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12/11/2020 | FRANCE | N°20LY00316

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 novembre 2020, 20LY00316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif D... :

- d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé sa destination d'éloignement ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1905996 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif D... a

annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 26 juillet 2019, enjoint au préfet de délivrer à M. B... une c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif D... :

- d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé sa destination d'éloignement ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1905996 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif D... a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 26 juillet 2019, enjoint au préfet de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire " salarié " après remise d'un document provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1905996 du tribunal administratif D... du 17 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre de séjour était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. B... n'a pas démontré ne plus être en contact avec sa famille demeurant dans son pays d'origine ;

- il peut être substitué au motif initial de refus du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 celui tiré de l'absence de caractère réel et sérieux de la formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle.

Par mémoire enregistré le 17 mars 2020, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 5 mai 2001 à Abobo (Côte d'Ivoire), qui déclare être entré en France en juin 2017, a été confié à l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère, en qualité de mineur isolé, d'abord par une ordonnance aux fins de placement provisoire du procureur de la République du tribunal de grande instance D... du 3 août 2017 puis par un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants D... du 23 août 2017. Il a présenté une demande de titre de séjour le 14 mars 2019. Par un arrêté du 26 juillet 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans les trente jours et d'une décision fixant la destination d'éloignement. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif D... a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

4. En premier lieu, en l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de l'Isère, après avoir constaté que l'intéressé avait été confié à l'aide sociale à l'enfance, que l'avis de la structure d'accueil était favorable et qu'il justifiait suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle qualifiante, un CAP Electricien, a retenu un motif tiré de l'existence de fortes attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa demi-soeur.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, en particulier, d'une part, de l'acte de décès de la mère de M. B..., produit en première instance, que ce décès est survenu le 5 mai 2001, à la naissance de l'intéressé, et, d'autre part, de l'acte de décès de son père, produit pour la première fois en appel, que celui-ci est décédé le 10 juin 2013, alors que M. B... était âgé de treize ans, et qu'ainsi, comme l'avait relevé la structure d'accueil dans un rapport en mentionnant son absence de lien avec sa famille en Côte-d'Ivoire, et alors que le préfet de l'Isère ne conteste pas l'authenticité de ces actes d'état-civil, M. B... était orphelin avant de quitter son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait conservé des liens avec sa belle-mère, dont il affirme qu'elle le maltraitait, ni avec sa demi-soeur, et l'existence de liens familiaux en Côte d'Ivoire ne peut, en l'espèce, résulter du seul constat que des actes d'état-civil rédigés après son départ de ce pays lui ont été adressés, alors que M. B... affirme qu'ils lui ont été envoyés par un ami. Dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait fonder la décision de refus de titre de séjour sur le maintien par M. B... de fortes attaches familiales en Côte d'Ivoire.

6. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours contre la décision de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le préfet de l'Isère fait valoir en appel qu'en raison des faibles résultats scolaires obtenus par M. B... au cours de sa formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle qualifiante et qu'il justifiait suivre depuis au moins six mois, le suivi de cette formation ne présentait pas un caractère sérieux pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, en dépit de l'insuffisance des résultats scolaires de l'intimé, essentiellement liés à des difficultés dans la maîtrise de la langue française, qui sont toutefois susceptibles d'évoluer favorablement, les appréciations élogieuses dont a fait l'objet M. B... à la fois de la part de ses enseignants et de ses différents maîtres de stage en entreprise, démontrent le caractère sérieux du suivi de la formation professionnelle de M. B.... Dès lors le préfet de l'Isère, qui, au demeurant, dans la décision en litige, avait pris en compte, au titre de l'appréciation globale de la situation de l'intéressé, la formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle qualifiante, un CAP Electricien, sans relever alors l'absence de sérieux du suivi de cette formation, ne peut soutenir que le motif tiré d'un tel manque de sérieux justifiait légalement la décision de refus de titre de séjour en litige ni, par suite, demander qu'il soit procédé à une substitution de motif.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif D... a annulé son arrêté du 26 juillet 2019 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire.

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me C..., avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et à Me C....

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président-assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

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N° 20LY00316


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 12/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY00316
Numéro NOR : CETATEXT000042543046 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;20ly00316 ?
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