réalisation d'un scanner et que le délai entre l'élévation du plancher sinusien et la pose des implants le 14 décembre 2010 a été anormalement long pour obtenir un silence clinique ;

- aucun défaut d'information ne peut lui être reproché dès lors que Mme G... a été informée des conséquences liées à la prise antérieure de biphosphonates qui n'était pas contre-indiquée pour la pose des implants ; il ne saurait lui être reproché un quelconque défaut d'information quant aux complications majeures dès lors que la patiente n'a informé le service que d'une seule injection de biphosphonate en octobre 2008 ; l'intéressée a été reçue plusieurs fois en consultation ; Mme G... a signé un consentement avant l'intervention du 5 juin 2012 par lequel elle certifie avoir été informée de la procédure chirurgicale, des bénéfices, inconvénients et limites de cette intervention ainsi que des risques de complications ;

- à titre subsidiaire, le tribunal administratif a procédé à une évaluation excessive des préjudices ; le déficit fonctionnel temporaire partiel de 5 % peut être indemnisé par l'allocation d'une somme de 460 euros ; l'expert n'a pas fixé de déficit fonctionnel temporaire partiel de 15 % du 22 juin 2012 au 22 novembre 2013 contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif ; par suite, le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 760 euros ; s'agissant du déficit fonctionnel permanent subi par l'intéressé et évalué à 32 %, ce taux apparaît excessif dès lors que Mme G... est appareillée, qu'elle n'a subi qu'une édentation du maxillaire, c'est-à-dire de la moitié de la dentition qui ne peut correspondre qu'à un déficit fonctionnel de 17 % en se référant au barème du concours médical et en prenant en compte les troubles de la sensibilité, l'évaluation de ce poste de préjudice ne pourra excéder 19 % soit une somme de 20 000 euros ; les souffrances endurées pourront être évaluées à la somme de 3 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire n'a pas été retenu par l'expert et, à titre subsidiaire, une indemnité de 1 000 euros pourrait être allouée pour ce préjudice en raison de l'abcès sous-mandibulaire présenté dans les suites de l'intervention du 5 juin 2012 ; elle ne présente aucun préjudice esthétique permanent dès lors qu'elle est appareillée ; aucune indemnité ne peut être allouée au titre du préjudice d'agrément ; si Mme G... sollicite des indemnités au titre du préjudice moral d'impréparation, celle-ci a été destinataire de l'information prévue par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique préalablement à chacune des interventions pratiquées et elle n'établit pas qu'elle aurait pris certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident ; les dépenses de santé futures ne pourront être prises en charge qu'au fur et à mesure qu'elles seront exposées et sur présentation de justificatifs ; elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation des préjudices allégués résultant des interventions des 17 février et 14 décembre 2010 dès lors qu'aucun défaut d'information ni aucun manquement fautif ne sont caractérisés.

Par des mémoires, enregistrés le 24 juillet 2019 et le 17 juin 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me A..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que le jugement du 22 novembre 2018 soit réformé en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a retenu ni de défaut d'information ni de faute dans l'indication implantaire imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au regard du traitement par biphosphonates dont avait bénéficié Mme G..., à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'il soit mis hors de cause dès lors que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand exclut toute intervention de la solidarité nationale dans l'indemnisation des préjudices subis par Mme G... ; le 14 décembre 2010, Mme G... avait bénéficié de la pose de huit implants au niveau du maxillaire supérieur et le résultat de ce traitement était négatif compte tenu du mauvais positionnement de plusieurs implants et de l'apparition d'une ostéolyse mise en évidence par un scanner réalisé le 5 mai 2011 ; malgré ce résultat, il a été procédé à la pose de quatre implants au niveau de la mandibule alors que l'échec de la pose d'implants au niveau maxillaire constituait une contre-indication à la pose d'implants sur la mandibule ; l'expert considère que le défaut d'indication implantaire a été à l'origine de l'ostéonécrose puis de l'impossibilité d'appareillage ; l'infection présentée par la patiente résulte de l'ostéonécrose elle-même imputable au défaut d'indication implantaire ; lors de l'expertise, le centre hospitalier n'a jamais contesté la mauvaise position des implants constatée par le scanner du 5 mai 2011 ; les complications ne pouvaient être considérées comme gérées avant la pose d'implants mandibulaires en 2012, l'expert émettant des réserves sur la pérennité des travaux réalisés sur le maxillaire supérieur ; s'agissant du défaut d'indication de pose d'implants dentaires au niveau mandibulaire, la prise de biphosphonates per os puis en perfusion intraveineuse de mars 2007 à octobre 2008 contre-indiquait la pose d'implants ; les praticiens étaient informés du risque d'ostéonécrose associé à la prise de ce traitement depuis 2005 ; un article de la revue de la société française de chirurgie orale de 2012 et la littérature médicale soulignent le risque de nécrose osseuse chez les patients traités par biphosphonates ; Mme G... présentait quatre facteurs de risque concernant cette contre-indication ; si le tribunal administratif a retenu que la patiente n'aurait informé le centre hospitalier que d'une injection en octobre 2008 sans faire état du traitement par voie orale suivi de mars 2007 à septembre 2008, le dossier médical de l'intéressée fait état à plusieurs reprises de la prise de biphosphonates ; le traitement implantaire n'était pas impératif ; sans implant, l'intéressée n'aurait pas présenté d'ostéonécrose de la mandibule et aurait ainsi pu éviter les complications subies ; s'agissant du défaut d'information, en n'informant pas Mme G... du risque d'ostéonécrose inhérent à la pose d'implants, le centre hospitalier a privé la patiente d'une chance de pouvoir refuser l'intervention et de choisir une alternative thérapeutique ;

