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29/09/2020 | FRANCE | N°19LY04682

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 19LY04682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 26 novembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1904360 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

ête enregistrée le 20 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., avocat, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 26 novembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1904360 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 26 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2019.

Par une ordonnance du 7 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D... G..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions du 26 novembre 2018, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à Mme B..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1943, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de Mme B..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, Mme B..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un (...) ascendant direct à charge (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". L'article L. 121-3 du même code dispose en outre que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ".

4. Il résulte de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interprété à la lumière de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée, que pour qu'un ascendant direct d'un citoyen de l'Union puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci au sens de l'article 2, point 2, sous c), de cette directive 2004/38, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le ressortissant communautaire ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint (CJCE 9 janv. 2007, Jia c/ Migrationsverkert, aff. C-1/05). Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'État membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, l'ascendant direct d'un citoyen de l'Union ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'État d'origine ou de provenance d'un tel ascendant au moment où il demande à rejoindre ledit citoyen. En revanche, il n'est pas nécessaire de déterminer les raisons de cette dépendance, et donc du recours à ce soutien. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du ressortissant communautaire ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de celui-ci. Le fait en revanche, qu'un citoyen de l'Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à ce descendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'État d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe (CJUE, 16 janv. 2014, Flora May Reyes c/ Migrationsverket, aff. C-423/12).

5. Mme B... indique, sans autres précisions, vivre avec son fils, de nationalité italienne, et être prise en charge par celui-ci depuis de nombreuses années, d'abord en Italie puis en France. Toutefois, la seule attestation de son fils qu'elle produit ne saurait suffire à établir la réalité, la durée et la nécessité du soutien matériel qui lui serait ainsi apporté par celui-ci. Ainsi, et en l'absence de toute pièce relative notamment à sa situation sociale et financière personnelle, Mme B... ne démontre pas être à la charge de son fils, au sens des dispositions précitées. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa demande pour ce motif.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, dispose par ailleurs que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Mme B... indique, sans autres précisions, vivre avec son fils, de nationalité italienne, et l'épouse de celui-ci, depuis de nombreuses années, d'abord en Italie puis en France. Toutefois, les pièces, au demeurant peu nombreuses, qu'elle produit, et notamment l'attestation de résidence établie par les autorités italiennes le 8 janvier 2020, ne font état de sa présence en Italie que de manière discontinue entre 2003 et 2019. Elle a ainsi vécu, jusqu'à l'âge de 60 ans au Maroc et n'établit pas avoir résidé plus de deux ans sur le territoire français à la date de la décision en litige. A l'exception de son fils et de l'épouse de celui-ci, elle ne se prévaut d'aucune attache privée et familiale en France et n'établit pas en être dépourvue dans son pays d'origine, où elle a vécu l'essentiel de son existence. Enfin, Mme B... disposant alors d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes valable jusqu'au 3 mai 2019, la décision en litige ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse conserver des liens avec son fils. Dans ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.

8. Enfin, et pour ces mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, Mme B..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

11. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, Mme B..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

2

N° 19LY04682


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 29/09/2020
Date de l'import : 18/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY04682
Numéro NOR : CETATEXT000042409404 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;19ly04682 ?
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