La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2020 | FRANCE | N°20LY00169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 octobre 2020, 20LY00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 par lequel la préfète de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1903121 du 11 décembre 2019, sur renvoi de la cour administrative d'appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A....

Pro

cédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2020, M. B... A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 par lequel la préfète de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant deux ans.

Par un jugement n° 1903121 du 11 décembre 2019, sur renvoi de la cour administrative d'appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 ;

2°) d'annuler le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire de la préfète de la Nièvre du 18 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête en première instance était recevable ;

S'agissant du refus de séjour :

- il justifie de son identité et de sa minorité par les pièces qu'il a présentées, dont une carte d'identité consulaire et un passeport, que l'administration ne peut écarter sur les seuls rapports concluant à leur défaut d'authenticité ;

- intégré et titulaire d'un contrat d'apprentissage, il établit mener une vie privée et familiale en France protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa minorité fait obstacle à une mesure d'éloignement ;

- par suite de l'illégalité du refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire est illégale ;

- la mesure d'éloignement viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, la préfète de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une décision du 4 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a déclaré caduque la demande d'aide juridictionnelle de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France le 15 mars 2017. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 4 mai 2017. Par un arrêté du 18 janvier 2019, la préfète de la Nièvre a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité en son nom le 26 juin 2018, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. M. A... doit être regardé comme relevant appel du jugement, annexé à sa requête, du 11 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon, sur renvoi de la cour, a rejeté sa demande et sollicite l'annulation du refus de séjour, de l'obligation de quitter le territoire et de l'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur la légalité des décisions de la préfète de la Nièvre du 18 janvier 2019 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "

3. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

4. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

6. Pour refuser à M. A..., qui allègue être né le 8 février 2001, la délivrance d'un titre de séjour d'étudiant par la voie de la régularisation, la préfète de la Nièvre a opposé à l'intéressé, à la date à laquelle il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, le défaut de caractère probant de sa minorité des documents qu'il a produit à l'appui de sa demande.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par un rapport d'examen technique documentaire, du 8 janvier 2019, sur un acte de naissance n° 196 du 16 février 2001, une photocopie d'un extrait d'acte de naissance de même date, et une carte d'identité consulaire n° 003208/CG/18 du 1er mars 2018, la police aux frontières a conclu que les documents d'état civil produits par l'intéressé, et sur la base desquels lui ont été délivrés la carte consulaire et un passeport produit à l'instance, étaient hautement suspects et n'établissaient ainsi pas la date de naissance de M. A.... L'examen a montré que l'acte de naissance, au cachet humide partiellement illisible, comporte une surcharge sur la date de naissance et de nombreuses irrégularités et incohérences dans sa rédaction, tandis que l'extrait d'acte de naissance pourrait avoir été délivré le 28 novembre 2016 au lieu du 16 février 2001, alors que les deux documents manuscrits ont été rédigés de la même main. La carte consulaire, en tout état de cause délivrée sur la base des deux premiers documents, présente une anomalie d'impression, une surimpression qui pourrait provenir d'une autre carte ayant déteint sur le document, et les timbres fiscaux y sont apposés d'une manière qui neutralise la sécurisation de la photographie. En se bornant à soutenir que la délivrance, par les autorités consulaires maliennes, du passeport et de la carte consulaire, dont l'authenticité est expressément contestée par la préfète contrairement à ses affirmations, valideraient les documents d'état civil présentés pour leur obtention, le requérant ne critique pas sérieusement les éléments produits par la préfète pour retenir l'existence d'une fraude et en tirer l'absence de preuve de sa minorité lors de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et à la date d'intervention des décisions en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établissait pas sa minorité à l'appui de la demande, faite en son nom, de régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

10. Compte tenu notamment des conditions et de la faible durée du séjour en France de M. A..., qui n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, et nonobstant sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance prolongée par un contrat d'apprentissage, eu égard aux buts poursuivis par l'auteur du refus de titre de séjour en litige, ce dernier ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, à supposer le moyen invoqué, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 7, M. A... n'établit pas sa minorité à la date, à laquelle s'apprécie sa légalité, de l'obligation de quitter le territoire en litige. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles font obstacle à l'éloignement des seuls mineurs.

13. Par les mêmes motifs qu'au point 10 ci-dessus, M. A..., dont il ressort au surplus des pièces du dossier qu'il a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions en litige, et à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de M. A... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

N° 20LY00169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00169
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP BON - DE SAULCE LATOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-15;20ly00169 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award