- les conditions de la mise en oeuvre d'une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas réunies ; compte tenu des lourds problèmes dentaires de Mme G... tout au long de sa vie et de son tabagisme actif, l'aggravation spontanée de son état bucco-dentaire était fortement probable ; par suite, l'acte de soins n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves qu'en l'absence de traitement ; il ressort de la littérature médicale que le risque d'ostéonécrose est accru lorsque la pose d'implants survient pendant ou après un traitement par biphosphonates ; la patiente présentait quatre facteurs de risque et la survenance d'une ostéonécrose ne peut être regardée comme résultant d'un risque présentant une probabilité faible ; l'infection présentée par Mme G... ne revêt pas un caractère nosocomial dès lors qu'il ne ressort à aucun moment du rapport d'expertise que la pose d'implants du 5 juin 2012 constitue la porte d'entrée du germe streptocoque mis en évidence le 7 août ; le syndrome infectieux est induit par le phénomène d'ostéonécrose ; elle a présenté une complication, l'ostéonécrose, relevant d'un accident médical non anormal et cette complication étant à l'origine directe de l'infection, cette dernière ne peut revêtir un caractère nosocomial ; son infection n'a pas entraîné un taux d'incapacité permanente partielle supérieur à 25 % compte tenu d'une part que seule l'ostéonécrose est à l'origine des séquelles actuelles et d'autre part que le taux de déficit retenu par l'expert de 32 % est excessif eu égard à la circonstance que la mandibule de la patiente peut être appareillée et qu'en tout état de cause, l'édentation de la mandibule ne peut correspondre qu'à un taux de déficit de 19 %.

Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2020, Mme G..., représentée par Me B..., conclut :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 22 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a retenu ni de défaut d'information ni de défaut d'indication implantaire sur le maxillaire supérieure imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au regard du traitement par biphosphonates dont elle bénéficiait et en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas entièrement fait droit à sa demande et à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 136 808,97 euros correspondant aux préjudices subis à la suite des interventions des 17 février et 14 décembre 2010 et du 5 juin 2012, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts et à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à l'indemniser de la perte de chance évaluée à hauteur de 50 % d'éviter les interventions des 17 février et 14 décembre 2010 et leurs conséquences, soit la somme de 16 214 euros au titre des dépenses de santé actuelles et le coût de l'ensemble des soins dentaires concernant les implants des dents n° 14, 17, 23, 26 et 27 et tous les travaux prothétiques sur le maxillaire sur présentation des justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés, la somme de 10 000 euros au titre de l'ensemble des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence du 1er décembre 2009 au 4 juin 2012 et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral d'impréparation ou à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 100 594,65 euros en réparation des préjudices liés à l'intervention du 5 juin 2012 et ses conséquences ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 100 594,65 euros en réparation des préjudices découlant de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée à la suite de l'intervention du 5 juin 2012, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016 et de la capitalisation des intérêts ;

4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un défaut d'information lui ayant fait perdre 50 % de chance d'éviter les interventions réalisées en 2010 et celle du 5 juin 2012 peut être reproché au centre hospitalier ; lors de sa première consultation, avant le début du traitement prothétique et après chaque intervention, elle n'a reçu aucune information quant aux risques associés à la pose d'implants et aux restrictions d'indication en raison de son traitement par biphosphonates injectables et par voie orale ; le centre hospitalier connaissait cette prise de biphosphonates et le risque d'ostéonécrose ; informée de ce risque, elle aurait pu renoncer à l'intervention ; l'expert retient que ce défaut d'information lui a fait perdre une chance d'éviter les interventions de 2010 à hauteur de 50 % et une chance d'éviter l'intervention de 2012 évaluée à 100 % ; la circonstance qu'un long délai se soit écoulé entre l'intervention du 17 février 2010 et celle du 14 décembre 2010 ne saurait apporter la preuve d'une information suffisante sur les risques inhérents à la prise antérieure de biphosphonates ; la fiche de consentement éclairé ne comporte aucune information sur les risques inhérents à la prise de biphosphonates ;

- elle a également subi un préjudice d'impréparation ;

- le centre hospitalier a commis une faute en réalisant une intervention non recommandée ne respectant pas le rapport bénéfice/risque ; la décision du centre hospitalier de réaliser les interventions a méconnu les dispositions de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique dès lors que l'expert relève que le délai entre l'élévation du plancher sinusien et la pose d'implants n'était pas suffisant pour garantir une sécurité médicale et pour justifier l'indication thérapeutique, que les soins n'ont pas été consciencieux et conformes aux données actuelles de la science, qu'elle n'a pas bénéficié d'une information sur les risques encourus ;

- elle a été victime d'une infection à la suite de la pose d'implants du 5 juin 2012 puisqu'elle a présenté une cellulite mandibulaire gauche puis droite, soit une cellulite étendue qui a évolué vers une ostéonécrose ayant abouti notamment à une fracture mandibulaire ; cette cellulite est une extension de l'infection ; si l'expert a conclu que l'infection ne présentait pas un caractère nosocomial compte tenu de ce que les implants avaient été posés en ambulatoire, les soins ambulatoires ne sont pas exclusifs de l'existence d'une infection nosocomiale ; avant sa prise en charge par le centre hospitalier, elle ne présentait pas de foyer infectieux et ce n'est qu'à la suite de l'intervention du 5 juin 2012 qu'elle a présenté cette infection ;

S'agissant des préjudices :

S'agissant des préjudices liés aux interventions des 17 février et 14 décembre 2010 :

