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03/11/2020 | FRANCE | N°20LY01464

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 20LY01464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 17 février 2020, par lesquels le préfet du Rhône a, respectivement, décidé sa remise aux autorités néerlandaises et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2001238 du 24 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mai 2020, Mme E..., représentée par Me Zouine, avo

cat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2001238 du 24 février 2020 du magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 17 février 2020, par lesquels le préfet du Rhône a, respectivement, décidé sa remise aux autorités néerlandaises et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2001238 du 24 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mai 2020, Mme E..., représentée par Me Zouine, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2001238 du 24 février 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'entretien a été mené en anglais, langue qu'elle comprend difficilement et différente de celle des brochures remises ; ainsi, le préfet a méconnu les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;

- compte-tenu des décisions qui ont déjà été prises à son encontre par les autorités néerlandaises, elle sera inévitablement éloignée vers la Somalie où elle sera exposée à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans ce pays ; en outre, il n'existe aucune garantie qu'elle puisse bénéficier aux Pays-Bas, d'une prise en charge de son état de santé ; ainsi, le préfet a méconnu les articles 17 et 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés les 13 et 17 août 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- le délai de transfert prenant fin le 24 août 2020, cette mesure ne pourra être exécutée et la France deviendra responsable de la demande d'asile ; l'intéressée a reçu une convocation aux fins de requalification.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme A..., présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante somalienne, est entrée irrégulièrement en France, le 13 octobre 2019. Ayant relevé ses empreintes digitales, le préfet du Rhône a constaté en consultant le fichier Eurodac que l'intéressée avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités néerlandaises. Celles-ci, saisies sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, ont accepté expressément la reprise en charge de l'intéressée le 31 décembre 2019. A la suite de cette procédure, par arrêtés du 17 février 2020, le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités néerlandaises et l'a assignée à résidence. Mme E... relève appel du jugement du 24 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : a) des objectifs du présent règlement (...) b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

3. Il ressort des pièces du dossier que les brochures mentionnées par les dispositions précitées ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile ont été remis à Mme E... le 21 octobre 2019, respectivement en langues anglaise et somali qu'elle a déclaré comprendre. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a bénéficié d'un entretien individuel avec un agent du service chargé de l'asile à la préfecture du Rhône, le 21 octobre 2019. Cet entretien a été mené en anglais, langue que l'intéressée a déclaré comprendre, par une personne du service, qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et il ressort du résumé dudit entretien, que Mme E... a signé, qu'elle a pu exprimer à cette occasion toutes observations utiles. Si l'intéressée fait valoir qu'elle comprend mal l'anglais, en tout état de cause, elle ne fait état d'aucune information qu'elle aurait été privée de faire valoir et qui aurait été susceptible d'avoir une influence sur la décision litigieuse.

6. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ; / (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " et aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 de règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

8. Mme E... fait valoir qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Somalie notamment eu égard à la situation de violences aveugles dans sa région d'origine, et à l'appartenance de son compagnon à la minorité ethnique des Tumal. Elle ajoute que les autorités néerlandaises la renverront inévitablement dans ce pays dès lors qu'elles ont déjà rejeté sa demande d'asile et qu'elles ont prononcé à son encontre une mesure d'éloignement, une interdiction de retour pour une durée de deux années ainsi que son inscription au fichier système d'information Schengen. Toutefois, les documents qu'elle produit ne permettent pas d'établir le caractère définitif des décisions dont elle se prévaut émanant des autorités néerlandaises et qu'elle ne serait pas à même d'exercer un recours effectif à leur encontre. Enfin, l'intéressée n'établit pas qu'elle ne pourrait bénéficier aux Pays-Bas d'une prise en charge adaptée à son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

2

N° 20LY01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01464
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-03;20ly01464 ?
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