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15/12/2020 | FRANCE | N°19LY03527

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 15 décembre 2020, 19LY03527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Prosol Gestion a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le maire de la commune de Montbrison a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n°1807480 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté et enjoint à la commune de Montbrison de délivrer le permis de construire sollicité par la SAS Prosol Gestion dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregis

trée le 13 septembre 2019, la commune de Montbrison, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Prosol Gestion a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le maire de la commune de Montbrison a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n°1807480 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté et enjoint à la commune de Montbrison de délivrer le permis de construire sollicité par la SAS Prosol Gestion dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2019, la commune de Montbrison, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Prosol Gestion devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Prosol Gestion la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire de la commune ne pouvait refuser de délivrer un permis de construire en application des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, dès lors que les travaux projetés nécessitent une extension du réseau d'électricité ;

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motifs qu'elle avait présentée, tirée de ce que le projet méconnaît l'article UF 7.1. du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que l'article UF 11.2.2. du même règlement.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2019, la SAS Prosol Gestion, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2020, par une ordonnance en date du 24 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me A..., pour la commune de Montbrison

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 août 2018, le maire de Montbrison a refusé de délivrer un permis de construire à la SAS Prosol Gestion pour la réalisation d'un magasin de vente alimentaire d'une surface de plancher de 837 m2. La commune de Montbrison relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 août 2018, et enjoint à son maire de délivrer le permis de construire sollicité.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment indiqué les motifs pour lesquels ils ont estimé que le projet nécessitait un raccordement au réseau d'électricité n'excédant pas cent mètres. Par suite, le moyen tiré d'une prétendue insuffisance de motivation du jugement du tribunal administratif doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 août 2018 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L.111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. " D'autre part, en vertu des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, les bénéficiaires d'autorisation de construire peuvent être tenus de réaliser les équipements propres à l'opération mentionnés aux premier et quatrième alinéas de l'article L.332-15 du même code, aux termes desquels : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire (...) exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction (...), notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. (...) / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour répondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. ".

4. Il résulte de l'article L.111-11 du code de l'urbanisme qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation. Il résulte également de l'article L.332-15 du code de l'urbanisme que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au quatrième alinéa de l'article L.332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.

5. Par un avis en date du 31 juillet 2017, la société ENEDIS, concessionnaire saisi dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'urbanisme en litige, indique que la longueur totale du raccordement, entre le coffret de coupure situé sur le terrain d'assiette du projet et le poste de distribution du réseau public, est de cent mètres. La seule production par la commune de Montbrison d'extraits du site Géoportail, qui ne mesurent d'ailleurs pas la distance la plus courte entre ces deux points, ne permet pas de contredire le métrage linéaire effectué par la société ENEDIS. Par ailleurs, la commune de Montbrison ne démontre pas que le projet ne pouvait être raccordé qu'à partir de la logette ERDF située sur le terrain à une distance plus importante du réseau, alors au demeurant qu'elle permettait le raccordement du bâtiment existant devant être démoli. Le raccordement, dont il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il nécessiterait un renforcement du réseau public d'électricité existant, constitue ainsi un équipement propre du projet dont le financement incombe au pétitionnaire, de sorte que le maire de la commune de Montbrison ne pouvait légalement refuser le permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions de l'article L.111-11 du code de l'urbanisme.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et règlementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

7. Pour refuser la délivrance du permis, le maire de la commune de Montbrison s'est approprié le contenu de l'avis de l'Agence Régionale de Santé, consultée en raison de la situation du terrain dans le périmètre de protection du canal du Forez, déclaré d'utilité publique par arrêté du 11 mars 1997. Si l'ingénieure de l'agence avait contesté le choix fait par le pétitionnaire d'un système d'infiltration partielle des eaux pluviales dans le sol, celui-ci résulte de l'application des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UF. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la SAS Prosol Gestion prévoit la mise en place d'un dispositif de chaussée réservoir avec un bac séparateur d'hydrocarbures, afin de garantir que les eaux stockées soient exemptes de toute substance nocive, avec un rejet du surplus du débit de fuite résiduel dans le réseau public. Ce système apparaît adapté aux caractéristiques du sol, selon l'étude hydrogéologique de gestion des eaux pluviales qu'elle produit, sans que la commune de Montbrison n'apporte aucun élément de nature à établir son insuffisance. Dans ces conditions, et en l'absence d'élément de nature à établir l'existence d'un risque sérieux de pollution de ces nappes en raison de la présence d'un parc de stationnement, le maire de Montbrison, en refusant de délivrer un permis de construire en raison de ce que le projet porterait atteinte à la salubrité publique, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. En troisième lieu, lieu, aux termes de l'article UF 7.1. du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montbrison, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Les constructions doivent s'implanter à une distance des limites séparatives égale à la 1/2 hauteur du bâtiment et jamais inférieure à 5 mètres. / Toutefois, cette règle peut ne pas être appliquée lorsque des mesures indispensables sont prises pour éviter la propagation des incendies (notamment, murs coupe-feu 2 heures minimum). Dans ce cas, les bâtiments peuvent s'implanter en limite séparative sans excéder 20 mètres en secteur UF et 12 mètres en secteur UFa. "