- elle a subi une perte de chance qui doit être évaluée à hauteur de 50 % ; pour l'ensemble des troubles de toute nature de caractère personnel subis entre le 17 février 2010 et le 3 juin 2012, elle sollicite la somme de 10 000 euros ; au titre des dépenses de santé actuelles restées à sa charge, elle sollicite la somme de 9 203,07 euros ; elle demande la condamnation du centre hospitalier à lui payer tous les soins dentaires concernant les implants des dents n° 14, 17, 23, 26 et 27 et tous les travaux prothétiques et soins dentaires en lien avec ces travaux prothétiques sur le maxillaire sur présentation des justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés, déduction faite de la créance éventuelle des organismes sociaux ;

S'agissant des préjudices en lien avec l'intervention du 5 juin 2012 :

- sur les préjudices extra-patrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à la somme de 390 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total du 7 au 16 août 2012, du 13 au 24 septembre 2012 et le 30 avril 2013 et à la somme de 5 998,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire entre le 5 juin 2012 et le 17 septembre 2015 ; elle sollicite une somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées avant la date de consolidation ; les conclusions de l'expert quant au préjudice esthétique temporaire et permanent ne sauraient être retenues et elle sollicite la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire et la somme de 4 500 euros au titre de son préjudice esthétique permanent ; le déficit fonctionnel permanent sera évalué à la somme de 54 400 euros compte tenu du taux de 32 % retenu par l'expert ; le préjudice d'agrément sera évalué à la somme de 3 000 euros ; le préjudice moral d'impréparation sera évalué à la somme de 7 000 euros ;

- sur les préjudices patrimoniaux, elle sollicite la somme de 7 011,15 euros au titre des dépenses de santé, hors créances des organismes sociaux ; pour les dépenses de santé futures, les frais liés à tous les travaux prothétiques et tous les soins dentaires en rapport avec ces travaux sur la mandibule, sur présentation des justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés avec la prise en compte de la somme de 1 434,50 euros, doivent être mis à la charge du centre hospitalier.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 080 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle fait siens les motifs développés par Mme G... quant aux fautes commises par le centre hospitalier ; ces fautes ont entraîné des dépenses de santé dont elle demande le remboursement ; l'expert a également précisé que des dépenses de santé futures devront être engagées dans le cadre de la pose d'une prothèse complète du bas ;

- elle sollicite la somme de 33 373,53 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 806,25 euros au titre des dépenses de santé futures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er décembre 2009, Mme E... C... épouse G..., née le 21 décembre 1950 et souffrant de problèmes dentaires depuis l'adolescence, a consulté le service d'odontologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand pour bénéficier de prothèses dentaires fixes en remplacement de prothèses dentaires mobiles. Le 17 février 2010, une élévation du plancher sinusien gauche, technique chirurgicale pré-implantaire d'augmentation osseuse, a été réalisée. Mme G... a présenté des douleurs au niveau de la fosse canine et a bénéficié d'un traitement antibiotique et antalgique. A la suite de l'avis de l'oto-rhino- laryngologiste consulté par le centre hospitalier le 17 septembre 2010, de la disparition de toute douleur et de la réalisation d'un scanner le 13 septembre et le 8 octobre 2010, l'avulsion de cinq dents délabrées et d'une racine et la pose de huit implants ont été réalisées le 14 décembre 2010 au niveau du maxillaire supérieur. Au mois de mars et avril 2011, Mme G... a présenté des douleurs localisées en regard de l'élévation du plancher sinusien. Des granules du matériau utilisé pour l'élévation du sinus, enkystées dans la muqueuse gingivale au niveau des prémolaires ont été identifiées à la suite d'examens. Le 16 mars 2011, le curetage de ces granules a été réalisé sous anesthésie locale. Le 5 mai 2011, un scanner a mis en évidence une ossification imparfaite au niveau de l'élévation du sinus et a confirmé l'ostéointégration des implants. Le 23 mai 2011, il a été observé que les dents, support du bridge mandibulaire, n'étaient pas conservables et une solution implantaire a été envisagée. Le 5 juin 2012, Mme G... a subi une avulsion de quatre dents délabrées et la pose de quatre implants. En raison d'un écoulement de pus important, trois implants mandibulaires sur quatre ont dû être retirés le 25 juin 2012. Le 30 et 31 juillet 2012, une radiographie et une échographie des mandibules ont mis en évidence une ostéonécrose de la mandibule. Mme G... a été hospitalisée au sein du service de stomatologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand du 7 au 16 août 2012 pour une cellulite mandibulaire gauche. Le 7 août 2012, après qu'un scanner a confirmé l'existence d'une collection sous-mandibulaire gauche associée à un tableau radiologique d'ostéonécrose de l'arc mandibulaire inférieur, la patiente a subi une intervention pour drainage de l'abcès et avulsion des dents 37 et 38. L'examen bactériologique a mis en évidence la présence d'un streptococcus pyogène. Mme G... a été à nouveau hospitalisée du 13 au 24 septembre 2012 pour une cellulite mandibulaire droite. Le 14 septembre 2012, une nouvelle intervention a été pratiquée et l'examen bactériologique de l'abcès a mis en évidence la présence d'un streptococcus intermedius. Depuis, Mme G... présente une édentation de la mandibule avec une absence de crête osseuse. Mme G... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la désignation d'un expert. Par une ordonnance du 31 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné le docteur Eglizeaud, spécialisé en chirurgie maxillo-faciale et en stomatologie, en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 25 avril 2016. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à Mme G... la somme de 62 981,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2016, sauf pour la part correspondant aux dépenses de santé futures, et de la capitalisation des intérêts, à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils seront exposés et sur présentation des justificatifs, les frais en lien avec la faute commise qui demeureront à sa charge, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 33 501,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2017, sauf pour la part correspondant aux dépenses de santé futures, et de la capitalisation des intérêts et à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils seront exposés et sur présentation des justificatifs, les frais en lien avec la faute commise qu'elle exposera pour le compte de son assurée, et à lui verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros, à sa charge définitive. Par la voie de l'appel incident, Mme G... demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :

En ce qui concerne le défaut d'information :

2. Aux termes de l'article L. 11112 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".

3. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Toutefois, en cas d'accident, le juge qui constate que le patient n'avait pas été informé du risque grave qui s'est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l'information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l'intéressé, pour déterminer la perte de chance qu'il a subie d'éviter l'accident en refusant l'accomplissement de l'acte.

