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01/10/2020 | FRANCE | N°18LY04530

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 01 octobre 2020, 18LY04530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Auxerre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 17 octobre 2017 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (CASDIS) de l'Yonne a fixé les modalités de calcul et de répartition des contributions au service des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du département de l'Yonne pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1800444 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon

a annulé cette délibération et prescrit au CASDIS de l'Yonne de prendre une nouv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Auxerre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 17 octobre 2017 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (CASDIS) de l'Yonne a fixé les modalités de calcul et de répartition des contributions au service des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du département de l'Yonne pour l'année 2018.

Par un jugement n° 1800444 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette délibération et prescrit au CASDIS de l'Yonne de prendre une nouvelle délibération conformément aux dispositions de l'article R. 1424-32 du code général des collectivités territoriales.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 décembre 2018 et 30 janvier 2020, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Yonne, représentée par la SELARL Philippe Petit et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune d'Auxerre ;

3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en considérant que les modalités de répartition des contributions, et en particulier le critère dit du " preciput ", seraient contraires au principe d'égalité devant les charges publiques ; le tribunal ne pouvait valablement retenir la prétendue illégalité d'un seul critère pour annuler la délibération alors qu'il devait apprécier de manière globale le dispositif de calcul des contributions mis en place et vérifier son caractère manifestement disproportionné ou non ;

- le critère de l'éloignement n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ni sans rapport avec l'exécution du service ;

- l'écart de contributions entre les communes membres est parfaitement justifié par les différences de situation objectives entre elles ;

- la délibération en litige n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, ni au principe d'égalité devant les charges publiques, et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, les autres moyens invoqués en première instance par la commune, tirés de l'incompétence du président pour signer la délibération et de l'irrégularité de la convocation des membres du conseil d'administration, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, la commune d'Auxerre, représentée par la SCP Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Yonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le critère dit du " preciput " était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ;

- le critère de l'éloignement n'est au demeurant pas plus justifié au regard des conditions d'exploitation du service ;

- l'argument du SDIS qui consiste à soutenir que l'écart des tarifs par habitant, qui varie du simple au quadruple, serait parfaitement justifié dès lors qu'il existe des différences objectives, ne peut pas prospérer faute pour le SDIS de justifier d'un tel écart, qui paraît manifestement disproportionné par rapport aux situations des communes qui ne présentent pas de telles disparités ;

- par ailleurs, la délibération est entachée d'un vice d'incompétence du président du SDIS de l'Yonne et la convocation des membres du conseil d'administration du SDIS était irrégulière.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant le SDIS de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Yonne (89) relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon, à la demande de la commune d'Auxerre, a d'une part annulé la délibération du 17 octobre 2017 par laquelle son conseil d'administration a arrêté les modalités de calcul et de répartition des contributions communales et intercommunales à son budget pour l'année 2018 et d'autre part, lui a enjoint de prendre une nouvelle délibération conformément aux dispositions de l'article R. 1424-32 du code général des collectivités territoriales.

2. Aux termes de l'article L. 1424-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires relatives à l'administration du service départemental d'incendie et de secours. ". Aux termes de l'article L. 1424-35 de ce code : " (...) Les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours au financement du service départemental d'incendie et de secours sont fixées par le conseil d'administration de celui-ci. (...) Les contributions des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et du département au budget du service départemental d'incendie et de secours constituent des dépenses obligatoires. (...) Avant le 1er janvier de l'année en cause, le montant prévisionnel des contributions mentionnées aux quatrième et cinquième alinéas, arrêté par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, est notifié aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les modalités de calcul et de répartition des contributions que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours versent au budget du SDIS sont arrêtées chaque année par délibération du conseil d'administration de cet établissement public avant d'être notifiées aux différents contributeurs.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour l'exercice 2018, le conseil d'administration du SDIS de l'Yonne a décidé, par la délibération litigieuse du 17 octobre 2017, que le montant global prévisionnel des recettes, évalué à 14 522 594,13 euros, serait réparti entre les communes ou EPCI contributeurs, sans changement depuis 2016, en application de six principes tenant à la population, au potentiel financier des communes, à l'application d'un " preciput " au détriment des communes ayant accueilli le siège de centres de secours professionnels avant 1998, à l'application d'un plafonnement des contributions à 81 euros par habitant, à la prise en compte, par l'application d'un écrêtement, de la proximité de la commune à cinq kilomètres d'un centre de secours professionnel ou volontaire et à l'application d'un lissage sur cinq ans de manière à atténuer les variations importantes de contributions par rapport aux années précédant 2016. En application de ces critères, le montant prévisionnel de la contribution due par la commune d'Auxerre au budget du SDIS de l'Yonne pour 2018 a été fixé à 2 810 989,73 euros. Pour annuler la délibération du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Dijon a considéré que le principe dit du " preciput " méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques.

5. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce qu'une autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

6. Il ressort des termes de la délibération litigieuse que le principe du " preciput " s'applique aux communes, sièges de centres de secours professionnels en 1998, et prévoit de leur faire supporter 80 % de la masse salariale des effectifs recrutés par elles avant la départementalisation. Contrairement aux affirmations du SDIS, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des éléments de calcul qu'il produit, que les références utilisées sont la masse salariale constatée au 31 décembre 2014 et les effectifs de 1998 et de 2014, ce qui implique que les variables de calcul sont figées et n'évoluent pas chaque année.

7. En vertu de l'article L. 1424-13 du code général des collectivités territoriales, les sapeurs-pompiers professionnels, qui à la date de la promulgation de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours, relevaient d'un corps communal ou intercommunal ont été transférés au corps départemental dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de cette loi. Par suite, ce transfert de personnel était nécessairement achevé à la date de la délibération litigieuse. Or, le SDIS de l'Yonne ne justifie la majoration de contribution mise à la charge des communes ou EPCI du département de l'Yonne concernés en application du principe du dit du " preciput ", par aucune différence de situation de ces communes ou EPCI par rapport aux autres communes ou EPCI de ce département au regard de l'exécution du service public d'incendie et de secours à la date à laquelle la délibération litigieuse a été adoptée.

8. En outre, et en tout état de cause, le SDIS de l'Yonne ne démontre pas que l'application d'un plafonnement des contributions communales et intercommunales à 81 euros par habitant et d'un lissage sur cinq ans auraient eu pour effet de faire varier de manière non manifestement disproportionnée la contribution due par les communes ou EPCI, sièges d'un centre de secours professionnels avant 1998, par rapport aux contributions versées par les autres communes du département. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des éléments de calcul qu'il fournit, que la somme déterminée par application du principe du " preciput " représente plus de la moitié du montant de la contribution de la commune d'Auxerre au titre de l'année 2018.

9. Il résulte de ce qui précède que le SDIS de l'Yonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération de son conseil d'administration du 17 octobre 2017.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du SDIS de l'Yonne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Auxerre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de l'Yonne et à la commune d'Auxerre.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

M. Rivière, premier conseiller,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

2

N° 18LY04530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04530
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Services publics locaux - Dispositions particulières - Services d'incendie et secours.

Collectivités territoriales - Coopération - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales - Dispositions générales et questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-01;18ly04530 ?
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