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06/10/2020 | FRANCE | N°19LY04084

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 19LY04084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 22 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1904083 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2019, M. B..., représenté

par Me C... (E... BS2A Bescou et Sabatier associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 22 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1904083 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2019, M. B..., représenté par Me C... (E... BS2A Bescou et Sabatier associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 22 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet du Rhône n'a pas précédé cette décision d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreurs de fait, en mentionnant qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît le 1°, le 3°a et le 3°f du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour pour une période de deux ans :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.

La clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2020 par une ordonnance du 10 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... H..., première conseillère,

- et les observations de Me Hmaida, avocat, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 4 janvier 1981, relève appel du jugement du 14 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 22 mai 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet du Rhône a, contrairement à ce que prétend M. B..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs de droit ou de fait dont cet examen serait entaché.

3. En deuxième lieu, si M. B... se prévaut du titre de séjour qui lui a été délivré par les autorités italiennes, le seul titre qu'il produit était expiré depuis le mois d'avril 2014. Ne démontrant pas la date de son entrée sur le territoire français, il n'établit pas y être entré au cours de la période de validité de ce titre. Par suite, M. B..., qui était par ailleurs dépourvu de visa et de titre de séjour au jour de la décision en litige, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'erreurs de fait et de droit, en se fondant sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire français pour lui faire obligation de quitter le territoire français.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. Si M. B... prétend résider habituellement en France depuis le mois de janvier 2011, il n'établit toutefois pas la continuité de son séjour sur le territoire français par les pièces qu'il produit, peu nombreuses au titre des années 2011 à 2014. En tout état de cause, âgé de 38 ans à la date de la décision litigieuse, M. B... a ainsi vécu l'essentiel de son existence hors de France. Par ailleurs, il est constant qu'il n'entretient plus de communauté de vie avec la ressortissante française qu'il a épousée au mois de juillet 2016 et qu'aucun enfant n'est né de leur relation. Il ne se prévaut ainsi d'aucune attache privée ou familiale particulière en France et ne démontre pas en être dépourvu dans son pays d'origine. Enfin, il ne conteste pas être défavorablement connu des services de police pour des faits de violence, appels malveillants et menaces de mort et qu'il a été incarcéré pendant près d'un an pour des faits de séquestration et agression sexuelle. Dans ces conditions, nonobstant la mesure de semi-liberté dont il a bénéficié en novembre 2018 et l'activité professionnelle dont il se prévaut, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit.

6. En dernier lieu, cette décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, comme il a été indiqué ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

9. Comme indiqué au point 3 du présent arrêt, M. B... ne démontre pas être entré régulièrement sur le territoire français. En revanche, et contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse, M. B... établit avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. M. B... est ainsi fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait et qu'elle méconnaît le 3° a) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Par ailleurs, M. B... disposant d'un passeport en cours de validité et justifiant d'une résidence effective et stable sur le territoire français depuis le mois de décembre 2018, il est fondé à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu le 3° f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il ne justifiait pas de garanties de représentation suffisantes.

11. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 5 du présent arrêt, M. B... ne conteste pas être défavorablement connu des services de police pour des faits de violence, appels malveillants et menaces de mort et qu'il a été incarcéré pendant près d'un an pour des faits de séquestration et agression sexuelle. Il ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir de la circulaire du 16 août 2019 sur l'amélioration du suivi des étrangers incarcérés, laquelle est dépourvue de portée réglementaire. Ainsi, et alors même qu'il a bénéficié d'une mesure de semi-liberté en novembre 2018 et que l'infraction qui a justifié son interpellation le 21 mai 2019 n'était finalement pas constituée, le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître le 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, considérer que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et refuser, pour ce motif, de lui accorder un délai de départ volontaire.

12. Il résulte de l'instruction que le préfet du Rhône aurait, pour ce seul motif, pris la même décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

13. Comme il a été dit ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans :

14. En premier lieu, et ainsi qu'il a été indiqué plus haut, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

15. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

16. Comme indiqué au point 5 du présent arrêt, M. B..., qui a vécu l'essentiel de son existence hors de France, n'établit pas y résider habituellement depuis le mois de janvier 2011 ainsi qu'il le prétend. Par ailleurs, il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale particulière en France et ne démontre pas en être dépourvu dans son pays d'origine. Il ne conteste pas être défavorablement connu des services de police pour les faits exposés au point 5. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'il avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 4 avril 2012. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ordonnant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme G... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme F... H..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 octobre 2020.

2

N° 19LY04084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04084
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-06;19ly04084 ?
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