4. Mme G... fait valoir que, lors de sa première consultation, avant le début du traitement prothétique et après chaque intervention, elle n'a reçu aucune information quant aux risques associés à la pose d'implants et aux restrictions d'indication en raison de son traitement par biphosphonates injectables et par voie orale et que ce défaut d'information lui a fait perdre 50 % de chance d'éviter les interventions réalisées en 2010 et celle du 5 juin 2012.

5. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement aux interventions du 17 février et 14 décembre 2010, Mme G... a signé un document dénommé " consentement du patient " qui lui a été remis par le service d'odontologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et selon lequel Mme G... certifie avoir été informé par le docteur Deschaumes que la mise en place chirurgicale d'implants est possible mais qu'aucune garantie de succès ne peut être assurée dans ce type de traitement, que le tabagisme augmente le risque d'échec de ce type de traitement, des traitements classiques et de la nécessité de contrôles cliniques et radiographiques deux fois par an pendant les trois ans qui suivent l'implantation puis une fois par an par la suite. Antérieurement à l'intervention du 5 juin 2012, Mme G... a signé un document intitulé " consentement du patient " faisant état de ce que l'intéressée a été informée des " risques, de gravité variable, de complications multiples et imprévisibles liés à l'anesthésie, à la chirurgie et plus particulièrement à l'intervention envisagée ". L'expert a précisé " qu'il aurait été souhaitable qu'une information écrite extrêmement précise concernant les risques inhérents à la prise antérieur de biphosphonate soit intégrée à ce consentement éclairé ", alors que " le docteur Deschaumes avait identifié la prise de biphosphonate puisque sur le dossier est noté la prise de biphosphonate et devant est mis un petit triangle avec un point d'interrogation qui nous semble représenter le panneau " danger " ".

6. Si les termes dans lesquels ces documents de consentement ont été rédigés ne démontrent pas qu'une information portant particulièrement sur les risques auxquels s'exposait Mme G... du fait de son traitement par biphosphonate lui a été délivrée, il est constant que Mme G... a été reçue en consultation, avant l'intervention du 17 février 2010, le 1er décembre 2009 par le docteur Deschaumes qui a noté que la patiente avait bénéficié d'un traitement par biphosphonate en faisant suivre cette mention d'un symbole représentant le panneau " danger ", le 19 décembre 2009 et le 12 janvier 2010. Entre l'intervention du 17 février et celle du 14 décembre 2010, Mme G... a été vue en consultation le 4 mai, le 22 et 29 juin, le 5, le 6 et le 29 juillet, le 17 septembre, le 12 octobre, le 9, le 16, le 17 et le 23 novembre et le 9 décembre 2010. Entre l'intervention du 14 décembre 2010 et celle du 5 juin 2012, Mme G... a été reçue en consultation le 16 et le 21 décembre 2010, le 6 et le 18 janvier, le 1er, le 10, le 15, le 22 mars, le 19 avril, le 18, 23 et 30 mai, le 6, le 28 juin, le 30 août, le 27 septembre 2011, le 6 mars et le 30 mai 2012. Les documents médicaux préalables aux interventions, et notamment le résumé médical qui renvoie au questionnaire médical du dossier général, ainsi que les documents postopératoires appellent l'attention sur le traitement médical par biphosphonate sous forme de perfusion suivi par Mme G... en octobre 2008. L'expert indique encore que " d'après les dires de Mme G... (...), le docteur Deschaumes n'a pas assez insisté sur le risque que prenait Mme G... à faire poser des implants sur des antécédents de prise de biphosphonate ". Il s'ensuit que les mentions portées sur les documents pré ou postopératoires relatives au traitement par biphosphonate, les nombreuses consultations qui ont précédé chacune des interventions, le long délai qui s'est écoulé entre chacune d'elles et les dires à l'expert de Mme G..., qui s'est bornée à indiquer que le chirurgien n'aurait pas suffisamment insisté sur les risques des interventions compte tenu de son traitement par biphosphonate, établissent que Mme G... a reçu l'information nécessaire sur le résultat attendu, les conséquences et les risques prévisibles de ces interventions, notamment au regard du traitement par biphosphonate tel qu'il a été indiqué comme suivi par la patiente. Il en résulte que Mme G... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en raison d'un défaut d'information des risques résultant des interventions des 17 février et 14 décembre 2010 et du 5 juin 2012.

7. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention chirurgicale, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, Mme G... n'est pas fondée à se prévaloir d'un préjudice moral d'impréparation résultant d'un défaut d'information quant aux risques liés aux interventions litigieuses.

En ce qui concerne les fautes alléguées lors des prises en charge de Mme G... :

9. Mme G... fait valoir que le centre hospitalier a méconnu les dispositions de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique et a commis une faute en réalisant une intervention non recommandée ne respectant pas le rapport bénéfice/risque dès lors que l'expert relève que toute pose d'implant chez un patient ayant pris du biphosphonate par injection ou par voie orale est non recommandée ; que malgré les complications sur le maxillaire supérieur à la suite des interventions des 17 février et 14 décembre 2010, la pose d'implants a été décidée en juin 2012.

