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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY01788

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY01788


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... et Mme I... D... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner solidairement la commune de Pont-Salomon et le département de la Haute-Loire à leur verser la somme de 58 011,16 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis du fait de dommages causés à leur propriété ainsi que la somme de 120 euros par mois à compter du 1er janvier 1997 jusqu'à la date du jugement au titre du préjudice de jouissance et d'assorti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... et Mme I... D... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner solidairement la commune de Pont-Salomon et le département de la Haute-Loire à leur verser la somme de 58 011,16 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis du fait de dommages causés à leur propriété ainsi que la somme de 120 euros par mois à compter du 1er janvier 1997 jusqu'à la date du jugement au titre du préjudice de jouissance et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés, d'enjoindre à la commune de Pont-Salomon et au département de la Haute-Loire de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire pour mettre fin à leur préjudice dans un délai de six mois à compter du jugement et de mettre solidairement à la charge de la commune de Pont-Salomon et du département de la Haute-Loire une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601160 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la commune de Pont-Salomon à verser à M. et Mme E... la somme de 7 023,36 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2016, eux-mêmes capitalisés à la date du 18 mars 2017, a enjoint à la commune de Pont-Salomon de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires pour remédier de façon pérenne aux désordres subis par le portail nord-ouest de M. et Mme E... dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de la commune de Pont-Salomon le versement à M. et Mme E... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 5 mai 2019, sous le numéro 19LY01788, et des mémoires enregistrés le 9 juillet 2020 et le 2 septembre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601160 du 6 mars 2019 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande ;

2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise judiciaire ayant pour mission d'évaluer le coût, d'une part, des travaux de réparation de leurs ouvrages et de remise en état de leur propriété du fait des désordres résultant de l'absence de gestion des eaux pluviales et des dysfonctionnements des canalisations d'eaux usées et, d'autre part, des travaux de pose de la canalisation d'eaux usées située en amont de leur propriété ;

3°) de condamner solidairement la commune de Pont-Salomon et le département de la Haute-Loire à leur verser la somme de 58 236,23 euros au titre des préjudices qu'ils ont subis du fait de dommages causés à leur propriété ainsi que la somme de 120 euros par mois à compter du 1er janvier 1997 jusqu'à la date d'achèvement des travaux de remise en état et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

4°) d'enjoindre à la commune de Pont-Salomon et au département de la Haute-Loire de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire pour mettre fin à leur préjudice dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Pont-Salomon et du département de la Haute-Loire une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'ouvrage hydraulique situé sur leur terrain et réalisé au début du XXème siècle pour réceptionner l'écoulement naturel des fonds forestiers supérieurs, qui était en bon état, n'a pas été conçu pour subir les débits anormaux occasionnés par l'imperméabilisation des sols et l'absence de gestion par la commune ; ainsi que l'a relevé l'expert, les dépôts en cas d'orage sont liés aux changements relativement récents intervenus dans le versant amont ; s'ils doivent supporter l'écoulement naturel des fonds supérieurs à travers leur propriété, l'écoulement en cause, depuis l'aménagement de ces fonds, n'est désormais plus naturel et revêt un caractère anormal ; l'importance de l'ouvrage, tel qu'il a été conçu, n'est pas liée à l'importance initiale du ruissellement des eaux mais avait pour objet de rattraper les différents niveaux du terrain en pente et de constituer un passage aisé vers leur maison ; cet ouvrage, partie intégrante du mur de soutènement de la maison, n'est pas destiné à recevoir ou collecter les eaux pluviales ;

- depuis 1995, ils subissent des dégâts réguliers dont l'étendue n'est toujours pas révélée ; la créance qu'ils font valoir n'est pas prescrite ; c'est ainsi à tort que le tribunal administratif a estimé que la créance de la commune devait être considérée comme prescrite s'agissant des dommages réalisés avant 2007 ; en outre, les désordres répétitifs engendrés notamment par l'arrivée de matériaux charriés par les eaux de ruissellement sur leur propriété ont des conséquences dommageables qui présentent nécessairement un caractère évolutif ;

