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17/12/2020 | FRANCE | N°19LY00184

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 décembre 2020, 19LY00184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du tribunal, en réparation des souffrances endurées résultant de la faute survenue le 12 mars 2015 lors d'une consultation gynécologique au sein de cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, n'a pas produit d

'observations.

Par un jugement n 1608927 du 10 juillet 2018, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du tribunal, en réparation des souffrances endurées résultant de la faute survenue le 12 mars 2015 lors d'une consultation gynécologique au sein de cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, appelée à l'instance, n'a pas produit d'observations.

Par un jugement n 1608927 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 septembre 2019, Mme B... A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal administratif et leur capitalisation, en réparation des préjudices subis dans les suites de la consultation gynécologique du 12 mars 2015 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roanne la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- par courrier du 22 septembre 2016, elle a formé une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée par le centre hospitalier le 15 décembre 2016 ; la circonstance que les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique n'ont pas été citées dans sa réclamation préalable ne remet pas en cause la liaison du contentieux dès lors qu'il s'agit d'une responsabilité sans faute ;

- le rapport d'expertise précise que son dossier médical ne contenait pas de compte-rendu de l'examen réalisé par le gynécologue le 12 mars 2015 et, par suite, il est possible de s'interroger sur les éléments qui ont permis à l'expert d'affirmer que l'examen gynécologique n'avait pas été réalisé de manière fautive ;

- ni le centre hospitalier, ni l'expert, n'ont établi qu'il n'existait pas de lien de causalité entre l'examen gynécologique du 12 mars 2015 et les fortes douleurs couplées aux importantes pertes de sang ; elle a été victime de souffrances et de la perte du foetus qu'elle portait ;

- à titre subsidiaire, le centre hospitalier ne l'a pas informée que les caractéristiques de sa grossesse laissaient peser un doute sur une évolution favorable de celle-ci ; le centre hospitalier a manqué à son obligation d'information prescrite par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2019, le centre hospitalier de Roanne, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la demande de Mme A... fondée sur un défaut d'information est irrecevable dès lors qu'une telle prétention ne lui a jamais été présentée dans le cadre du recours indemnitaire préalable et est nouvelle en appel, alors qu'elle repose sur une cause juridique distincte de l'action en responsabilité fondée sur la faute ;

- aucune faute n'a été commise dans la prise en charge de Mme A... et n'est à l'origine de l'arrêt de sa grossesse ; l'examen du 11 mars 2015 a conclu à une probable fausse couche sans exclure une grossesse extra-utérine ; cette conclusion a justifié le rendez-vous du 12 mars ; lors de l'examen du 12 mars 2015, l'échographie a confirmé une grossesse intra-utérine d'évolution incertaine et une nouvelle échographie était prévue une semaine plus tard ; l'expert a confirmé que l'arrêt de la grossesse survenu le 12 mars 2015 était accidentel et ne retient aucun manquement ou négligence ;

- quand bien même Mme A... aurait ressenti une douleur à l'examen, cela ne saurait être analysé comme une faute ; il n'est pas établi que le geste gynécologique serait à l'origine de la douleur ;

- le risque de fausse couche ne fait pas partie des risques dont l'information relève du médecin mais des risques connus de la grossesse.

Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président de chambre,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 mars 2015, Mme B... A..., née le 3 janvier 1976, a été admise aux urgences gynécologiques du centre hospitalier de Roanne à douze semaines d'aménorrhée à la suite de saignements. Elle a été auscultée par un gynécologue qui a effectué une échographie par sonde. Compte tenu de la douleur ressentie lors de cet examen, le gynécologue lui a prescrit un antidouleur et l'a autorisée à regagner son domicile. Le lendemain, elle a présenté de vives douleurs et des saignements abondants et a été conduite par le SAMU aux urgences gynécologiques du centre hospitalier de Roanne où elle a été examinée et informée par l'interne qu'elle avait fait une fausse couche. Dans les suites immédiates de cet examen, elle a subi une aspiration du foetus sous anesthésie générale. Estimant avoir été victime d'une faute lors de sa prise en charge, Mme A... a formé une réclamation indemnitaire préalable le 22 septembre 2016, qui a été rejetée le 15 décembre 2016. Elle a également demandé au tribunal administratif de Lyon de prescrire une expertise. Par une ordonnance du 13 janvier 2017, le président du tribunal administratif de Lyon a désigné le docteur Mallecourt, spécialiste en gynécologie, en qualité d'expert. Celui-ci a remis son rapport le 21 mars 2017. Mme A... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Roanne à l'indemniser des préjudices subis lors de l'examen gynécologique du 12 mars 2015.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Roanne en raison d'une faute :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes, de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils apportent la preuve d'une cause étrangère. "