10. Aux termes de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, dans sa version alors applicable : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. ".

11. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que Mme G... a été adressée par son chirurgien-dentiste au service d'odontologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand compte tenu de son souhait de bénéficier de prothèses fixes en remplacement de ses prothèses mobiles. Si le docteur Deschaumes a eu connaissance, avant la première intervention du 17 février 2010, de l'administration d'une perfusion de biphosphonate sous la dénomination Aclasta et dont le principe actif est le zolédronate en octobre 2008, il n'est pas contesté qu'il a découvert, lors de la dépose des implants dentaires en juillet 2012, que la patiente avait également été traitée de mars 2007 à septembre 2008 par biphosphonate per os.

12. Si l'expert indique que " tous les documents que nous avons utilisés en bibliographie et bien d'autres encore, puisque nous ne pouvons tous les citer, même s'ils ne contre-indiquent pas la pose d'implants chez les personnes qui ont eu des traitements au biphosphonate, mettent en garde contre les risques de ceux-ci de façon non formelle mais existante. " et poursuit, en se référant à la littérature médicale, qu'" il aurait été souhaitable de la part du service hospitalier de refuser de pratiquer ce type de traitement ; bien que les organismes officiels ne l'interdisent pas, ils ne le recommandent pas non plus et ce de façon assez claire et précise ", il résulte toutefois de la littérature médicale jointe au rapport d'expertise que, selon les recommandations sur la prise en charge bucco-dentaire des patients traités par biphosphonates émises en 2007 par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, " depuis 2003, des publications signalent un effet indésirable grave imputable aux biphosphonates : l'ostéonécrose de la mandibule et/ou du maxillaire. Chez les patients recevant un traitement par biphosphonate dans le cadre d'une ostéoporose/maladie Paget sans évidence d'ostéonécrose, il est recommandé : " - de réaliser un suivi bucco-dentaire et - d'effectuer les avulsions dentaires, lorsqu'elles sont nécessaires sous traitement antibiotique et de la façon la moins traumatisante possible ", l'agence française précisant que " (...) Les données actuellement disponibles ne permettent pas de considérer que la prise de BP pour une ostéoporose est une contre-indication à la mise en place d'un implant dentaire ". La société française de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale précise, en juillet 2012, dans ses recommandations de bonne pratique relatives à l'implantologie et biphosphonates que " les BPs administrés par voie orale mais aussi plus récemment par voie veineuse (zolédronate ou ibandronate) sont indiqués pour traiter des maladies osseuses bénignes dont les plus fréquentes sont les ostéoporoses et la maladie de Paget (...). Le traitement médicamenteux de l'ostéoporose vise à corriger la fragilité osseuse liée à cette maladie, à réduire le risque de fracture et à améliorer la qualité de vie des patients. (...) L'administration annuelle de BPs IV, qui peut être proposée désormais pour le traitement des affections bénignes, semble être très faiblement associée à la survenue d'une ostéonécrose des mâchoires. Une étude contrôlée randomisée a mis en évidence un cas d'ONM dans un groupe de 3 889 patientes ménopausées atteintes d'ostéoporose et traitées par injection annuelle IV de zolédronate et un cas dans le groupe contrôle de 3 876 patientes recevant un placebo. Les auteurs concluaient que le risque était faible en regard des bénéfices liés au traitement. Les résultats d'une étude ultérieure ont confirmé ces premières données. (...) L'incidence de l'ONM chez les patients traités par BPs pour des affections bénignes reste faible entre 0,001 % et 0,10 %. (...) En considérant les facteurs de risque, plusieurs points consensuels se dégagent quant aux rôles significatifs du type de molécule, de sa durée d'utilisation et des facteurs locaux bucco-dentaires pouvant aussi être impliqués. (...) Le risque augmente de façon significative avec la durée de traitement et la dose cumulée. (...) Le risque de développer une ONM est significativement plus élevé chez les patients atteints d'affections malignes traitées par PBs IV et le risque augmente avec la durée d'administration. Le risque d'ONM reste faible chez les patients atteints de pathologies osseuses bénignes traitées par les BPs. Un geste chirurgical bucco-dentaire invasif (tel qu'une avulsion dentaire ou une chirurgie orale) constitue un facteur de risque significatif (...). D'autres facteurs, âge supérieur à 65 ans, sexe féminin, traitements médicamenteux (chimiothérapie, corticothérapie) et certaines comorbidités, tabac ont été évoqués comme possibles facteurs de risque mais des associations significatives entre certains paramètres (chimiothérapie, âge, corticoïdes) et la survenue d'ONM ne sont pas toujours retrouvées. (...) Le risque associé à la pose d'un implant est plus élevé et la survenue d'une ONM est plus rapide chez les patients traités par BPs IV pour une pathologie maligne. Le risque semble faible chez les patients traités par BPs pour une pathologie osseuse bénigne ; cependant, il ne peut être totalement écarté. Aucune donnée ne permet d'apprécier le risque lié à la pose d'implant chez un patient sous BPs IV (injection annuelle de zolédronate) dans le cadre du traitement de l'ostéoporose. En l'absence d'études évaluant méthodiquement l'incidence et les co-facteurs du risque, il est difficile de préciser le risque lié à la pose d'implants et impossible de prédire le risque individuel. Le risque peut être directement lié à l'acte chirurgical (l'ONM survient alors rapidement après la pose) mais la survenue d'une ONM peut aussi être une complication tardive spontanée plusieurs années après la pose implantaire. Aucune méthode ne permet de prédire le risque d'ONM ". La société française de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale conclut que " la pose d'implants est possible chez les patients ayant une ostéoporose traitée par BPs IV après une évaluation rigoureuse du risque ". Il en résulte que la littérature médicale ne contre indique pas la pose d'implants chez les patients souffrant d'ostéoporose traités par bisphosphonate sous forme d'injection annuelle de zolédronate et que, chez ces patients, le risque de développer une ostéonécrose des mâchoires est qualifié de faible.