- aucun ouvrage public adéquat n'a été édifié par la commune ou le département pour gérer les eaux pluviales ruisselant des toitures et voiries à l'amont de la propriété ; l'insuffisance des ouvrages publics de gestion des eaux pluviales à la charge de la commune et du département sont ainsi pour partie à l'origine des désordres qu'ils supportent, les ouvrages situés sur leur terrain n'ayant pas été conçus pour supporter de tels débits anormaux ;

- la déficience de l'ouvrage public de collecte des eaux usées à la charge de la commune et dont le diamètre de la canalisation est insuffisant, est pour partie à l'origine des désordres occasionnés, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- enfin, la mauvaise exécution des travaux publics d'une pose de canalisation d'eaux usées, réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de Pont-Salomon en 1997, est pour partie à l'origine du préjudice qu'ils supportent ; contrairement à ce que soutient la commune, il est établi que les alluvions présentes sur leur propriété ont pour origine les travaux de pose de cette canalisation ;

- ainsi, la responsabilité sans faute de la commune et du département est engagée à raison du préjudice grave et spécial qu'ils subissent en leur qualité de tiers ; le rehaussement du chemin à l'amont de leur propriété rend celle-ci inaccessible aux véhicules et favorise le ruissellement des eaux du chemin en surélévation dans le talweg vers leur propriété ; les ouvrages hydrauliques sont obturés par un apport de matériaux rocheux dans leur propriété, ce qui engendre un ravinement ;

- ils n'ont pas commis de faute et ont entretenu correctement les ouvrages leur appartenant ;

- les intempéries survenues à plusieurs reprises depuis l'expertise ont augmenté les dégâts sur leur propriété de sorte qu'il convient d'ordonner une nouvelle expertise afin de chiffrer précisément les travaux de réparation des désordres ;

- ils ont droit :

* à une somme de 13 873,20 euros au titre des travaux de reprise de la canalisation ;

* à une somme de 13 860 euros au titre des travaux de maçonneries ;

* à une somme de 21 772,74 euros au titre des travaux de reconstruction du jardin d'agrément dont ils établissent l'existence antérieure ;

* à une somme de 120 euros par mois à compter du 1er janvier 1997 jusqu'à la date d'achèvement des travaux au titre du préjudice de jouissance, constitué par l'impossibilité d'accéder à la propriété avec un véhicule en raison de l'accumulation de sable et à la perte de la valeur locative du bien du fait de l'arrachage dans le jardin d'arbustes centenaires ;

* à une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral qu'ils subissent ;

* à une somme de 1 505,22 euros au titre des frais, notamment d'huissier, qu'ils ont exposés ;

* à une somme de 2 000 euros au titre des frais d'expertise judiciaire ;

- il appartient à la commune et au département de prendre toute mesure nécessaire pour mettre fin à leur préjudice, notamment par la réalisation des travaux préconisés par l'expert dans son rapport.

Par des mémoires en défense enregistrés le 20 avril 2020 et le 7 août 2020, la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène, représentées par Me H..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 1601160 du 6 mars 2019 en ce que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré que la créance de M. et Mme E... après 2007 n'était pas prescrite sur le fondement de la loi du 31 décembre 1968 et, subsidiairement, en ce qu'il a condamné la commune de Pont-Salomon sur le fondement de la responsabilité sans faute au regard de l'insuffisance du réseau communal de collecte des eaux usées et des travaux de pose de la canalisation d'eaux usées ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que soit réduit le montant de l'indemnité allouée à M. et Mme E... ;

4°) à la condamnation du département de la Haute-Loire à relever et garantir totalement la commune de Pont-Salomon et, le cas échéant, la communauté de communes Loire Semène de toute condamnation mise à leur charge ou, à tout le moins, à hauteur de 20 % de ces condamnations ;

5°) au rejet de toute condamnation de la commune de Pont-Salomon ou, le cas échéant, de la communauté de communes Loire Semène à réaliser les travaux de reprise nécessaires, sous astreinte ;

6°) à ce qu'outre les entiers dépens, une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. et Mme E... et du département de la Haute-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la compétence de la commune de Pont-Salomon en matière d'assainissement a été transférée à la communauté de communes Loire Semène à compter du 1er janvier 2018 ;

