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01/10/2020 | FRANCE | N°19LY01314

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 01 octobre 2020, 19LY01314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) l'a licenciée ainsi que de condamner l'ANACT à lui verser les sommes de 24 600 euros en indemnisation du caractère abusif de son licenciement, de 5 518,21 euros de reliquat d'indemnité de licenciement et de 49 200 euros en indemnisation du harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi.

Par juge

ment n° 1709141 lu le 6 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a, dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) l'a licenciée ainsi que de condamner l'ANACT à lui verser les sommes de 24 600 euros en indemnisation du caractère abusif de son licenciement, de 5 518,21 euros de reliquat d'indemnité de licenciement et de 49 200 euros en indemnisation du harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi.

Par jugement n° 1709141 lu le 6 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, annulé la décision du 2 novembre 2017 susvisée et, dans un article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 avril 2019 et 5 février 2020, l'ANACT, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 6 février 2019 et de rejeter la demande d'annulation présentée par Mme C... devant le tribunal administratif ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la manière de servir de Mme C... révèle son incapacité à s'acquitter des missions qui lui étaient confiées ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables car non liées ; au surplus, la perte de salaire et le harcèlement moral ne sont pas établis.

Par mémoire enregistré le 5 juillet 2019, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et, reconventionnellement, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement rejetant ses conclusions indemnitaires et de condamner l'ANACT à l'indemniser des sommes de 24 600 euros, de 7 740 euros et de 49 200 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'ANACT une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision de licenciement repose sur des motifs entachés d'erreurs matérielles, d'erreur d'appréciation et de détournement de pouvoir ;

- ses conclusions indemnitaires sont recevables ; elle a droit à une indemnisation de ses préjudices découlant de l'illégalité du licenciement prononcé ainsi que du harcèlement moral qu'elle a subi.

La clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2020 par une ordonnance du 14 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour l'ANACT ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée par l'ANACT sous contrat à durée déterminée, à compter du 1er octobre 2012, en qualité de responsable du département " transfert et communication " puis, en application des dispositions du 1er alinéa du II de l'article 43 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, sous contrat à durée indéterminée, à compter du 1er avril 2017. Par décision du 2 novembre 2017, le directeur général de l'ANACT l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. L'ANACT relève appel de l'article 1er du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision tandis que, Mme C... demande l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué rejetant ses conclusions indemnitaires.

Sur l'appel principal de l'ANACT :

2. Aux termes de l'article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle (...) ". En vertu de ces dispositions, le licenciement ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises ni qu'elle ait persisté après qu'il a été invité à y remédier.

3. Les fonctions de responsable du département " transfert et communication " portaient sur l'encadrement de la communication de l'établissement, d'une part, et sur l'édition d'études techniques consacrées au milieu du travail, d'autre part. Or, il ressort des témoignages concordants produits par l'ANACT que Mme C... a manifesté son désintérêt pour le second domaine et son incapacité à organiser l'activité de production et de diffusion, au point que ses carences ont provoqué la mise en oeuvre du dispositif d'alerte de la part de l'ensemble des agents affectés à cette activité. Ne saurait tenir lieu de justification la persistance de conflits individuels qu'il lui appartenait de résoudre et qui ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle veille à organiser l'activité éditoriale placée sous sa responsabilité. Par suite, l'ANACT est fondée à soutenir que c'est à tort, que pour annuler le jugement attaqué, le tribunal s'est fondé sur les erreurs matérielles ou d'appréciation qui entacheraient la décision de licenciement prise le 2 novembre 2017 par son directeur général.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....

5. En premier lieu, ni l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ni les articles 1-2, 47-1 et 47-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ne sont applicables aux agents contractuels des établissements publics de l'État. Il suit de là que les moyens tirés de l'absence de convocation devant la commission consultative paritaire, en méconnaissance de ces dispositions, doivent être écartés comme inopérants.

6. En deuxième lieu, les articles 19 à 21 du règlement intérieur de la commission consultative paritaire n'étant pas encore en vigueur à la date d'engagement de la procédure de licenciement, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, les dispositions du décret du 28 mai 1982 susvisé ne sont applicables qu'aux commissions administratives paritaires compétentes pour les agents titulaires de l'État. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

8. En quatrième lieu, si Mme C... soutient qu'elle n'a pas eu connaissance du rapport de l'ANACT présenté devant la commission consultative paritaire, elle n'invoque la méconnaissance d'aucune disposition à ce titre qui prescrirait sa communication préalable.

9. En cinquième lieu, si aux termes de l'article 1er-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé : " (...) Lorsque la commission consultative paritaire doit se prononcer en matière disciplinaire, seuls les représentants du personnel occupant un emploi de niveau au moins égal à celui de l'agent dont le dossier est examiné, ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration, sont appelés à délibérer (...) ", aucune disposition ne prescrit la parité entre représentants du personnel et représentants de l'administration pour les avis émis sur les projets de décisions autres que disciplinaire. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la commission consultative partiaire ne pouvait régulièrement délibérer avec un représentant du personnel et deux de la direction de l'ANACT doit être écarté comme inopérant.

10. En sixième lieu, et alors que pour les motifs exposés au point 3 l'insuffisance professionnelle de Mme C... est établie, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige ait été prise dans un autre but que celui pour lequel cette mesure a été édictée. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, dès lors, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'ANACT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 2 novembre 2017 par laquelle son directeur a prononcé le licenciement de Mme C... pour insuffisance professionnelle. Le jugement doit être annulé dans cette mesure et la demande d'annulation présentée par Mme C... à l'encontre de cette décision doit être rejetée.

Sur l'appel de Mme C... et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité :

12. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ".

13. Mme C... n'a pas, avant l'intervention du jugement attaqué, saisi l'ANACT d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle soutient avoir subis. La demande indemnitaire qu'elle a présentée directement devant le tribunal était donc irrecevable en application des dispositions de l'article R. 421-1 du code précité sans que la demande qu'elle a présentée par courrier du 5 mars 2019, postérieurement à ce jugement, ait pu avoir pour effet de la régulariser. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par l'article 3 de son jugement, a rejeté sa demande comme irrecevable. Ses conclusions reconventionnelles doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de l'ANACT. Les conclusions présentées par Mme C..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1709141 lu le 6 février 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal par Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'ANACT l'a licenciée ainsi que l'appel de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et à Mme E... C....

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

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N° 19LY01314


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 01/10/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY01314
Numéro NOR : CETATEXT000042409503 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-01;19ly01314 ?
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