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03/11/2020 | FRANCE | N°19LY02185

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 novembre 2020, 19LY02185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire du 20 juillet 2018 lui ayant refusé le paiement d'heures supplémentaires effectuées dans le cadre de ses fonctions de directeur d'école pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2018 et de condamner l'Etat à lui verser ses heures supplémentaires impayées, soit 10 990,08 euros brut ainsi que des dommages et intérêts du même montant.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire du 20 juillet 2018 lui ayant refusé le paiement d'heures supplémentaires effectuées dans le cadre de ses fonctions de directeur d'école pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2018 et de condamner l'Etat à lui verser ses heures supplémentaires impayées, soit 10 990,08 euros brut ainsi que des dommages et intérêts du même montant.

Par un jugement n°1802237 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 juin 2019, 17 mars 2020 et 9 juillet 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2018 ainsi que la décision susvisée du 20 juillet 2018 ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser la somme de 10 990,08 euros au titre de la rémunération dont il a été illégalement privé, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018 ainsi que leur capitalisation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de verser les cotisations patronales et salariales y afférentes dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018 et de leur capitalisation ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 990,08 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2018 et de leur capitalisation ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le second mémoire produit par le recteur le 26 octobre 2018 qui a été communiqué au requérant ;

- l'obligation de présence de 3 heures supplémentaires qui pesait sur lui résulte des missions confiées au directeur d'école par les articles 2 à 4 du décret n°89-122 du 24 février 1989 et constitue une obligation de service alors qu'il n'était tenu qu'à une obligation d'enseignement de 24 heures en vertu de l'article 1er du décret n°2008-775 du 30 juillet 2008 ;

- il a assumé les fonctions de directeur d'école pendant 4 ans à raison de 27 heures hebdomadaires au lieu des 24 heures prévues par la réglementation soit un total de 432 heures supplémentaires sur la période de 4 ans où il a été directeur d'école ;

- il appartenait à l'Etat de mettre en place un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'union Européenne (CJUE) dans un arrêt du 14 mai 2019 (aff. C-55-18) et d'apporter la preuve du temps de travail effectué, à défaut de quoi l'appelant serait privé de son droit à un recours effectif et des droits qu'il tire de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- l'indemnité prévue par le décret n°83-644 du 8 juillet 1983 n'est pas destinée à couvrir les heures supplémentaires qu'il a effectuées ;

- la décision par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire a modifié les horaires d'ouverture de l'école est illégale ;

- l'absence de rémunération pour service fait et le refus opposé à sa demande par la décision en litige constituent des illégalités engageant la responsabilité de l'Etat pour faute ;

- il a droit au versement d'une somme de 10 990,08 euros au titre de la rémunération non perçue ainsi qu'une somme de 5000 euros au titre des préjudices subis.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 juin 2020 et 31 juillet 2020 (non communiqué), le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 10 juillet 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 31 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école ;

- le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

- le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré ;

- le décret n° 2017-444 du 29 mars 2017 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants du premier degré ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., alors professeur des écoles, a exercé du 1er septembre 2014 au 31 août 2018, date de son départ à la retraite, les fonctions de directeur de l'école primaire Marcel Pagnol à Mâcon. Il a bénéficié durant toute cette période d'une décharge totale de service d'enseignement pour se consacrer entièrement à sa fonction de directeur. Par une décision du 20 juillet 2018, le directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire lui a refusé, suite à sa demande, le paiement d'heures supplémentaires effectuées dans le cadre de ses fonctions de direction pour ladite période, évalué par l'intéressé à la somme de 10 990,08 euros brut, et a rejeté sa demande tendant au versement d'une somme équivalente à titre indemnitaire. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 20 juillet 2018 ainsi que ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) "