- les époux E... avaient connaissance de leur préjudice dès la réalisation des travaux de drainage réalisés en 1995 dans le chemin privé bordant la partie amont de leur propriété et étaient dès cette date en mesure de déterminer l'origine des désordres dont ils se plaignaient ; les dommages liés à l'ensablement à l'intérieur de la propriété des requérants et à l'exhaussement du terrain au droit de leur portail, ne présentent pas de caractère évolutif ; ni les courriers adressés par les époux E... à la commune en août et septembre 2007 ni le courriel de mai 2010 ne sauraient avoir eu pour effet d'interrompre le délai de prescription, dès lors qu'ils ne pouvaient être assimilés à une réclamation au sens des dispositions de l'article 2 de loi du 31 décembre 1968 relative à la déchéance quadriennale ; ainsi, la créance de M. et Mme E... était prescrite lorsqu'ils ont saisi le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay en 2013 en vue d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire ;

- si les actions conjuguées de l'urbanisation progressive sur le versant amont de la propriété de M. et Mme E... et la présence de la route départementale 45 ont imperméabilisé les sols et contribué par là-même à l'augmentation du débit des eaux en période d'orage au droit de la propriété des requérants, ces circonstances ne sont pas imputables à une opération de travaux publics ou à un ouvrage public ou à une absence d'ouvrage public ; ainsi la responsabilité sans faute de la commune ou de la communauté de communes ne saurait être engagée ; en tout état de cause, l'anormalité du préjudice n'est pas démontrée ;

- les arrivées de sables et de pierres dans la propriété de M. et Mme E... trouvent leur origine non dans un ouvrage communal mais dans l'évacuation des eaux pluviales de la route départementale 45 ; ainsi, en cas de condamnation, la commune devra être relevée et garantie totalement par le département de la Haute-Loire ou, pour le moins, à hauteur de 20 % minimum des condamnations prononcées ;

- le lien de causalité entre les travaux de pose des canalisations réalisés en 1995 et la présence des matériaux charriés par les eaux de ruissellement au droit de la propriété des requérants n'est pas établi ;

- les désordres décrits par l'expert et liés à l'insuffisance du réseau communal de collecte des eaux usées et à l'inadaptation de la pose de ce réseau au regard de la topographie des lieux ne constituent pas la cause déterminante du dommage allégué ;

- les carences et négligences des époux E... dans l'entretien des ouvrages hydrauliques parcourant leur propriété sont de nature à atténuer, voir exclure, toute indemnisation à leur bénéfice ;

- il n'est pas justifié de la préexistence d'un jardin d'agrément de sorte de l'indemnisation à hauteur d'une somme de 21 772,74 euros à ce titre n'est pas justifiée ;

- le préjudice lié à l'état de santé de M. et Mme E..., le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis ;

- les dépens allégués par les requérants ont été engagés dans le cadre d'une procédure judiciaire ;

- le préjudice de jouissance n'est pas démontré ; en toute hypothèse, l'indemnisation accordée à ce titre ne saurait être supérieure à la somme de 1 000 euros accordée par les premiers juges ;

- l'injonction tendant à la réalisation de travaux n'est pas fondée au regard de la réalisation prochaine de travaux par la commune et de la possible réformation du jugement attaqué.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 juin 2020 et le 2 septembre 2020, le département de la Haute-Loire, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que, outre les frais de l'expertise exposés devant le juge judiciaire, une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- l'imperméabilisation du tracé de la route départementale 45, réalisée bien avant l'acquisition de leur propriété par les époux E... en 1990 n'est pas à l'origine du sinistre lié à l'écoulement des eaux pluviales sur leur propriété ;

- les fossés en accotements destinés à recueillir les eaux de la chaussée n'aboutissent pas dans la propriété de M. et Mme E... ;

- l'appel en garantie du département par la commune de Pont-Salomon devra être rejeté ;

- le réseau existant de recueil des eaux pluviales propre à la route départementale 45 est suffisamment dimensionné et entretenu, et permet un écoulement normal des eaux pluviales ;

- la présence d'importants ouvrages destinés à recueillir les eaux pluviales sur la propriété de M. et Mme E... démontre que cette propriété est destinée à recevoir les eaux du bassin versant, y compris celles liées à l'imperméabilisation du sol par la route départementale ; les requérants ne justifient pas de l'entretien normal de ces ouvrages ;

- seul le préjudice lié à la gestion des eaux usées peut faire l'objet d'une demande d'indemnisation ;

- s'agissant de la reprise des canalisations, l'état actuel des lieux n'est imputable qu'à la négligence de la commune de Pont-Salomon ;

- il n'est pas prouvé que la propriété des requérants disposait d'un jardin d'agrément ;

- il n'appartient pas au département d'indemniser les requérants d'un préjudice de jouissance, qui est causé par la seule inaction de la commune de Pont-Salomon ;

- le préjudice allégué de détérioration de l'état de santé des requérants est dépourvu de lien de causalité avec l'action du département ;

- la demande de réalisation de travaux formée à l'endroit du département est sans objet dès lors que les travaux préconisés ne ressortissent pas de sa compétence.

La clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2020 par une ordonnance du même jour en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 19 novembre 2020 et présenté pour M. et Mme E..., n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

II. Par une lettre enregistrée le 24 octobre 2019 au greffe de la cour, M. et Mme E... ont demandé qu'il soit ordonné à la commune de Pont-Salomon d'exécuter, au besoin sous astreinte, le jugement n° 1601160 rendu le 6 mars 2019 par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Par ordonnance du 3 mars 2020, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle, sous le numéro 20LY00855, pour qu'il soit statué sur la demande de M. et Mme E... tendant à l'exécution de ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2020, la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène, représentées par Me H..., concluent au rejet la demande de M. et Mme E... tendant à l'exécution du jugement n° 1601160 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Elles soutiennent que :

- les condamnations pécuniaires mises à la charge de la commune de Pont-Salomon ont été réglées le 15 avril 2019 ;

- la compétence assainissement a été transférée à la communauté de communes Loire Semène à compter du 1er janvier 2018 ;

- un marché ayant pour objet la réalisation de travaux d'assainissement pour la liaison du lotissement La Duo jusqu'à la station d'épuration située à Pont-Salomon a été conclu le 14 avril 2020 ; à cet effet, les canalisations en provenance du lotissement seront redimensionnées ; le début des travaux a été fixé au 22 juin 2020 avec une échéance prévue au 20 juillet 2020 ;

- la communauté de communes Loire Semène a déposé un dossier loi sur l'eau concernant l'éventuelle réalisation d'un ouvrage de délestage.

La clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2020 par une ordonnance du même jour en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Le 20 octobre 2020, la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène ont produit des pièces en réponse à la demande qui leur avait été adressée sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 19 novembre 2020 et présenté pour M. et Mme E..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant M. et Mme E..., Me C..., représentant la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène et Me F..., représentant le département de la Haute-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... sont propriétaires, depuis 1990, au lieu-dit L'Alliance à Pont-Salomon, d'un tènement foncier, sur lequel est édifiée leur maison d'habitation, situé sur le flanc d'un versant boisé dominé par la route départementale (RD) 45 et un lotissement, dénommé " La Duo ", réalisé en 1980. Ce terrain est traversé d'ouest en est par un ruisseau dont le cours, d'abord à l'air libre, est ensuite canalisé sous une voûte dont le débouché prend appui sur un mur de soutènement puis emprunte dans sa partie inférieure une conduite enterrée. Se plaignant de dommages récurrents causés lors d'épisodes de fortes pluies consistant plus particulièrement dans la présence d'alluvions rendant impossible l'accès avec un véhicule au portail d'entrée situé en amont de leur propriété et dans l'obturation de l'ouvrage d'art hydraulique par des sédiments qui se déversent ensuite sur leur terrain, M. et Mme E... ont demandé au juge des référés du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay de désigner un expert afin que celui-ci détermine la nature et l'origine des désordres affectant leur propriété ainsi que les travaux nécessaires pour les faire cesser. L'expert a remis son rapport le 28 septembre 2015. Attribuant ces désordres à la fois à l'écoulement accru sur leur terrain des eaux pluviales en provenance des fonds supérieurs en raison de l'imperméabilisation des sols ainsi qu'à un dysfonctionnement et des malfaçons affectant le réseau d'eaux usées situé en amont de leur propriété, M. et Mme E... ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à obtenir la condamnation de la commune de Pont-Salomon à leur verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices en résultant pour eux et à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder aux travaux préconisés par l'expert. Par un jugement du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que l'insuffisance du réseau communal de collecte des eaux usées et l'inadaptation de sa pose au regard de la topographie du chemin sur lequel ce réseau se situe était à l'origine du préjudice grave et spécial consistant en la condamnation du portail d'entrée se trouvant à l'amont de la propriété des requérants du fait de son ensablement et a condamné la commune de Pont-Salomon à leur verser une indemnité de 7 023,36 euros, lui a enjoint de procéder, dans un délai de six mois, aux travaux nécessaires pour remédier de façon pérenne aux désordres ainsi subis par la propriété des requérants et a rejeté le surplus de la demande. Par une requête enregistrée sous le numéro 18LY01788, M. et Mme E... demandent d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions. La commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène, à laquelle la compétence communale de l'assainissement a été transférée en cours d'instance, concluent, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de ce jugement en ce qu'il a considéré que la créance de M. et Mme E... n'était pas prescrite et a condamné la commune. M. et Mme E... ont également saisi la cour d'une requête tendant à obtenir l'exécution de ce même jugement, pour laquelle une procédure juridictionnelle a été ouverte sous le numéro 20LY00855.

