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03/12/2020 | FRANCE | N°20LY02472

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 décembre 2020, 20LY02472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B..., alias M. E... B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

- d'annuler la décision du 21 juillet 2020 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

- d'enjoindre au préfet de l'autoriser à enregistrer sa demande d'asile en France et de le munir d'une attestation de demande d'asile et, à défaut, de lu

i délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B..., alias M. E... B..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

- d'annuler la décision du 21 juillet 2020 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

- d'enjoindre au préfet de l'autoriser à enregistrer sa demande d'asile en France et de le munir d'une attestation de demande d'asile et, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros par application des articles L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2004304 du 14 août 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), annulé la décision du 21 juillet 2020, par laquelle le préfet du Rhône a ordonné le transfert de M. B... aux autorités autrichiennes (article 2), a enjoint au préfet du Rhône d'enregistrer la demande d'asile de M. B... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui remettre une attestation de demande d'asile et, le cas échéant, de le munir d'un visa en vue d'entrer en France pour y déposer une demande d'asile (article 3) et a rejeté le surplus de cette demande (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 août 2020 sous le n° 20LY02472, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 2004304 du 14 août 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Le préfet soutient que :

- le premier juge a méconnu le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres et les dispositions du d du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- c'est à tort que le premier juge a estimé que son arrêté était entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement Dublin III en décidant le transfert de M. B... vers l'Autriche.

Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Sergent, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., présidente -rapporteure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 7 juillet 1997, alias M. B..., né le 27 juillet 1994, est entré irrégulièrement en France le 2 février 2020 selon ses déclarations, pour demander l'asile. La consultation du fichier européen " Eurodac " a révélé qu'il était connu des autorités autrichiennes, auprès desquelles il a sollicité l'asile le 29 décembre 2015. Saisies le 24 février 2020 d'une demande de réadmission dans le cadre du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, les autorités autrichiennes ont fait connaître, le 25 février 2020, leur accord explicite sur ce transfert. Par décision en date du 21 juillet 2020, le préfet du Rhône a ordonné la remise de M. B... aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 14 août 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

3. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. M. B... fait valoir que les autorités autrichiennes ont rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers l'Autriche, il sera reconduit en Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie, notamment eu égard à la violence extrême qui sévit dans ce pays. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. B... qui produit un document que lui ont adressé ces autorités indiquant qu'à compter du 13 février 2020, il ne percevrait plus aucun droit lié à sa demande d'asile, aurait épuisé les voies de recours contre les décisions le concernant en Autriche. Par ailleurs, à supposer même que la demande d'asile de M. B... aurait été définitivement rejetée par les autorités autrichiennes, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'une décision d'éloignement, devenue définitive, aurait été prise à son encontre par les autorités autrichiennes, ni qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile et qui ont accepté sa reprise en charge, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision de transfert en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en ne faisant pas application des dispositions du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

6. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par Mme C..., attachée principale, chef du pôle régional Dublin qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet du Rhône du 8 juillet 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

8. Il ressort des pièces du dossier que les brochures mentionnées par les dispositions précitées ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile ont été remis à M. B..., les 20 et 21 février 2020, en langue dari qu'il a déclaré comprendre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel avec un agent du service chargé de l'asile à la préfecture de police de Paris, le 21 février 2020. Cet entretien a été mené en dari, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, par une personne du service, qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et il ressort du résumé dudit entretien, que M. B... a signé, qu'il a pu exprimer à cette occasion toutes observations utiles. En outre, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Dès lors, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Par suite, la circonstance que ces indications n'apparaissent pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec M. B... est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. B.... Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions du conseil de M. B... tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°2004304 du 14 août 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme F..., première conseillère,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

2

N° 20LY02472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02472
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;20ly02472 ?
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