La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2020 | FRANCE | N°19LY03966

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY03966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, ainsi que la décision du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 juin 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui

délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, ainsi que la décision du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 juin 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1907834 du 14 octobre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 9 octobre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à Mme D... et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un jugement n° 1907232 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19LY03966, le 28 octobre 2019 et le 2 janvier 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour d'une part, de réformer le jugement du 14 octobre 2019, en tant qu'il annule ses décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour, et condamne l'État au versement des frais exposés, d'autre part, de confirmer le jugement pour le surplus et de confirmer par voie de conséquence la légalité de ses décisions du 9 octobre 2019.

Il soutient que :

- sur l'absence de délai de départ volontaire, le tribunal a fait état d'éléments erronés, a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur mélangée en fait et en droit ;

- sur l'interdiction de retour, le magistrat désigné ne pouvait annuler l'interdiction de retour par voie de conséquence de l'illégalité de l'absence de délai de départ volontaire ;

- sur la condamnation aux dépens, le tribunal ne pouvait condamner l'État au versement des frais exposés ;

- dans le mémoire en défense de Mme D... qui porte également appel incident et qui conteste le bien-fondé de ses décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, que cet appel incident est irrecevable puisque le délai de recours est épuisé.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 20 décembre 2019 et le 29 mai 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête du préfet de l'Ain ;

3°) de confirmer le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 14 octobre 2019 en tant qu'il a annulé les décisions par lesquelles le Préfet de l'Ain a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

4°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné en tant qu'il rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

5°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à un nouvel examen de sa situation, et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le préfet de l'Ain ne sont pas fondés.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 19LY04687, le 20 décembre 2019 et le 29 mai 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination du 9 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à un nouvel examen de sa situation, et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de rejeter les conclusions du préfet de l'Ain ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

III - Par une requête enregistrée, sous le n° 20LY01918, le 21 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1907232 du 17 mars 2020 ;

2°) à titre principal :

- d'annuler la décision du préfet de l'Ain du 14 juin 2019 portant refus d'admission au séjour ;

- d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) à titre subsidiaire : de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon ;

4°) en tout état de cause : de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, compte tenu de l'omission de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit à mener une vie privée et familiale normale et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse, qui est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par trois décisions du 20 novembre 2019, du 17 juin 2020 et du 5 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- et les observations de Me C..., représentant Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... D..., de nationalité albanaise, née le 14 mai 1999, déclare être entrée en France le 20 janvier 2015, accompagnant ses parents et deux de ses quatre soeurs, alors qu'elle était mineure. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 21 novembre 2017 que par la cour nationale du droit d'asile, le 28 mai 2018. Par la suite, l'intéressée a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 25 septembre 2018. Le 18 janvier 2019, Mme D... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire et, par une décision en date du 14 juin 2019, le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour. Elle a ensuite fait l'objet d'un arrêté du 9 octobre 2019 par lequel le même préfet l'a obligée à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 14 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 9 octobre 2019 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 14 octobre 2019, en tant qu'il annule ses décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour. Mme D..., quant à elle, relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination. En outre, Mme D... relève également appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de refus de titre de séjour du 14 juin 2019.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 19LY03966, 19LY04687 et 20LY01918 présentées pour Mme D... et par le préfet de l'Ain concernent la situation d'un même ressortissant étranger, ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des décisions :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour du 14 juin 2019 :

S'agissant de la régularité du jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mars 2020 :

3. Contrairement à ce qui est soutenu par Mme D..., le premier juge s'est prononcé, au point 4 du jugement attaqué, sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit à mener une vie privée et familiale normale. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer.

S'agissant du bien-fondé du jugement attaqué :

4. La décision du 14 juin 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a rejeté la demande de titre de séjour de Mme D..., mentionne les articles L. 313-7, L. 313-14 et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde pour rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressée. En outre, la décision en litige fait état des circonstances relatives à la situation personnelle et familiale de la requérante. Elle comporte ainsi l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré du défaut de motivation, qui manque en fait, devra dès lors être écarté.

5. Mme D... soutient que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation dès lors qu'il fait état dans la décision contestée de ce que les membres de sa famille présents en France font l'objet de mesures d'éloignement. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que ses parents se sont effectivement vu notifier des décisions en date du 15 mars 2019 refusant de les admettre au séjour et les obligeant à quitter le territoire français. Par suite, c'est sans commettre d'erreur que l'autorité administrative a pu préciser que l'appelante ne justifiait en France d'aucun lien familial stable. Dès lors le moyen ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être. ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D... séjourne sur le territoire français depuis 2015 avec ses parents et deux de ses quatre soeurs nées en 1996 et 2001. Elle a obtenu en 2017 un diplôme d'études en langue française niveau A2 et un CAP agent polyvalent de restauration. Elle poursuit actuellement avec sérieux sa scolarité dans un lycée professionnel à Nantua où elle est inscrite depuis le mois de septembre 2019 en classe de terminale " service aux personnes et aux territoires ". L'intéressée a par ailleurs obtenu en 2017 son certificat d'aptitude aux fonctions d'animateur scoutisme français et, en 2019, son brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). La soeur de la requérante, âgée de 18 ans, justifie également de résultats honorables en classe de terminale scientifique. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que les parents de l'intéressée, après avoir bénéficié de la délivrance d'un premier titre de séjour à compter du 12 septembre 2017, en raison de l'état de santé de sa mère, ont chacun fait l'objet, le 15 mars 2019, d'une décision de refus de renouvellement de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La mesure litigieuse n'a dès lors pas pour effet de scinder la cellule familiale de l'appelante, dont aucun des membres n'a, au jour de la décision attaquée, vocation à se maintenir sur le territoire français. Il n'est par ailleurs pas démontré que la vie privée et familiale de l'intéressée ne pourrait pas se poursuivre en dehors du territoire français. Dans ces conditions, nonobstant les efforts réels d'intégration de la requérante, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