2. Les deux requêtes se rapportant à un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. M. et Mme E... imputent les dommages dont ils se plaignent et qui sont apparus, selon leurs dires, dès 1995, d'une part, à l'absence de gestion des eaux de ruissellement des toitures des maisons du lotissement et de la RD 45 qui se déversent dans le ruisseau traversant leur propriété, d'autre part, à un dysfonctionnement du réseau d'eaux usées des habitations du lotissement " La Duo " mis en place par la commune de Pont-Salomon en 1995 et, enfin, à des malfaçons liées à l'opération de travaux publics de pose des canalisations de ce même réseau.

En ce qui concerne l'absence de gestion des eaux de ruissellement en provenance des fonds supérieurs :

4. En premier lieu, le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement.

5. Il est constant que l'urbanisation progressive des terrains dominant la propriété de M. et Mme E..., par l'aménagement d'un lotissement entre 1980 et 1985 d'initiative privée, a entraîné l'imperméabilisation du sol en amont et l'accroissement du volume des eaux de ruissellement se déversant dans le ruisseau traversant le terrain des requérants. Ce phénomène, qui n'était d'ailleurs pas imprévisible lorsque M. et Mme E... ont acquis leur propriété en 1990, ne constitue toutefois pas, par lui-même, une opération de travaux publics dont la commune de Pont-Salomon devrait supporter les conséquences dommageables pour les tiers. Aucun ouvrage public appartenant à la commune de Pont-Salomon n'est incriminé par M. et Mme E.... A cet égard, il est également constant, et il résulte d'ailleurs des écritures de première instance des requérants, que le ruisseau, qui court de la partie est du plateau de Pifoy, où a été aménagé le lotissement de " la Duo " dont il recueille les eaux de ruissellement, et se jette dans la rivière Semène, présente, dans sa partie située en amont du terrain de M. et Mme E..., un caractère naturel et n'a fait l'objet d'aucun aménagement de nature à le transformer en ouvrage public. En particulier, la voûte recouvrant ce ruisseau ainsi que sa canalisation enterrée, construites par les propriétaires riverains, constituent des ouvrages privés, situés sur le terrain des requérants et dont l'entretien leur incombe exclusivement. Dès lors, en l'absence d'ouvrage public destiné à recueillir les eaux de ruissellement du lotissement La Duo, la responsabilité de la commune de Pont-Salomon ne saurait être engagée sur le terrain des dommages de travaux publics à l'égard de M. et Mme E....

6. En second lieu, l'inexécution d'un travail ou d'un ouvrage public n'engage pas la responsabilité de la puissance publique, sauf dans le cas où elle est légalement tenue de le construire.

7. En soutenant, tant en première instance qu'en appel, que les dommages qu'ils subissent trouvent leur origine pour partie dans l'absence de réalisation, par la commune de Pont-Salomon et par le département de la Haute-Loire, d'un ouvrage public de gestion des eaux pluviales, M. et Mme E... doivent être regardés comme se plaçant sur le terrain de la responsabilité pour faute.

