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22/10/2020 | FRANCE | N°19LY04285

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 octobre 2020, 19LY04285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Roanne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 du préfet de la Loire portant versement du concours particulier de la dotation générale de décentralisation destinée à compenser les dépenses des services communaux d'hygiène et de santé pour l'exercice 2017.

Par un jugement n° 1800582 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 novembre

2019, la commune de Roanne, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Roanne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 du préfet de la Loire portant versement du concours particulier de la dotation générale de décentralisation destinée à compenser les dépenses des services communaux d'hygiène et de santé pour l'exercice 2017.

Par un jugement n° 1800582 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, la commune de Roanne, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 28 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 9 septembre 1985, toujours mis en oeuvre, ne permet plus de définir un montant de dotation générale de décentralisation correspondant à la réalité des charges de son service d'hygiène et de santé ;

- cette méthode de calcul méconnaît le principe d'égalité entre les communes en charge d'un tel service dans le département de la Loire.

Par un mémoire distinct, enregistré sous le même numéro le 10 juin 2020, la commune de Roanne, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes, demande à la cour, sur le fondement de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

Elle soutient que :

- les dispositions contestées en ce qu'elles prévoient le gel de la dotation générale de décentralisation et qu'elles se bornent à exiger, à la date du transfert de compétences, une compensation correspondant au montant alors alloué par l'Etat, sont contraires au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ;

- ces dispositions, qui sont applicables au litige, n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution et la question soulevée n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Par deux mémoires, enregistrés le 26 septembre 2020, la commune de Saint-Etienne, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Roanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les règles de compensation financière énoncées à l'article 72-2 de la Constitution ne s'appliquent qu'aux transferts, créations et extensions de compétences postérieurs à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ; en tout état de cause, cette compensation n'ouvre pas droit à un dédommagement intégral et " glissant " des charges induites dans les budgets locaux par les compétences transférées ; la dotation générale de décentralisation n'a pas vocation à être réévaluée depuis 2009 dès lors que les moyens dévolus aux collectivités territoriales sont préservés ;

- la requête d'appel n'est pas motivée et est donc irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont en tout état de cause pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre de l'intérieur et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

- la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;

- la loi n° 96-142 du 21 février 1996 ;

- la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 ;

- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011

- le décret n° 84-1105 du 10 décembre 1984 ;

- l'arrêté du 9 septembre 1985 fixant le montant des charges et des ressources transférées aux communes au titre des bureaux municipaux d'hygiène.

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Roanne et celles de Me A..., représentant la commune de Saint-Etienne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la commune de Roanne tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2017 du préfet de la Loire portant versement de la dotation générale de décentralisation destinée à compenser les dépenses des services communaux d'hygiène et de santé pour l'exercice 2017. La commune de Roanne relève appel de ce jugement.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et, que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise qu'" En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) ".

3. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1422-1 du code de la santé publique : " Les services communaux d'hygiène et de santé qui, à la date d'entrée en vigueur de la section 4 du titre II de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, exercent effectivement des attributions en matière de vaccination ou de désinfection ainsi qu'en matière de contrôle administratif et technique des règles d'hygiène continuent d'exercer ces attributions par dérogation aux articles 38 et 49 de ladite loi. A ce titre, les communes dont relèvent ces services communaux d'hygiène et de santé reçoivent la dotation générale de décentralisation correspondante dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales. " Aux termes de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées. / La dotation générale de décentralisation mentionnée à l'article L. 1614-4 et les crédits prévus aux 1° et 2° de l'article L. 4332-1 n'évoluent pas à compter de 2009. "

4. En premier lieu, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 1614-1 précitées, en tant qu'elles prévoient que la compensation financière par l'Etat des transferts de compétences est équivalente aux charges existantes à la date de ce transfert, figuraient déjà à l'article 102 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et ont été codifiées par la loi du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales. Ainsi, ces dispositions ont été adoptées à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, qui a inséré l'article 72-2 dans la Constitution. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que le législateur aurait méconnu les conditions auxquelles cet article subordonne les transferts de compétences aux collectivités territoriales ou les créations ou extensions de compétences ayant pour conséquence d'augmenter leurs dépenses.

