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03/12/2020 | FRANCE | N°19LY04177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 03 décembre 2020, 19LY04177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 15 mai 2019 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'autoriser à séjourner en France, a décidé de l'éloigner sans délai du territoire français, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par jugement n° 1901451 lu le 27 août 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, et un mémoire enregistré le 9 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 15 mai 2019 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'autoriser à séjourner en France, a décidé de l'éloigner sans délai du territoire français, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par jugement n° 1901451 lu le 27 août 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019, et un mémoire enregistré le 9 juillet 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions susmentionnées ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder à un réexamen de sa demande dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'examen global des critères fixés par cet article, elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits en ce qui concerne la validité de ses documents d'identité, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégale par exception d'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits, elle ne répond à aucun risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne repose sur aucune atteinte à l'ordre public.

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2020, le Défenseur des droits a présenté des observations en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.

Par un mémoire enregistré le 25 mai 2020, le préfet de la Côte-d'Or représenté par la SELARL Claisse et associés, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;

- et les observations de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... ressortissant malien, qui déclare être né le 14 février 1999 à Kokoni (Mali), et être entré en France en 2016, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 19 octobre 2016. Par un arrêté du 15 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'exigence de motivation instituée par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration s'applique à l'énoncé des seuls motifs sur lesquels l'administration entend faire reposer sa décision. Il suit de là que l'arrêté litigieux du 15 mai 2019 n'est pas entaché d'un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel de tous les éléments caractérisant la situation de M. C..., que celui-ci regarde comme lui étant favorables et sur lesquels le préfet de la Côte-d'Or n'a pas cru devoir se fonder pour lui refuser le titre de séjour.

3. En deuxième lieu, la motivation ayant pour objet, ainsi qu'il vient d'être dit, de n'énoncer que les motifs qui fondent la décision, son contenu ne révèle pas de défaut d'examen de la totalité de la situation du demandeur. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or aurait négligé d'épuiser sa compétence au seul motif qu'il ne se prononce expressément que sur les arguments utiles à sa décision.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

6. En l'espèce, M. C... a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 précité, et afin de justifier de son état civil, un extrait d'acte de naissance n° 088 du 21 juin 2016 (n° 1792438), un jugement supplétif n° 835 du 20 juin 2016 ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivré le 11 mai 2018. Par ailleurs, le passeport délivré en juin 2018 qu'il a produit devant le tribunal, s'il constitue une pièce d'identité, ne saurait revêtir le caractère d'acte d'état civil, comme le sont l'acte intégral ou l'extrait d'acte de naissance ainsi que le jugement supplétif. Il ressort du rapport de l'analyste en fraude documentaire de la police aux frontières de Dijon établi le 21 décembre 2018 que l'acte de naissance " en sa mention 25, concernant le sceau de l'officier d'état civil présente les caractéristiques d'un tampon officiel contrefait " que la carte d'identité consulaire a été obtenue par référence à l'acte de naissance " il existe des raisons plausibles de soupçonner une obtention indue de document administratif ". M. C... qui ne produit que des attestations d'authenticité de ces actes d'état civil et des courriers de l'ambassade de France au Mali à hauteur d'appel n'apporte aucun élément de nature à contredire les mentions portées sur ce rapport. En se bornant à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans saisir les autorités maliennes aux fins de vérification et à affirmer que ces documents ont été considérés comme authentiques par les autorités maliennes, le requérant ne critique pas sérieusement les éléments produits par le préfet pour établir l'existence d'une fraude. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des éléments versés au dossier, le préfet de la Côte d'Or a renversé la présomption de l'article 47 du code civil et a pu légalement considérer que les actes produits par M. C... à l'appui de sa demande de titre de séjour ne pouvaient être regardés comme établissant son identité ni son état de minorité à la date de son placement sous protection judiciaire. Il suit de là que le préfet était fondé à rejeter la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 précité sans être tenu de vérifier si les autres conditions prévues par celles-ci étaient satisfaites. Par suite les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'erreur matérielle, d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

8. M. C... de nationalité malienne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 15 mai 2019. Ainsi, à cette date, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de ce refus.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation sur son territoire.

10. M. C..., célibataire sans charge de famille, s'il a été scolarisé au lycée Le Castel en Bac professionnel Boulanger Pâtissier, a vécu la majeure partie de sa vie au Mali où il a nécessairement conservé des liens. Par suite, le préfet n'a pas porté d'atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de régulariser son séjour en France. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché le refus de le régulariser d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 10 que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écartée.

12. En second lieu aux termes du II, 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien (...) un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ". M. C... ayant fait usage de documents falsifiés, sa situation relevait des dispositions précitées, lesquelles n'ont pas été méconnues.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). "

14. Il résulte du III de l'article L. 511-1 précité que, réserve faite de circonstances humanitaires, l'interdiction de retour est prononcée dès lors que tout délai de départ volontaire a été refusé. Sont, dès lors, sans incidence sur la légalité de l'interdiction de retour prononcée par le préfet de la Côte-d'Or, l'absence de menace d'atteinte à l'ordre public, l'absence de précédente mesure d'éloignement et sa bonne intégration.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au Défenseur des droits et au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.

N° 19LY04177 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04177
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;19ly04177 ?
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