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08/10/2020 | FRANCE | N°18LY02736

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 08 octobre 2020, 18LY02736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du Centre hospitalier Alpes Léman a refusé de la placer en congé de longue maladie, du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 7 mai 2014 ;

2°) d'enjoindre au directeur du Centre hospitalier Alpes Léman de réexaminer sa situation, sous astreinte journalière de 200 euros ;

3°) de condamner le Centre hospitalier Alpes Léman à l

'indemniser de l'ensemble de ses préjudices évalués à la somme de 50 000 euros.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du Centre hospitalier Alpes Léman a refusé de la placer en congé de longue maladie, du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 7 mai 2014 ;

2°) d'enjoindre au directeur du Centre hospitalier Alpes Léman de réexaminer sa situation, sous astreinte journalière de 200 euros ;

3°) de condamner le Centre hospitalier Alpes Léman à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices évalués à la somme de 50 000 euros.

Par un jugement n° 1605809 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet 2018 et 8 novembre 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) d'enjoindre au directeur du Centre hospitalier Alpes Léman de réexaminer sa situation, sous astreinte journalière de 200 euros ;

3°) de condamner le Centre hospitalier Alpes Léman à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices évalués à la somme de 50 000 euros.

4°) de mettre à la charge du Centre hospitalier Alpes Léman une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle devait bénéficier d'un placement en congé de longue durée en vertu des dispositions du 4° de l'article 41 de la même loi dès lors que sa pathologie complexe, dont elle était atteinte, dans la période de 7 mai 2013 au 6 mai 2014, s'apparente à un déficit immunitaire acquis ;

- elle a justifié de ses préjudices.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 août et 26 novembre 2019, le Centre hospitalier Alpes Léman, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour le Centre hospitalier Alpes Léman ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., aide-soignante titulaire affectée au Centre hospitalier Alpes Léman, a été placée en congé de maladie ordinaire du 7 mai 2013 au 6 mai 2014 puis, par un arrêté du 24 juin 2014, en disponibilité d'office du 7 mai 2014 au 30 septembre 2014. Par un recours gracieux du 15 juin 2016, elle a demandé au directeur du centre hospitalier Alpes Léman de la placer en congé de longue maladie du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis à compter du 7 mai 2014 en congé de longue durée. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 qui a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation la décision implicite du directeur du centre hospitalier rejetant son recours gracieux, et d'autre part, à l'indemnisation de son préjudice matériel tiré des rémunérations et droits à retraite dont elle a été privée pendant la période litigieuse et de son préjudice moral.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Le Centre hospitalier Alpes Léman soutient que la demande de première instance présentée par Mme E... serait irrecevable, aux motifs que la demande présentée serait identique à celle effectuée le 11 avril 2014, laquelle a été rejetée par décision du 28 avril 2014 qui aurait acquis un caractère définitif. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la décision du 28 avril 2014, l'état de santé de Mme E... a connu une évolution réelle et certaine, notamment en ce qui concerne le diagnostic de la maladie de l'intéressée, qui a entraîné une modification des circonstances de fait dans laquelle la décision implicite de rejet critiquée est née le 16 août 2016. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant le caractère d'une décision purement confirmative de la décision du 28 avril 2014. Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme E... devant le tribunal administratif et la requête présentée devant la cour administrative d'appel sont recevables.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis (...). Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie, le congé ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...).

4. Mme E... a sollicité le 11 avril 2014 l'octroi d'un congé longue maladie. Le 16 avril 2014, le comité médical a toutefois rendu un avis défavorable à l'octroi d'un tel congé à compter du 7 mai 2013 au motif que " la pathologie présentée n'entre pas dans le cadre d'un congé de longue maladie ". Le comité médical a rendu un second avis le 21 mai 2014, également défavorable à l'octroi d'un congé de longue maladie. Le Comité médical supérieur a aussi donné un avis défavorable au congé de longue maladie, et a estimé que l'avis de reprise à plein temps à compter du 21 mai 2014 était justifié.

5. Le centre hospitalier Alpes Léman fait valoir qu'il a refusé, par décision implicite, de placer Mme E... en congé de longue maladie, du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 7 mai 2014, au motif que l'intéressée n'était pas dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et que la gravité de son affection n'était pas établie. Toutefois, le médecin du travail, dans ses certificats du 2 décembre 2013, du 23 juin 2014, et du 1er septembre 2014 a indiqué que l'état de santé de Mme E... ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle. En outre, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office en raison de son état de santé à compter du 7 mai 2014. Mme E... produit également deux certificats médicaux, l'un du chef de service de médecine interne et vasculaire des HCL du 15 juin 2015 et le second du 1er juillet 2014, d'un praticien hospitalier du centre hospitalier d'Aix-les-Bains qui atteste qu'elle souffre de rhumatisme inflammatoire satellite d'un Gougerot Sjören, qui est une pseudo polyarthrite rhizomélique qui s'accompagne d'un handicap important et qui nécessite un placement en congé longue maladie. Ces deux certificats médicaux, qui révèlent un état antérieur, infirment le certificat de Dr Verdan Roulet du 2 juillet 2014, lequel écarte le diagnostic de pseudo polyarthrite rhizomélique. Au surplus, le certificat du Dr Duplan, chef de service de rhumatologie du centre hospitalier Métropole Savoie du 31 août 2018 précise que " les difficultés à établir le diagnostic, les variations d'efficacité des traitements, la difficulté à équilibrer le traitement devant le tableau atypique de la patiente ont placé celle-ci dans une incapacité totale d'exercer ses fonctions d'aide-soignante jusqu'au 7 octobre 2018. ".

6. Il résulte de ces éléments que l'état de santé de Mme E..., à compter du 7 mai 2013, justifiait qu'elle soit placée en congé de longue maladie puis en congé longue durée. Ainsi, la décision implicite par laquelle le directeur du Centre hospitalier Alpes Léman a refusé de la placer en congé de longue maladie, du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 7 mai 2014 doit être annulée. Par suite, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Grenoble a rejeté sa demande d'annulation.

En ce qui concerne les conclusions tendant à indemnisation :

7. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision refusant de placer la requérante en congé de longue maladie à compter du 7 mai 2013, implique qu'il soit enjoint au centre hospitalier Alpes Léman d'accorder à Mme E... le bénéfice de ce congé à compter de cette date, puis un congé de longue durée et de reconstituer sa carrière en conséquence. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au Centre hospitalier Alpes Léman de prendre ces mesures d'exécution, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. L'exécution de l'arrêt rend sans objet la demande de réparation de la requérante relative à son préjudice financier.

8. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante en le fixant à un montant de 2 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le Centre hospitalier Alpes Léman à l'occasion du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre hospitalier Alpes Léman le paiement à Mme E... d'une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605809 du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le directeur du Centre hospitalier Alpes Léman a refusé de placer Mme E... en congé de longue maladie, du 7 mai 2013 au 6 mai 2014, puis en congé de longue durée à compter du 7 mai 2014 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au Centre hospitalier Alpes Léman d'accorder à Mme E... le bénéfice du congé de longue maladie à compter du 7 mai 2013, puis un congé de longue durée et de reconstituer sa carrière en conséquence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le Centre hospitalier Alpes Léman est condamné à verser à Mme E... la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.

Article 5 : Le Centre hospitalier Alpes Léman versera la somme de 2 000 euros à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de Mme E... est rejeté.

Article 7 : Les conclusions du Centre hospitalier Alpes Léman tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et au Centre hospitalier Alpes Léman.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 octobre 2020.

2

N° 18LY02736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02736
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-08;18ly02736 ?
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