8. Toutefois, d'une part, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les communes ont l'obligation de recueillir l'ensemble des eaux de pluie transitant par leur territoire afin d'éviter que les eaux de ruissellement n'atteignent les propriétés riveraines édifiées dans l'axe de leur écoulement naturel. En s'abstenant de mettre en place un réseau d'évacuation des eaux de pluie, la commune de Pont-Salomon n'a ainsi commis aucune faute. Au surplus, il résulte des certificats délivrés par le préfet de la Haute-Loire les 24 janvier 1981 et 9 juin 1982, que la prescription tenant à la mise en place d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales par des canalisations d'un diamètre de 400 mm à laquelle étaient subordonnées les autorisations de lotir délivrées des 24 septembre 1979 et 10 mars 1980, a été exécutée.

9. D'autre part, aux termes de l'article R. 131-1 du code de la voirie routière : " Les profils en long et en travers des routes départementales doivent être établis de manière à permettre l'écoulement des eaux pluviales et l'assainissement de la plate-forme. (...) ". Selon l'article 17 du règlement de la voirie du département de la Haute-Loire : " Les propriétés riveraines situées en contrebas du domaine public routier sont tenues de recevoir les eaux de ruissellement qui en sont issues, selon la règle de droit commun. (...) ".

10. Il est constant que la RD 45, laquelle était imperméabilisée depuis plusieurs décennies en 1990, date à laquelle M. et Mme E... ont acquis leur propriété, bénéficie de fossés et d'ouvrages sous la chaussée destinés à recueillir et évacuer les eaux de la voirie, qui n'ont pas fait l'objet de modifications sensibles depuis cette même date. Si une partie des eaux superficielles de la voirie, collectées par ces ouvrages publics, se déverse dans le ruisseau traversant la propriété des requérants, en amont de celle-ci, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise judiciaire, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les ouvrages publics édifiés par le département seraient insuffisants ou inadéquats. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'aucun ouvrage public adapté n'aurait été réalisé par le département de la Haute-Loire pour assurer l'écoulement des eaux pluviales de la RD 45.

11. Il suit de là que les conclusions indemnitaires relatives aux préjudices découlant des travaux de maçonnerie, de reprise de la canalisation parcourant le terrain et de reconstruction d'un jardin d'agrément, ainsi qu'à la perte de la valeur locative du bien du fait de l'arrachage dans le jardin d'arbustes et au préjudice moral subi par M. et Mme E... en lien avec l'absence de gestion des eaux de ruissellement en provenance des fonds supérieurs doivent être rejetées.

En ce qui concerne les dommages liés au réseau d'eaux usées :

Quant à l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène à la demande indemnitaire de M. et Mme E... :

12. Aux termes de l'article loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ". Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.

13. Il résulte de l'instruction que la commune de Pont-Salomon a procédé, en 1995, à des travaux d'aménagement du réseau d'assainissement du lotissement " La Duo " qui ont consisté à installer une canalisation d'eaux usées, d'un diamètre de 200 mm, se déversant dans un regard situé le long d'un chemin de terre à l'arrière de la propriété des requérants, au niveau d'un portail d'entrée, où les eaux usées d'une canalisation existante du même diamètre se déversent également. Les eaux usées collectées par ces deux canalisations sont ensuite évacuées au moyen d'une canalisation, également d'un diamètre de 200 mm, branchée sur le même regard. A l'occasion de fortes précipitations, ainsi que l'indique l'expert, des eaux de pluie parasites encombrent les deux canalisations d'eaux usées provenant du lotissement en amont et ces eaux ne peuvent s'écouler librement compte tenu de l'insuffisance du diamètre de la canalisation de décharge au vu du diamètre de chacune des deux canalisations s'y déversant. La pression qui s'exerce à la jonction de ces canalisations a pour effet, ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, de soulever le couvercle du regard et d'orienter l'excédent de ces eaux au niveau du portail d'entrée, après avoir traversé le chemin sablo-graveleux et transporté des sédiments qui en sont issus. En outre, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que lors de cette même opération de travaux publics, la canalisation mise en place en travers du chemin n'a pas été enfouie dans une tranchée creusée à cet effet mais directement posée sur l'ancien chemin lequel a été rehaussé par du remblai, sur une hauteur d'environ 60 centimètres au droit du portail des requérants se trouvant en contrebas, empêchant compte tenu de la dénivellation d'accéder en véhicule à la propriété par cette entrée.

14. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préjudice de jouissance tiré de l'inaccessibilité par un véhicule au portail situé en haut de la propriété des requérants est lié à l'existence même de l'ouvrage public, en raison du rehaussement du chemin au droit de ce portail du fait de la pose, en 1995, d'une canalisation d'eaux usées non enfouie. La réalité et l'étendue de ce préjudice étaient entièrement connues des requérants dès 1995. Le délai de prescription quadriennale a donc commencé à courir à compter du 1er janvier 1996 pour s'achever le 31 décembre 1999. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. et Mme E... aient, pendant cette période, adressé une demande de paiement ou une réclamation écrite ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de leur créance, celle-ci était prescrite à la date à laquelle ils ont adressé une réclamation écrite au maire de Pont-Salomon le 5 mai 2010 faisant état, pour la première fois, de la circonstance qu'ils n'avaient plus la possibilité d'accéder à leur propriété par ce portail.

15. D'autre part, les préjudices résultant des nuisances liées au phénomène de dépôt de sédiments au niveau de ce portail du fait du fonctionnement de l'ouvrage de collecte des eaux usées et recueillant également des eaux pluviales parasites, est, ainsi qu'il résulte de l'instruction, susceptible d'évoluer dans le temps, en fonction l'intensité des différents épisodes pluvieux ou neigeux. Dès lors, ces préjudices se rattachent à chacune des années durant lesquelles ces nuisances ont été subies par M. et Mme E.... Il résulte de l'instruction, en particulier des dires des requérants et de l'historique élaboré par l'expert, que, dès 1995, date de mise en place de l'ouvrage, puis ensuite lors de fortes précipitations notamment en 1997, 2006, 2007, 2008, 2009, 2012, 2014, 2015 et 2016, ils ont constaté des dégâts en lien avec les canalisations d'eaux usées situées en amont de leur propriété en raison de la dimension insuffisante de la canalisation de décharge et provoquant des dépôts de sédiments au niveau de leur portail. Par un courrier du 16 août 2007, M. et Mme E... ont indiqué au maire de Pont-Salomon que des orages survenus au printemps et à l'été 2007 avaient occasionnés des dégâts sur leur propriété. Par un courrier électronique du 5 mai 2010, puis une lettre du 28 septembre 2012, les requérants ont précisé au maire que, malgré les aménagements qu'ils avaient effectués au seuil de leur portail, le déversement d'alluvions se poursuivait et ils ont de nouveau adressé un message électronique à cet effet le 4 août 2014. L'ensemble de ces réclamations écrites répétées faisant état de l'existence d'un dommage causé par le dépôt d'alluvions au niveau de leur portail, et alors même que les époux E... n'avaient pas chiffré le préjudice en découlant ni même formalisé une demande de paiement, est de nature, contrairement à ce que soutient la commune, à interrompre la prescription de la créance résultant de ces nuisances à compter de 2007.

Quant à l'indemnisation des préjudices subis :

16. En premier lieu, en évaluant à la somme de 3 000 euros le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par les époux E... du fait de l'ensablement fréquent de leur terrain au niveau du portail nord-ouest, les premiers juges ont fait une appréciation qui n'est ni insuffisante ni exagérée de ce chef de préjudice. Il y a lieu de condamner la communauté de communes Loire Semène, en charge de l'assainissement, à verser cette somme à M. et Mme E....

17. En second lieu, d'une part, l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay a été utile pour permettre à la juridiction administrative d'apprécier les responsabilités encourues. Ainsi, les frais de cette expertise exposés par M. et Mme E... à hauteur de 2 000 euros peuvent être inclus dans le montant du préjudice dont ils doivent obtenir réparation. D'autre part, les frais exposés par les époux E... en vue de faire constater par huissier les désordres ont été utiles à la solution du litige. Ces frais, dont il est justifié à hauteur de la somme de 1 505,22 euros, constituent un élément du préjudice indemnisable. Il y a lieu ainsi de faire supporter l'ensemble de ces frais, à hauteur de 3 505,22 euros à la communauté de communes Loire Semène.