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que l'expert, qui a pris connaissance de l'ensemble des pièces du dossier médical de Mme A... et a été en mesure de rendre un avis circonstancié sur sa prise en charge au centre hospitalier, malgré l'absence de compte-rendu de l'examen réalisé par le gynécologue le 12 mars 2015, compte tenu de ce qu'il disposait des conclusions de l'échographie endo-vaginale du 12 mars, a indiqué que " les métrorragies du premier trimestre de grossesse surviennent dans 20 à 27 % des grossesses et la moitié de ces grossesses évolueront vers une interruption spontanée et que le risque de fausse couche augmente de façon importante avec l'âge maternel, 8 % à 20 ans et 75 % à 45 ans ". En l'espèce, Mme A..., alors âgée de 39 ans, s'est rendue une première fois aux urgences gynécologiques du centre hospitalier de Roanne, le 11 mars 2015, en raison de saignements. L'expert relève que, le 12 janvier 2015, le taux de Béta Hormone Chorionique Gonadotrophique (BHCG) mesuré dans le sang de Mme A... était à 177 UI/l permettant d'estimer la grossesse à moins de trois semaines et que, le 11 mars, le taux était de 3 210 UI/l alors que, pour une grossesse de plus de onze semaines, le taux aurait dû être compris entre 50 000 et 250 000. L'expert en a déduit que " le taux n'avait pas évolué de façon conforme à une grossesse normale signant une grossesse non évolutive. Ainsi dès le 11 mars, il est probable que la grossesse était arrêtée ". Il indique encore que, lors de l'examen du 12 mars 2015, l'opérateur a fait état " d'une grossesse intra-utérine d'évolution incertaine, on voit un embryon dont la longueur cranio caudale est de 15 mm avec une faible activité cardiaque et un sac gestationnel irrégulier " et a conclu à une grossesse d'évolution incertaine, l'expert soulignant que " cette longueur du foetus n'était pas conforme à l'âge supposé de la grossesse. A 11 semaines de grossesse, le foetus aurait dû mesurer plus de 50 mm de longueur cranio-caudale ". Le 13 mars 2015, une nouvelle échographie a été réalisée et a mis en évidence " une grossesse en train d'être expulsée ". A la suite de l'examen de ces pièces, l'expert a conclu que " la grossesse de Mme A... n'était malheureusement pas évolutive lors de sa première consultation au centre hospitalier de Roanne le 11 mars 2015 " et que " les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science et étaient adaptés à l'état de Mme A... et aux symptômes qu'elle présentait ". Dans ces conditions, il n'est pas établi que la perte du foetus accompagnée de fortes douleurs soit en lien avec l'examen gynécologique subi le 12 mars 2015.

4. Il en résulte que la responsabilité du centre hospitalier de Roanne ne peut être engagée en raison des préjudices subis par Mme A... dans les suites de l'examen gynécologique.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Roanne pour défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 11112 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...). / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. "

6. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte.

7. Il s'ensuit que la requérante, qui se borne à soutenir qu'elle n'a pas été informée de ce que les caractéristiques de sa grossesse laissaient peser un doute sur une évolution favorable de celle-ci, ne peut rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Roanne sur le fondement du défaut d'information des risques connus d'un acte médical.

8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les examens ont été répétés entre le 11 et le 12 mars 2015 par prudence et dans l'attente d'un avis d'un médecin senior et que si, le 12 mars 2015, Mme A... a été autorisée à regagner son domicile, elle devait réaliser une nouvelle échographie de contrôle une semaine plus tard pour contrôler l'évolution de sa grossesse.

9. Il en résulte que la responsabilité du centre hospitalier de Roanne ne peut être engagée en raison d'un défaut d'information.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande indemnitaire présentée sur le fondement du défaut d'information, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

11. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 31 octobre 2018. Dans ces conditions, conformément aux dispositions combinées de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais d'expertise incombent non à la requérante bénéficiaire de cette aide et perdante à l'instance mais à l'Etat. Par suite, il y a lieu de maintenir les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés, par une ordonnance du 5 avril 2017 du président du tribunal administratif de Lyon, à la somme de 1 400 euros, à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Roanne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre hospitalier de Roanne.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 400 euros sont maintenus à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de Roanne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au centre hospitalier de Roanne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 19LY00184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00184
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : JOUNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;19ly00184 ?
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