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15/10/2020 | FRANCE | N°19LY04482

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 octobre 2020, 19LY04482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 2 octobre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 1907615 du 7 octobre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
>Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 2 octobre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois.

Par jugement n° 1907615 du 7 octobre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2019 ainsi que les décisions du 2 octobre 2019 prises par le préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet, d'une part, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, d'effacer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois méconnaît les dispositions du III de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et constitue une mesure disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 16 septembre 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 27 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 19 octobre 1980, déclare être entré en France en 2015. Sa demande d'asile a été rejetée définitivement par la Cour nationale du droit d'asile le 31 août 2016. M. C... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement par arrêté du préfet de l'Isère, le 31 octobre 2016. Par décisions du 2 octobre 2019, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et lui a interdit tout retour sur ce territoire pendant dix-huit mois. M. C... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces dernières décisions.

Sur les conclusions à fins d'annulation et d'injonction, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 5114 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition établi le 2 octobre 2019 par les services de police, que M. C... a indiqué souffrir de problèmes psychiatriques et psychiques, être handicapé de la main gauche et avoir été opéré en France. Il a également fait état, lors de l'évaluation de son état de vulnérabilité, d'un suivi médical pour des problèmes psychiatriques et psychiques et des troubles de l'audition et a remis les documents attestant du traitement qui lui était prescrit à l'officier de police judiciaire. Les éléments suffisamment précis fournis par M. C... révélaient que ce dernier était susceptible d'entrer dans la catégorie d'étrangers qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. En s'abstenant de consulter le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de permettre à l'intéressé de produire le certificat médical de son médecin, le préfet du Rhône a négligé d'user des pouvoirs d'instruction que lui attribuent les dispositions précitées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 2 octobre 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et lui a interdit tout retour sur ce territoire pendant dix-huit mois. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé ainsi que la décision précitée.

6. D'une part, le motif d'annulation de la mesure d'éloignement en litige implique nécessairement au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le préfet du Rhône réexamine la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour.

7. D'autre part, le présent arrêt implique que soit enjoint au préfet du Rhône de s'assurer sans délai de l'effacement du signalement de l'appelant aux fins de nonadmission dans le système d'information Schengen.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à Me A..., sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907615 du 7 octobre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les décisions prises le 2 octobre 2019 par le préfet du Rhône à l'encontre de M. C... sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et après lui avoir remis sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Rhône de s'assurer sans délai de l'effacement du signalement de M. C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à Me A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

2

N° 19LY04482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04482
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-15;19ly04482 ?
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