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01/10/2020 | FRANCE | N°19LY04100

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 01 octobre 2020, 19LY04100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement au système d'information Schengen.

Par jugement n° 1906491 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement au système d'information Schengen.

Par jugement n° 1906491 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 novembre 2019, M. B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement au système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il a exécuté l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée le 29 septembre 2019 et il n'entend pas relever appel du jugement concernant cette décision ;

- l'interdiction de retour d'une durée de deux années n'est pas justifiée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il présente des circonstances humanitaires compte tenu de sa relation avec Mme C..., de nationalité française et avec laquelle il s'est marié postérieurement à la décision en litige ; cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

Par mémoire enregistré le 18 août 2020, le préfet de la Haute-Savoie conclut au non-lieu à statuer sur la requête de M. D... et au rejet des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a été fait droit à la demande de M. D... tendant à l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, par un arrêté notifié à l'intéressé le 22 juin 2020.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant du Kosovo né le 11 mars 1993, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 26 août 2015 en vue de demander l'asile. Suite à son interpellation le 29 septembre 2019, le préfet de la Haute-Savoie a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à abroger l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

3. Or, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 19 juin 2020 notifié à l'intéressé, le préfet de la Haute-Savoie a abrogé l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de M. D... le 29 septembre 2019. Toutefois, à la date du présent arrêt, l'abrogation de l'interdiction de retour opposée à M. D... n'a pas acquis un caractère définitif. L'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Haute-Savoie doit dès lors être écartée.

Sur le bien-fondé de la demande :

4. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2015 et a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement avec délai de départ volontaire en 2017 qu'il n'a pas exécutée. S'il affirme qu'il a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé, il n'a jamais fait état, avant son interpellation du 29 septembre 2019, de ses attaches privées sur le territoire français et notamment de sa relation avec Mme C..., ressortissante française. Par ailleurs, à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé ne démontre par l'ancienneté et la stabilité de la relation ainsi alléguée. Par suite, et alors même que la présence de M. D... sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public, compte tenu des éléments précités, il n'est pas fondé à soutenir que sa situation personnelle constituerait une circonstance humanitaire faisant obstacle à l'interdiction de retour en litige.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. D... dispose de plusieurs membres de sa famille dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et en l'absence de circonstances particulières, eu égard à la situation précédemment exposée, le préfet de la Haute-Savoie en prononçant une interdiction de retour en litige pour une durée de deux années n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

N° 19LY04100 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 01/10/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY04100
Numéro NOR : CETATEXT000042409524 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-01;19ly04100 ?
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