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17/12/2020 | FRANCE | N°18LY00365

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 18LY00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet de l'établissement public départemental du domaine de Lorient lui refusant le paiement de ses heures supplémentaires ;

2°) de condamner cet établissement à lui verser la somme de 12 483,56 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées, avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1506276 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir procéd

à un supplément d'instruction afin d'avoir communication de la règlementation du temps de travai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet de l'établissement public départemental du domaine de Lorient lui refusant le paiement de ses heures supplémentaires ;

2°) de condamner cet établissement à lui verser la somme de 12 483,56 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées, avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1506276 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir procédé à un supplément d'instruction afin d'avoir communication de la règlementation du temps de travail dans l'établissement public départemental du domaine de Lorient, a condamné l'établissement à verser la somme de 1 846,80 euros à M. E..., avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable du 29 avril 2015, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier 2018 et 31 janvier 2019, M. F... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2017 ;

2°) de condamner l'établissement public départemental du domaine de Lorient à lui payer, à titre principal, la somme de 10 483,56 euros à parfaire, avec intérêt au taux légal au titre de son préjudice financier, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ou, à titre subsidiaire, la somme de 7 252,72 euros au titre du même préjudice financier ;

3°) d'enjoindre à l'établissement public départemental du domaine de Lorient de procéder à la liquidation de ces sommes dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental du domaine de Lorient une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient :

- à titre principal, que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

- qu'il a réalisé des heures supplémentaires et non des astreintes ;

- à titre subsidiaire que le jugement comporte une erreur de calcul.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 novembre 2018 et le 10 septembre 2019, l'établissement public départemental du domaine de Lorient représenté par Me A... conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement entrepris et au rejet de l'intégralité des demandes indemnitaires de M. E... ;

3°) et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2003-507 du 11 juin 2003 relatif à la compensation et à l'indemnisation du service d'astreinte dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., avocat, représentant l'établissement public départemental du domaine de Lorient,

- et les observations de M. E..., requérant ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de travaux de réhabilitation de l'établissement public départemental du domaine de Lorient, réalisés durant les périodes du 16 juillet au 31 août 2010 et du 13 juillet au 25 octobre 2012, M. E..., agent d'entretien qualifié, qui exerce les fonctions de gardien de cet établissement, a demandé au tribunal administratif de condamner l'établissement public à lui verser la somme de 12 483,56 euros en paiement des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées. Par un jugement n° 1506276 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'établissement public départemental du domaine de Lorient à verser au requérant la somme de 1 846,80 euros au titre d'heures d'astreinte effectuées en 2010 et 2012. M. E..., qui relève appel de ce jugement, réclame le paiement, à titre principal, de la somme de 10 483,56 euros à parfaire, avec intérêt au taux légal au titre de son préjudice financier, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ou, à titre subsidiaire, de la somme de 7 252,72 euros au titre du même préjudice financier. L'établissement public départemental du domaine de Lorient conclut à titre principal, au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement entrepris et au rejet de l'intégralité des demandes indemnitaires de M. E....

Sur la qualification des heures effectuées :

2. Aux termes de l'article 5 du décret 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 20 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. ".

3. L'emploi du temps mentionné dans la fiche de poste du gardien de l'établissement public départemental du domaine de Lorient indique que le temps de travail est organisé de 8 heures 30 à 11 heures 10 et de 17 heures à 20 heures 16 les lundi, mardi, jeudi et vendredi, de 17 heures à 20 heures 16 le mercredi et de 9 heures à 11 heures et de 15 heures à 17 heures les samedi et dimanche. En plus de ses missions de gardien, le titulaire du poste assure notamment les fonctions de coursier et l'entretien des espaces verts durant les périodes de vacances scolaires. Il est également prévu qu'au titre de ses activités principales, l'agent a pour mission de : " réceptionner les fournisseurs et entreprises en dehors des heures d'ouverture de l'établissement ". En matière de conditions de travail associées au poste, la fiche de poste précise en outre : " présence sur site et astreintes et mise à disposition à titre gratuit une habitation ainsi que l'électricité (chauffage de la maison) et eau. ".