7. L'appelante fait également état de ce que l'ensemble de ces éléments constitueraient des circonstances exceptionnelles telles que le préfet de l'Ain aurait dû lui délivrer le titre de séjour sollicité. Toutefois, s'il appartient à l'autorité administrative, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, de vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, les éléments, mentionnés au point précédent dont Mme D... fait état, ne sauraient être considérés comme constitutifs de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, notamment, que l'ensemble des membres de sa famille séjournent irrégulièrement sur le territoire français. En conséquence, l'intéressée n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet de l'Ain aurait en l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français du 9 octobre 2019 :

9. La décision litigieuse comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est, par suite, suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.

10. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 6 du présent arrêt, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs et pour les mêmes raisons, alors même que Mme D... fait état d'une forte volonté d'intégration, le préfet de l'Ain n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.(...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français./ L'autorité administrative peut faire application du troisième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. (...). ".

13. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Ain a refusé d'accorder à Mme D... un délai de départ volontaire au motif qu'elle n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement du 25 septembre 2018 consécutive au rejet de sa demande d'asile, qu'elle n'a pas respecté ses obligations de pointage résultant d'un arrêté d'assignation à résidence du 12 août 2019 et qu'elle a indiqué, lors de son audition, ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces qu'à la date d'édiction de l'obligation de quitter le territoire français du 25 septembre 2018 opposée à la requérante, alors âgée de 19 ans, ses parents, avec lesquels elle vit depuis son arrivée en France à l'âge de 15 ans, étaient chacun titulaire d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour qui leur avait été renouvelé jusqu'au 15 mars 2019. En outre, si Mme D... a fait l'objet, le 12 août 2019, d'une décision d'assignation à résidence, les décisions du même jour, opposées à ses parents, ont été annulées par le tribunal au motif que les mesures d'éloignement du 15 mars 2019 ne leur avaient pas été régulièrement notifiées. Les parents de Mme D... étaient une nouvelle fois assignés à résidence à la date de la décision litigieuse. Enfin, contrairement à ce que mentionne la décision attaquée, il ne ressort pas du procès-verbal d'audition que Mme D... a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances particulières, le préfet de l'Ain a commis une erreur d'appréciation en refusant d'accorder à Mme D... un délai de départ volontaire.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme D....

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. La décision critiquée comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est, par suite, suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.

17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme D... fait état des risques personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine en raison de la confession catholique de sa famille et de l'engagement politique de son père au sein du parti démocrate d'Albanie. L'appelante évoque une grave agression dont son père aurait été victime en 1997, l'explosion d'une bombe dans la cour de leur domicile en 2014, et des nouvelles agressions subies par la famille en 2014, suite au refus de son père de donner l'une de ses filles en mariage à une famille musulmane. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de l'asile de l'intéressée, ainsi que celle de ses parents, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Si l'intéressée se prévaut d'une attestation selon laquelle son père a occupé le poste de dirigeant de section au sein du parti démocrate d'Albanie, de divers témoignages, ainsi que d'un certificat médical faisant état de l'état dépressif de son père et de son sentiment de dépréciation liés aux évènements subis en Albanie, ces éléments ne sont suffisants pour établir que l'intéressée serait personnellement et actuellement exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues, ni que la décision est entachée d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.

18. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

19. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

20. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain s'est fondé, pour prendre l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, sur le premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorise l'autorité administrative à prendre la mesure litigieuse en cas de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, et non sur le quatrième alinéa du III du même article applicable aux obligations de quitter le territoire français assorties d'un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, est entachée d'erreur de droit, sans que la préfecture ne puisse se prévaloir de la possibilité de fonder sa décision sur les alinéas 1 et 4, qui ne peut être, d'ailleurs, regardée comme une demande de substitution de base légale, alors même que les parties n'ont pas été mises à même de présenter des observations sur ce point. En outre, il n'est pas sérieusement contesté par le préfet que Mme D... ne s'est pas soustraite à une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 25 septembre 2019, faute pour cette dernière d'en avoir eu connaissance. Par suite la décision est également entachée d'erreur de fait.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, a annulé la décision par laquelle il a interdit à Mme D... de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les frais liés au litige de l'instance n° 19LY03966 :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par Mme D....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19LY03966 du préfet de l'Ain est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme D... présentées dans l'instance n° 19LY03966, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Les requêtes n° 19LY04687 et n° 20LY01918 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Fédi, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme B... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N°s 19LY03966-19LY04687-20LY01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03966
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly03966 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award