13. Dans les suites de la greffe osseuse maxillaire en vue de la mise en place d'implants du 17 février 2010, Mme G... a présenté des douleurs au niveau du maxillaire qui ont été traitées par antibiotique et antalgique. Avant de décider de la mise en place des implants, le docteur Deschaumes a sollicité, le 17 septembre 2010, l'avis d'un oto-rhino- laryngologiste. En se fondant sur les résultats des scanners réalisés et notamment celui du 8 octobre 2010 qui faisait état du " sentiment d'une mauvaise prise de greffe osseuse au niveau du plancher du sinus maxillaire gauche avec un aspect fragmenté focalement de l'os ", l'oto-rhino-laryngologiste a conclu, le 8 décembre 2010, après avoir relevé une " discrète " inflammation au niveau de la muqueuse du sinus maxillaire gauche sans caractère pathologique et le caractère négatif des résultats des prélèvement bactériologiques au niveau de la fosse nasale, au maintien de la prise en charge de Mme G... en vue de la pose d'implants en notant la disparition des douleurs.

14. Ainsi, et compte tenu des éléments portés à la connaissance du docteur Deschaumes avant l'intervention du 17 février 2010 quant au traitement de l'ostéoporose dont souffrait Mme G... par biphosphonate sous forme d'une perfusion annuelle d'Aclasta en octobre 2008, de la résorption de ses douleurs et de l'avis émis par l'oto-rhino-laryngologiste près de 10 mois après la greffe osseuse concluant à la poursuite de la prise en charge de la patiente, le choix thérapeutique, dans un premier temps, d'une élévation du plancher sinusien du côté gauche et, dans un second temps, de la pose de huit implants dentaires au niveau maxillaire supérieur après avulsion de cinq dents délabrées et d'une racine ne revêt pas un caractère fautif.

15. Si Mme G... fait également valoir que le délai entre l'élévation du plancher sinusien et la pose d'implants n'était pas suffisant pour garantir l'absence d'une ostéonécrose de la mandibule, la société française de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, dans les recommandations précitées, a précisé que " le risque peut être directement lié à l'acte chirurgical (l'ONM survient alors rapidement après la pose) mais la survenue d'une ONM peut aussi être une complication tardive spontanée plusieurs années après la pose implantaire. Aucune méthode ne permet de prédire le risque d'ONM ". Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme G... n'établit pas que le délai entre l'élévation du plancher sinusien et l'intervention du 14 décembre 2010 était insuffisant pour prévenir tout risque de nécrose et présenterait ainsi un caractère fautif.

16. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention du 14 décembre 2010, Mme G... a présenté dès le mois de mars 2011 des phénomènes douloureux importants. Des granules du matériau utilisé pour l'élévation du sinus, enkystées dans la muqueuse gingivale au niveau des prémolaires ont été identifiées à la suite d'examens. Le 16 mars 2011, le curetage de ces granules a été réalisé sous anesthésie locale. Un rapport d'incident rédigé par le docteur Deschaumes indique que " forts de l'absence de problèmes après la pose des implants maxillaires ", la décision d'implanter quatre implants après avulsion de quatre dents a été prise. Toutefois, le 5 mai 2011, un scanner du maxillaire supérieur s'il a mis en évidence une ostéintégration des implants a également révélé une ossification imparfaite au niveau de l'élévation du sinus. Les conclusions de ce scanner précisent également que de nombreux implants sont mal positionnés en particulier du côté gauche, c'est-à-dire du côté de la greffe, et qu'il y a une zone d'ostéolyse avec de nombreuses calcifications disséminées au sein des parties molles. Face à ces constats, les conclusions du scanner retiennent deux hypothèses, soit une infection à type d'ostéite soit une lésion mitotique. En appel, le docteur Deschaumes souligne que ce positionnement des implants maxillaires gauches a été volontairement et délibérément décidé pour éviter une nouvelle greffe sinusienne et constate que les implants étaient ostéointégrés au 5 mai 2011. Il souligne encore, en s'appuyant sur la chronologie des différents examens et interventions, que " la décision de pose d'implants mandibulaires n'a été prise que lorsque, premièrement, nous avons eu la certitude d'avoir identifié et géré les complications suite au traitement implanto-prothétique maxillaire et que lorsque, deuxièmement, toutes les autres solutions de réhabilitation mandibulaire ont été épuisées ". Toutefois, s'il précise qu'à la suite du scanner du 5 mai 2011, " la patiente a été alors gérée par différents praticiens qui n'ont rien noté de particulier ", il n'explique pas les suites données aux conclusions du scanner du 5 mai 2011 qui font état, comme indiqué ci-dessus, d'une part d'une ossification imparfaite au niveau de l'élévation du sinus et d'autre part de la présence d'une zone d'ostéolyse faisant suspecter soit une infection à type d'ostéite soit une lésion mitotique. Par ailleurs, l'expert souligne que " compte tenu de la survenue des problèmes au maxillaire supérieur qui a été implanté en premier, on aurait pu éviter d'aller poser des implants sur la mandibule dont le résultat a été catastrophique puisque Mme G... se retrouve avec une mandibule qui est quasiment inappareillable en raison de l'ostéonécrose " et poursuit " compte tenu des problèmes qui avaient lieu au niveau du maxillaire supérieur, il aurait été, à notre avis, extrêmement prudent de ne pas effectuer d'implant au niveau de la mandibule en raison de ces problèmes au maxillaire supérieur, ce qui aurait évité l'état d'impossibilité d'appareiller Mme G... ". Par suite, le choix thérapeutique consistant à maintenir la pose d'implants mandibulaires qui a été réalisée le 5 juin 2012, dans un contexte d'ossification imparfaite de l'élévation du sinus et d'une suspicion d'ostéolyse au niveau maxillaire que le centre hospitalier ne lève pas en produisant un rapport critique du docteur Deschaumes qui se borne à faire valoir que les complications liées au traitement implanto-prothétique maxillaire ont été gérées ou en soutenant que le radiologue libéral qui a réalisé le scanner du 5 mai 2011 n'est pas un spécialiste de la chirurgie maxillo-faciale et de la stomatologie, et alors que le centre hospitalier avait connaissance des risques spécifiques d'une telle chirurgie eu égard au traitement suivi par Mme G... par biphosphonate, doit être regardé comme fautif et de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à la suite de l'intervention du 5 juin 2012, Mme G... a présenté des écoulements importants et trois implants sur quatre ont dû être retirés avec extraction des 3/4 de l'appareil mandibulaire. Le 30 juillet 2012, une radiographie a mis en évidence une tuméfaction sous maxillaire en regard de la symphyse. Le 31 juillet 2012, une échographie mandibulaire a confirmé la présence d'adénopathie mandibulaire et début août, le diagnostic d'ostéite a été posé. Du 7 au 16 août 2012, Mme G... a été hospitalisée et le scanner cervical a révélé une collection mandibulaire associée à un tableau d'ostéonécrose de l'arc mandibulaire inférieur. Une intervention sous anesthésie générale a été pratiquée avec nettoyage et drainage de l'abcès. En septembre 2012, Mme G... a été à nouveau hospitalisée pour une nouvelle cellulite mandibulaire du côté droit. Il s'ensuit qu'à la suite de l'intervention chirurgicale du 5 juin 2012, Mme G... a été victime d'une ostéonécrose de la mandibule associée à une infection. Cette infection n'a été rendue possible qu'en raison du choix thérapeutique fautif de poursuivre la pose d'implants avec avulsion des dents délabrées lors de l'intervention du 5 juin 2012. Par suite, le choix thérapeutique fautif est de manière directe et certaine à l'origine de l'intervention au cours de laquelle l'infection a pu être acquise. Il en résulte que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand doit être reconnu entièrement responsable des préjudices subis par Mme G... et découlant de l'intervention chirurgicale et sans qu'il y ait lieu de retenir que le choix thérapeutique fautif serait seulement à l'origine d'une perte de chance dès lors qu'il ressort de l'expertise que le dommage corporel ne serait pas survenu en l'absence de la faute commise. Par suite, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) doit être mis hors de cause.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme G... et de la caisse primaire d'assurance maladie :