4. Lors de travaux réalisés au sein de l'établissement public départemental du domaine de Lorient du 16 juillet au 31 août 2010 et du 13 juillet au 25 octobre 2012, il résulte de l'instruction que l'établissement a demandé à M. E... d'être joignable par téléphone entre 7 heures et 18 heures la semaine, en dehors de ses heures de service, afin de permettre l'accès des entreprises au chantier lorsque celles-ci en feraient la demande. Si M. E... soutient qu'il a effectué 856,5 heures supplémentaires non rémunérées durant cette double période, il n'est pas établi, ni même soutenu que ce service supplémentaire ait requis la présence de l'intéressé à son poste de travail, dans les locaux de l'établissement, alors même que sa seule présence sur le site, compte tenu qu'il est logé sur place, n'est pas suffisante pour prouver que M. E... a bien réalisé des heures supplémentaires. L'appelant ne conteste pas qu'il pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles, sans être effectivement présent sur son lieu de travail, tout en demeurant disponible pour intervenir en cas de besoin au service de l'établissement. En outre le courrier du 13 juin 2013 émanant de l'établissement public et dont M. E... entend se prévaloir, se borne à évoquer " une activité importante au sein de l'établissement ". De même, le courrier du 25 août 2013, consécutif à la rencontre du 24 juillet 2013 entre les parties, propose d'une part, le paiement de dix heures supplémentaires pour le seul mois d'août 2010 pour compenser le fait que M. E... a été conduit à nourrir les animaux en remplacement d'un agent, d'autre part, le paiement d'astreintes pour le reste des deux périodes à hauteur de 350,38 euros pour 2010 et 2012. Dans ces conditions, le jugement critiqué a pu considérer, à bon droit, que le service supplémentaire en litige devait être regardé comme constituant des astreintes au sens des dispositions précitées du décret du 4 janvier 2002.

Sur la rémunération des heures d'astreinte effectuées :

5. Aux termes de l'article 25 du décret 2002-9 du 4 janvier 2002 : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation. / Les conditions de compensation ou d'indemnisation des astreintes sont fixées par décret. Les modalités générales de recours à la compensation ou à l'indemnisation sont fixées par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique. ". Aux termes de l'article 23 du même décret : " Un même agent ne peut participer au fonctionnement du service d'astreinte que dans la limite d'un samedi, d'un dimanche et d'un jour férié par mois. / La durée de l'astreinte ne peut excéder 72 heures pour 15 jours. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret 2003-507 du 11 juin 2003 relatif à la compensation et à l'indemnisation du service d'astreinte dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le temps passé en astreinte dans les conditions prévues par le titre II du décret du 4 janvier 2002 susvisé donne droit soit à une compensation horaire, soit à une indemnisation. (...) / L'indemnisation horaire correspond au quart d'une somme déterminée en prenant pour base le traitement indiciaire brut annuel de l'agent concerné au moment de l'astreinte dans la limite de l'indice brut 638 augmenté le cas échéant de l'indemnité de résidence, le tout divisé par 1 820. ".

6. Compte tenu de ce que l'établissement public départemental du domaine de Lorient n'a pas fixé les modalités générales de recours à la compensation ou à l'indemnisation des astreintes de ses agents, M. E... ne peut prétendre, en application des dispositions précitées, à l'indemnisation du temps passé en astreinte que dans la limite de 72 heures pour quinze jours et sans qu'il y ait lieu de tenir compte des avantages procurés par son logement de fonction. Dans ces conditions, M. E... n'établit pas qu'en fixant, d'une part, le nombre d'heures d'astreinte indemnisables sur les sept semaines de l'année 2010 à 252 heures et sur les quinze semaines de l'année 2012 à 540 heures d'autre part, l'indemnisation de ses missions effectuées, pour sept semaines en 2010 et quinze semaines en 2012 aux sommes respectives de 575,33 euros et 1271,47 euros, soit un total de 1 846,80 euros, que le jugement serait entaché d'une erreur dans le calcul des heures d'astreinte indemnisables.

7. Si M. E... sollicite en outre, sur le fondement de la responsabilité pour faute de son employeur, l'indemnisation d'un préjudice moral qu'il aurait subi du fait de l'absence de paiement par l'établissement public départemental du domaine de Lorient, des missions supplémentaires effectuées par lui, il n'apporte aucun élément susceptible de démontrer la réalité de ce préjudice. Par suite, ces conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté partiellement sa demande d'indemnisation. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées. Il en résulte également que le rejet de l'ensemble des conclusions de l'appelant rend sans objet les conclusions présentées à titre subsidiaire par l'établissement public départemental du domaine de Lorient.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public départemental du domaine de Lorient, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. E.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par l'établissement public départemental du domaine de Lorient au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement public départemental du domaine de Lorient présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et à l'établissement public départemental du domaine de Lorient.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Paix, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme B... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 18LY00365


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL CHANON - LELEU ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 17/12/2020
Date de l'import : 09/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY00365
Numéro NOR : CETATEXT000042712463 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;18ly00365 ?
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