3. S'il ressort des pièces versées au dossier que le jugement attaqué ne mentionne pas le mémoire enregistré le 4 décembre 2018 produit par le recteur de l'académie de Bourgogne Franche-Comté, ce mémoire, auquel les motifs du jugement n'ont pas répondu, se bornait à opposer l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 20 juillet 2018 qui n'était pas expressément soulevé par M. C... dans son mémoire en réplique du 3 décembre 2018. Dans ces conditions, ce moyen n'étant pas articulé, la fin de non-recevoir soulevée par le recteur dans son mémoire à l'encontre de celui-ci était inopérante. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école susvisé : " La direction des écoles maternelles et élémentaires de deux classes et plus est assurée par un directeur d'école appartenant au corps des instituteurs ou au corps des professeurs des écoles, nommé dans cet emploi dans les conditions fixées par le présent décret. / L'instituteur ou le professeur des écoles nommé dans l'emploi de directeur d'école peut être déchargé totalement ou partiellement d'enseignement dans les conditions fixées par le ministre chargé de l'éducation nationale. (...) ". L'article 2 de ce décret précise notamment que le directeur d'école " veille à la bonne marche de l'école et au respect de la réglementation qui lui est applicable ", l'article 3 qu'il " assure la coordination nécessaire entre les maîtres et anime l'équipe pédagogique " et l'article 4 qu'il " est l'interlocuteur des autorités locales ".

5. En outre, l'article 1er du décret du 30 juillet 2008 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du premier degré prévoyait dans sa rédaction applicable que " Dans le cadre de leurs obligations de service, les personnels enseignants du premier degré consacrent, d'une part, vingt-quatre heures hebdomadaires d'enseignement à tous les élèves et, d'autre part, trois heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit cent huit heures annuelles, aux activités définies à l'article 2. " L'article 1er du décret n°2000-815 du 25 août 2000 susvisé prévoit que : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) "

6. D'une part, au cours des années scolaires 2014/2015 à 2017/2018, M. C... était soumis à une obligation d'enseignement de 24 heures hebdomadaires dont il était entièrement déchargé en raison de ses fonctions de directeur d'école en vertu de l'article 1er du décret n° 89-122 du 24 février 1989 susvisé. Il est constant que, durant ces années, l'amplitude horaire d'ouverture de l'école dont il était directeur était de 27 heures hebdomadaires. M. C... était présent à l'école durant toute cette durée d'ouverture. Toutefois, contrairement à ce qu'il soutient, la durée de 24 heures hebdomadaires visée ci-dessus s'entend de la seule obligation d'enseignement à laquelle est tenue tout professeur des écoles et qui ne se confond pas avec son obligation de service laquelle inclut également un temps consacré aux tâches que celui-ci effectue en dehors de ces heures d'enseignement et qui en constituent le prolongement. En outre, les professeurs des écoles et les directeurs d'école relèvent, s'agissant de la durée hebdomadaire de service, des dispositions de droit commun de la fonction publique de l'État définies à l'article 1er du décret n°2000-815 du 25 août 2000 susvisé, à savoir une durée du travail effectif fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services publics administratifs de l'Etat dans la limite d'un décompte annuel de 1 607 heures maximum. Si les obligations de directeur d'école, telles qu'elles résultent du décret n° 89-122 du 24 février 1989, incluent des obligations de présence dans l'établissement, cette obligation de présence de 27 heures dans le cas de M. C..., induite par les fonctions mêmes exercées, s'inscrivent dans le cadre des obligations de service qui étaient les siennes et dans la limite du temps de travail effectif visé à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé. Par suite, M. C... ne saurait se prévaloir d'heures supplémentaires effectuées au-delà des 24 heures susvisées. Il a en outre bénéficié d'une indemnité de sujétions spéciales pour compenser les sujétions liées à ses fonctions de directeur d'école prévue par les dispositions du décret n°83-644 du 8 juillet 1983.

7. D'autre part, M. C... ne saurait en tout état de cause se prévaloir des objectifs de la directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de l'interprétation qui en a été donnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne dès lors que sa situation était régie par les dispositions du décret n°2000-815 du 25 août 2000 susvisé et son temps de travail encadré et limité à trente-cinq heures hebdomadaires. Il n'établit pas qu'il aurait effectué des heures supplémentaires au-delà de cette durée hebdomadaire. S'il soutient que la décision par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire a modifié les horaires d'ouverture de l'école est illégale, une telle décision n'est pas en litige et n'a aucune incidence sur les obligations de service de M. C... telles que rappelées ci-dessus. Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions précitées que le directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire a rejeté la demande de M. C... tendant au paiement d'heures supplémentaires effectuées au cours de la période en cause.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 20 juillet 2018 prise par le directeur académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation et les conclusions qu'il présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2020.

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N°19LY02185

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02185
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SAUMET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-03;19ly02185 ?
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