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12/11/2020 | FRANCE | N°19LY04248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 novembre 2020, 19LY04248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pendant un an et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

- d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1901834 du 23 septembre 20

19, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

- d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pendant un an et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence ;

- d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1901834 du 23 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, et des mémoires, enregistrés les 18 août 2020 et 9 octobre 2020, présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901834 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 septembre 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cantal, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a produit des documents de nature à établir sa minorité et qu'il devait bénéficier d'une présomption de minorité sans nécessité de recourir à une expertise osseuse dépourvue de valeur probante ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- l'assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et porte une atteinte manifestement excessive au droit à sa vie privée et familiale, incluant nécessairement son droit à la scolarité.

Par mémoires enregistrés le 11 décembre 2019 et le 27 août 2020, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 novembre 2019, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais qui affirme être né le 12 décembre 2001 à Touba (Sénégal), entré en France, selon ses déclarations, au cours du mois de février 2018, a été confié, par une décision du juge des enfants du 8 août 2018, aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Cantal. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour pendant un an ainsi que de l'arrêté du même jour par lequel cette autorité l'a assigné à résidence.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu (...) qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé (...) ".

3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Cet article dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. M. A..., qui déclare être né le 12 décembre 2001 et a été placé par un jugement en assistance éducative du juge des enfants du tribunal pour enfants C... du 8 août 2018, en tant que mineur étranger isolé, auprès du service de l'aide sociale du département du Cantal, invoque sa minorité à la date de la décision d'obligation de quitter le territoire français en litige. Il a produit notamment un acte de naissance, une carte d'identité Cedeao, une carte consulaire et un certificat de nationalité délivrés par le Consulat du Sénégal à Paris, mentionnant cette date de naissance, ainsi qu'un passeport. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et, notamment, d'un rapport simplifié d'analyse documentaire, rédigé le 5 juillet 2019 par les services de la police aux frontières, que le passeport, délivré le 22 mai 2018, qu'avait présenté M. A... était un document falsifié, à raison, d'une part, de la contrefaçon totale de la page des données biographiques de ce passeport, ainsi, d'autre part, qu'à raison d'une falsification de sa page 2, au niveau de l'adresse, par grattage et réinscription. Le consulat général du Sénégal à Paris, interrogé par la préfecture du Cantal, a d'ailleurs indiqué, le 24 septembre 2009, que le titulaire du passeport portant le numéro de celui présenté par M. A... n'était pas ce dernier. Il résulte d'autres rapports du même jour du service d'analyse documentaire de la police aux frontières que la carte nationale d'identité Cedeao comportait une incohérence concernant la taille de M. A... et un numéro dit personnel différent alors qu'il aurait dû être identique. Enfin, selon ces mêmes rapports, la même suspicion pesait sur la carte d'inscription consulaire, qui ne constitue pas un document d'identité ni d'état-civil mais une attestation d'inscription auprès des autorités consulaires, et le certificat de nationalité sénégalaise, dont seule une copie était produite. Les services documentaires n'ont pu procéder à l'analyse de l'extrait du registre d'état-civil, incomplet et sur support papier ordinaire sans sécurité contrôlable. Si M. A... a produit une attestation du consulat général du Sénégal à Paris du 19 août 2019 mentionnant l'authenticité de ces documents, cette attestation est contredite par le message du 24 septembre 2009 déjà mentionné, selon lequel, si le passeport délivré le 22 mai 2018 l'avait bien été par les autorités sénégalaises, l'identité de son titulaire ne correspondait pas à celle de M. A.... Ce dernier n'apporte ainsi aucun élément permettant de contredire l'analyse documentaire ou de nature à confirmer la réalité de l'âge qu'il prétend avoir, de tels éléments ne pouvant résulter de la seule production, en appel, d'une copie d'un passeport qui lui aurait été délivré le 9 octobre 2019, postérieurement au demeurant à la date de la décision en litige et qui comporte d'ailleurs le même numéro personnel que le précédent passeport dont les autorités sénégalaises avaient indiqué que l'identité de son titulaire ne correspondait pas à celle de M. A....

6. Par suite, M. A..., qui n'établit pas être mineur à la date de la décision qu'il conteste, ne peut se prévaloir des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Pour estimer qu'il y avait lieu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet du Cantal, après avoir pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a considéré que la situation de M. A... dans son ensemble, en l'absence de circonstances humanitaires, et alors qu'il ne justifiait d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, justifiait une mesure d'interdiction du territoire et que la durée de cette interdiction ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et privée. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision en litige, prise au visa de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

9. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.

10. En deuxième lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la mesure est dépourvue de nécessité, doit être écarté pour le motif retenu par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

11. En dernier lieu, l'arrêté en litige assigne M. A... à résidence dans la commune C..., pour une durée de quarante-cinq jours maximum renouvelable une fois, et lui impose de se présenter deux fois par semaine, les lundi et vendredi au commissariat C.... Si M. A..., domicilié dans la commune C..., fait état de sa scolarité au lycée de Murat à compter de la rentrée de septembre 2019, le préfet du Cantal, en l'assignant à résidence dans sa commune de domiciliation pour permettre l'éloignement sans délai de l'intéressé n'a pas pris une mesure disproportionnée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Djebiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

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N° 19LY04248


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL-YERMIA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 12/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY04248
Numéro NOR : CETATEXT000042542996 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;19ly04248 ?
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