Quant aux conclusions tendant au prononcé d'injonctions :

18. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

19. Pour la mise en oeuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que les dommages subis par M. et Mme E... en lien avec le réseau d'eaux usées, qui consistent à les empêcher d'accéder à leur propriété par le portail situé à l'amont de leur terrain, lequel est en outre ensablé à cet endroit lors de fortes précipitations, présentent un caractère grave et spécial. Ces dommages trouvent leur origine à la fois dans l'exécution défectueuse des travaux publics de pose de la canalisation qui n'a pas été enterrée en 1995 mais déposée au niveau du chemin existant et dans un fonctionnement anormal de l'ouvrage lié au sous-dimensionnement de la canalisation de décharge partant du regard situé au niveau du portail des requérants. Si les requérants demandent que des travaux soient effectués pour qu'il soit mis fin à ces dommages, il résulte toutefois de l'instruction, qu'en exécution du jugement attaqué, la communauté de communes Loire Semène, en charge de l'assainissement sur le territoire de la commune de Pont-Salomon, a conclu le 14 avril 2020 un marché de travaux avec la société Sade ayant pour objet de redimensionner et d'approfondir le collecteur d'eaux usées en cause, de créer un déversoir en cas d'orage et d'abaisser le chemin permettant de rétablir l'accès à la propriété de M. et Mme E.... Ces travaux ont été réceptionnés le 29 juillet 2020 et les réserves levées le 31 août 2020. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le dommage ainsi causé à la propriété des requérants perdure à la date du présent arrêt. Il suit de là que les conclusions présentées par M. et Mme E... tendant au prononcé d'injonctions doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène :

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt qu'en l'absence de responsabilité du département de la Haute-Loire et de condamnation mise à sa charge par le présent arrêt, les conclusions en appel en garantie dirigées contre lui par la commune de Pont-Salomon et de la communauté de communes Loire Semène ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

22. M. et Mme E... ont droit aux intérêts sur la somme de 6 505,22 euros au taux légal à compter du 18 mars 2016, date de réception par l'administration de leur demande préalable. Ils ont demandé pour la première fois la capitalisation de ces intérêts dans leur mémoire enregistré au tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 8 mars 2017. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, seulement à compter du 18 mars 2017 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

23. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, par le jugement attaqué, n'ont pas fait droit à l'intégralité de leur demande et que la commune de Pont-Salomon et la communauté de communes Loire Semène, par la voie de l'appel incident, sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de ce jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la commune de Pont-Salomon à verser à M. et Mme E... une indemnité de 7 023,36 euros, assortie des intérêts capitalisés. Il y a lieu fixer à la somme de 6 505,22 euros l'indemnité due par la communauté de communes Loire Semène à M. et Mme E..., assortie des intérêts capitalisés, et de réformer le jugement attaqué en ce sens.

Sur l'exécution du jugement attaqué :

24. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat. "

25. M. et Mme E... ont demandé l'exécution de l'article 2 du jugement n° 1601160 du 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a enjoint à la commune de Pont-Salomon de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires pour remédier de façon pérenne aux désordres subis par le portail de M. et Mme E... dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 20, que ces travaux ont été réalisés par la communauté de communes Loire et Semène et achevés au 29 juillet 2020. Il n'est pas sérieusement soutenu par les requérants que les travaux ainsi réalisés n'auraient pas été conformes à l'injonction prononcée par le tribunal administratif. Ainsi la demande d'exécution, sous astreinte, formée par M. et Mme E... est devenue sans objet et doit être rejetée.

Sur les frais de l'expertise :

26. Les frais et dépens qu'a définitivement supportés une personne en raison d'une instance judiciaire dans laquelle elle était partie, sont au nombre des préjudices dont elle peut obtenir réparation devant le juge administratif de la part de l'auteur du dommage, sauf dans le cas où ces frais et dépens sont supportés en raison d'une procédure qui n'a pas de lien de causalité directe avec le fait de cet auteur.

27. Les frais de l'expertise ordonnée, à la demande de M. et Mme E..., par le juge des référés du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, ne constituent pas des dépens de la présente instance. Eu égard à ce qui a été dit au point 17, M. et Mme E... ne sauraient être condamnés à rembourser au département de la Haute-Loire les frais que celui-ci a exposés à l'occasion de cette expertise. Les conclusions présentées en ce sens par le département doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Il ne parait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du jugement du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La communauté de communes Loire Semène est condamnée à verser à M. et Mme E... une somme de 6 505,22 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 18 mars 2016. Les intérêts échus le 18 mars 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à Mme I... D... épouse E... à la commune de Pont-Salomon, à la communauté de communes Loire Semène et au département de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

Nos 19LY01788,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01788
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BOITON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly01788 ?
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