5. En second lieu, aux termes de l'article 72-2 de la Constitution : " Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. (...) Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. (...) ".

6. La commune de Roanne soutient que le second alinéa de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 30 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, en tant qu'il prévoit le gel de la dotation générale de décentralisation à compter de 2009, méconnaît les dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dès lors qu'il implique nécessairement depuis cette date, une diminution, en euros constants, du niveau des ressources communales provenant de la dotation générale de décentralisation servant au financement des services communaux d'hygiène et de santé. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite du transfert de compétence visé par le dernier alinéa de l'article L. 1422-1, en 1984, date à laquelle sont constatées les charges devant être compensées par l'Etat, les ressources attribuées aux communes se seraient dégradées en valeur absolue et que le niveau de ces ressources, en 2017, n'aurait pas été équivalent à celui consacré à l'exercice de cette compétence avant son transfert.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Roanne.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. L'article 1er du décret du 10 décembre 1984 relatif aux modalités de compensation des charges transférées aux communes au titre des bureaux municipaux d'hygiène prévoit que les crédits inscrits au budget de l'Etat au titre de la dotation générale de décentralisation et destinés à compenser les dépenses de ces bureaux municipaux, devenus services communaux d'hygiène et de santé, qui exerçaient à la date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 1983 visée ci-dessus, des attributions en matière de vaccination ou de désinfection ainsi qu'en matière de contrôle administratif et technique des règles d'hygiène sont répartis entre les communes intéressées proportionnellement à la moyenne des crédits attribués à ce titre en 1981, 1982 et 1983 à chacune d'entre elles. L'arrêté du 9 septembre 1985 visé ci-dessus fixe le montant de ces charges financières et la répartition de la dotation générale de décentralisation entre les 208 communes concernées. S'agissant du département de la Loire, la somme de 235 458 francs a été attribuée à la commune de Roanne et celle de 4 239 864 francs à la commune de Saint-Etienne, soit respectivement 5,26 et 97,74 % de l'enveloppe départementale au titre de l'exercice 1984.

9. Au titre de l'exercice 2017, les crédits départementaux dus au titre du concours particulier de la dotation générale de décentralisation destiné à compenser les dépenses des services communaux d'hygiène et de santé ont été fixés à 1 547 112 euros que le préfet de la Loire a répartis entre les communes de Roanne et de Saint-Etienne conformément à la clé de répartition appliquée dans l'arrêté du 9 septembre 1985, soit les montants de 81 378,10 euros à la commune de Roanne et de 1 465 733,90 euros à la commune de Saint-Etienne.

10. En premier lieu, la commune de Roanne soutient que cette répartition, en vigueur depuis 1985, ne permet pas de définir un montant de dotation correspondant à la réalité des charges qu'elle supporte au titre de son service d'hygiène et de santé. Toutefois, l'article L. 1614-1 précité du code général des collectivités territoriales prévoit seulement que les ressources qui doivent être transférées en contrepartie de nouvelles charges doivent être équivalentes aux dépenses qui étaient celles constatées à la date du transfert, sans considération pour l'évolution ultérieure de ces dépenses qui résulterait, en particulier, d'un choix de la commune de développer ou de diversifier les missions de son service.

11. En second lieu, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, la dotation générale de décentralisation, citée par l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales, destinée à compenser les dépenses des services communaux d'hygiène et de santé n'a pas vocation à financer les missions non concernées par le transfert de compétence décidé en 1984. Ainsi, la commune de Roanne ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait décidé de diversifier les missions de son service et de revaloriser son budget de fonctionnement. Elle ne peut pas davantage utilement se prévaloir de ce que la commune de Saint-Etienne aurait, contrairement à elle, décidé de réduire ses charges de personnel et de recentrer ses missions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre ces deux communes ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Roanne n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2019.

13. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Roanne.

Article 2 : La requête de la commune de Roanne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Etienne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roanne, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

2

N° 19LY04285


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions financières - Compensation des transferts de compétences - Dotation générale de décentralisation.

Procédure.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 22/10/2020
Date de l'import : 07/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY04285
Numéro NOR : CETATEXT000042481174 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-22;19ly04285 ?
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