18. La date de consolidation de l'état de santé de Mme G... a été fixée par l'expert au 17 septembre 2015.

S'agissant des dépenses de santé actuelles :

19. Mme G... fait valoir qu'elle a supporté des dépenses de santé restées à sa charge consistant en la pose de quatre implants mandibulaires avec prothèse sur pilotis pour un montant de 7 011,15 euros. Il résulte toutefois du titre de recette émis le 10 octobre 2012 que les frais à la charge de Mme G... à la suite de l'intervention du 5 juin 2012 s'élèvent à la somme de 5 141,98 euros. Par suite, il y a lieu de retenir cette somme à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

20. Mme G... établit qu'elle a engagé des frais afférents à la pose d'une prothèse de transition pour un montant de 400 euros et à la pose d'une prothèse définitive pour un montant de 1 400 euros qui a fait l'objet d'un remboursement par la sécurité sociale à hauteur de 182,75 euros et par sa mutuelle à hauteur de 237,57 euros. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 1 379,68 euros.

21. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme justifie, par un état détaillé de ses débours, avoir exposé pour le compte de son assuré jusqu'au 15 novembre 2016, les sommes de 30 799 euros au titre des frais hospitaliers, de 1 240,78 euros au titre des frais médicaux, de 807,52 euros au titre des frais pharmaceutiques, de 553,23 euros au titre des frais d'appareillage, soit, après déduction du montant de la franchise de 27 euros, la somme totale de 33 373,53 euros. Dès lors, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand doit être fixée à la somme de 33 373,53 euros au titre des dépenses de santé échues engagées par la caisse primaire d'assurance maladie.

S'agissant des dépenses de santé futures :

22. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a précisé que " devra être prise en charge également la pose d'une prothèse complète du bas 14 dents stellite dont le prix moyen peut être évalué à un certain montant de 1 637 qui devra être effectué de façon définitive et dont le renouvellement sera nécessaire au moins tous les dix ans mais dont le délai peut être raccourci en fonction de l'évolution des tissus de soutien ".

23. Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme font valoir que des dépenses en lien avec des travaux prothétiques sur la mandibule et les soins dentaires afférents resteront à leur charge respective. Par suite, comme l'ont décidé les premiers juges, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le remboursement des dépenses que Mme G... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont susceptibles d'exposer à l'avenir pour l'appareillage de la mandibule, au fur et à mesure qu'elles seront exposées et sur présentation de justificatifs.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

24. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme G... a présenté un déficit fonctionnel temporaire total du 7 au 16 août et du 13 au 24 septembre 2012 ainsi que le 30 avril 2013, soit 23 jours. Si l'expert a retenu " un déficit fonctionnel temporaire partiel évalué à 5 % pendant une période de deux ans compte tenu des nombreux traitements antalgiques et antibiotiques que Mme G... a dû prendre ", Mme G... fait valoir pour contester le taux retenu par l'expert qu'entre ses hospitalisations en raison d'une ostéonécrose avec infection, elle a été sous traitement anti-douleur et anxiolytiques et qu'elle a bénéficié d'une infirmière à domicile pour la réfection de ses pansements sous mandibulaire. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le 22 juin 2012, " Mme G... a présenté des écoulements importants et trois implants ont dû être retirés sur les quatre avec extraction des 3/4 de l'appareil mandibulaire. En juillet 2012, le médecin généraliste de Mme G... lui a prescrit un traitement morphinique en raison des douleurs. ". Selon un courrier du 22 novembre 2012, un médecin du service de stomatologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en charge de Mme G... a relevé que " ce jour, (...) la patiente est cicatrisée en bouche. Il n'existe plus d'exposition osseuse et il n'existe plus d'écoulement au niveau sous-mental avec une bonne cicatrisation locale et aucun signe d'inflammation. ". Dans un courrier du 3 juin 2013, le chef de clinique du service de stomatologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a noté que Mme G... " va extrêmement bien au niveau mandibulaire, avec une muqueuse complètement cicatrisée ". Compte tenu de ces éléments, le taux de déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 25 % du 22 juin 2012, date des premiers signes inflammatoires, jusqu'au 22 novembre 2012, date à laquelle la cicatrisation en bouche a été obtenue et à 5 % postérieurement au 22 novembre 2012 et jusqu'au 17 septembre 2015, date de la consolidation. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

25. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, selon l'expert, Mme G... présente " une incapacité permanente partielle compte tenu de l'édentation complète de sa mandibule à la suite de l'échec du traitement implantaire, à l'absence totale de crête due à l'infection, à l'ostéonécrose, à l'impossibilité de l'appareiller dans de bonnes conditions de 30 %. S'y ajoute 2 % pour les troubles de sensibilité des commissures labiales, ce qui nous fait un total d'incapacité permanente partielle de 32 % ". L'expert indique encore que " concernant cette édentation, si on se réfère au barème, celle-ci serait de 15 %, la moitié de 30 % indiqué par le barème pour laquelle j'ai majoré le taux en le doublant compte tenu de l'impossibilité d'appareiller Mme G... d'une part en raison de l'absence de crête et des phénomènes douloureux dus à la présence du nerf dentaire qui est quasi en position sous gingival, d'autre part le barème tient compte d'un taux de présence de dent, or, chez Mme G..., toutes les dents de la mandibule sont absentes. (...) Il est à considérer que dans le cas de Mme G..., nous n'avons aucune dent antagoniste aux dents supérieures et qu'en considération le coefficient masticatoire est nul. ". Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand conteste le taux de 32 % de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert en se référant au barème issu du décret du 4 avril 2014 et en soulignant que Mme G... bénéficie d'un appareillage. Selon ce barème issu du décret n° 2003-314 du 4 avril 2003 relatif au caractère de gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le taux de l'incapacité permanente partielle est évalué à 35 % en cas d'édentation complète inappareillable, ce taux étant diminué de moitié en cas de remplacement par prothèse fixe. Par un certificat médical du 3 janvier 2018, le chirurgien-dentiste de Mme G... indique qu'il a réalisé un appareil complet définitif en bas mais précise que cet appareil aura toujours " une instabilité occasionnant gêne et douleur de par le contraste osseux et gingival ". Par suite, et compte tenu de ce que le taux de déficit fonctionnel permanent en cas d'édentation complète inappareillable est fixé à 35 % par le barème susmentionné et que Mme G... peut bénéficier d'un appareillage mais de caractère douloureux et instable, le taux de déficit fonctionnel permanent comprenant les troubles de sensibilité des commissures labiales sera évalué à 20 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 30 000 euros compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de sa consolidation.

S'agissant des souffrances endurées :

26. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a fixé à 3 sur une échelle de 7 les souffrances physiques et psychiques endurées. Il n'est pas établi que ce taux serait insuffisant. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 4 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire et définitif :

27. Il résulte de l'instruction que, dans les suites de l'intervention du 5 juin 2012, Mme G... a présenté un volumineux abcès sous-mandibulaire à gauche puis à droite à l'origine d'une modification de l'aspect de son visage. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 1 200 euros.

28. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique permanent en notant que Mme G... était appareillée. Mme G... fait valoir qu'elle subit un préjudice esthétique permanent compte tenu de ce qu'elle bave en raison de l'insensibilité de ses commissures labiales. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

S'agissant du préjudice d'agrément :

29. Mme G... fait valoir qu'elle ne peut plus pratiquer la danse de société ou la gymnastique compte tenu de ce qu'elle est tenue d'avoir sur elle constamment un mouchoir pour essuyer sa bouche. Toutefois, elle n'établit pas la réalité de ce préjudice d'agrément en lien avec l'obligation de porter sur elle un mouchoir pour s'essuyer.

30. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est seulement fondé à demander que l'indemnité qu'il a été condamné à verser à Mme G... par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, soit ramenée de 62 981,48 euros à 45 721,66 euros. Les conclusions d'appel incident présentées par Mme G... doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

31. Mme G... a droit aux intérêts sur la somme de 45 721,66 euros à compter du 16 décembre 2016, date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Elle a également droit à la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 16 décembre 2017, date à laquelle a été due une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

32. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 62 981,48 euros que le centre hospitalier a été condamné à verser à Mme G... par le jugement du 22 novembre 2018 est ramenée à la somme de 45 721,66 euros. Cette somme portera intérêt à compter du 16 décembre 2016. Les intérêts échus à la date du 16 décembre 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : L'appel incident de Mme G... et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

2

N° 19LY00422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00422
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;19ly00422 ?
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