9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain supporte une construction préexistante, implantée en limite séparative, à l'Ouest de la parcelle. La commune de Montbrison fait valoir que la construction projetée s'implante en lieu et place d'une partie de cet ancien bâtiment, dont la démolition avait été autorisée par un permis de démolir en date du 8 septembre 2017 et que le projet est une extension de ce bâtiment, ayant vocation à former un même ensemble bâti avec la construction préexistante. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet prévoit une surface de plancher, de 837 m2, supérieure à celle du bâtiment existant, et ne présente aucun lien physique ou fonctionnel avec ce dernier, même s'il s'accole à lui. Dès lors, il s'agit d'une nouvelle construction qui n'emporte aucune modification de la partie située en limite séparative. Par suite, le maire de Montbrison ne peut soutenir que le projet méconnaît les dispositions de l'article UF 7.1. du règlement du plan local d'urbanisme, en ce qu'il ne rendrait pas le bâtiment existant plus conforme aux règles d'implantation par rapport aux limites séparatives.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article UF 11.2.2. du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montbrison, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " Toutes les façades (annexes comprises) devront faire l'objet d'un traitement en harmonie avec le paysage naturel ou bâti existant. Une unité de couleur par bâtiment devra être assurée. / Doivent être recouverts d'un enduit tous les matériaux qui, par leur nature ou par l'usage de région, sont destinés à l'être, tels le béton grossier, les briques qui ne sont pas de parement, les parpaings agglomérés, etc... / Les extensions seront réalisées avec les mêmes traitements de façade que les bâtiments existants, à l'exception des vérandas et autres éléments d'architecture sous réserve d'être en harmonie avec ceux-ci. "

11. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante dans une zone industrielle comprenant des magasins et entrepôts sans unité ni intérêt architectural particuliers. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que les teintes des façades du projet, si elles comprennent des teintes rouges, ne s'harmoniseraient pas avec celles des constructions voisines, qui ne présentent au demeurant pas d'homogénéité.

12. Dans la mesure où le projet ne constitue pas une extension de la construction préexistante, ainsi qu'il a été dit au point 10, la commune de Montbrison ne peut utilement faire valoir qu'elle ne présente pas le même traitement que celle du bâtiment existant.

13. La commune de Montbrison soutient enfin que le projet méconnait les dispositions de l'article UF 11.2.2. du règlement imposant une unité de couleur par bâtiment. Toutefois, cette exigence n'impose pas le choix d'une teinte unique pour une construction. Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des teintes retenues, qui s'harmonisent entre elles, le projet assure une unité de couleur du bâtiment. Par conséquent, le projet de la SAS Prosol Gestion ne méconnait pas les dispositions de l'article UF 11.2.2. du règlement du plan local d'urbanisme et la substitution de motifs sollicitée par la commune de Montbrison ne peut être accueillie.

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montbrison n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 août 2018 de son maire.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la SAS Prosol Gestion, qui n'est pas partie perdante, verse à la commune de Montbrison la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montbrison le versement à la SAS Prosol Gestion de la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montbrison est rejetée.

Article 2 : La commune de Montbrison versera à la SAS Prosol Gestion la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Prosol Gestion et à la commune de Montbrison.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

N° 19LY03527

fp


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 15/12/2020
Date de l'import : 09/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY03527
Numéro NOR : CETATEXT000042712583 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-15;19ly03527 ?
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