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29/09/2020 | FRANCE | N°19LY04652

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 19LY04652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 15 janvier 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporair

e portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 15 janvier 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et en cas d'annulation de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat.

Par un jugement n° 1902482 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du préfet du Rhône du 15 janvier 2019, a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît pas le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le traitement nécessité par l'état de santé de l'intéressé étant disponible en Tunisie.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2020, M. B... C..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il expose que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision limitant à trente jours le délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G..., première conseillère,

- et les observations de Me F..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 3 juin 1986, déclare être entré en France en 2009. Par décisions du 15 janvier 2019, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait en raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 17 décembre 2019, dont le préfet du Rhône relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une cardiopathie congénitale complexe, pour laquelle il est porteur, depuis 2010, d'un pacemaker, compliquée de troubles psychiatriques se manifestant par des épisodes dépressifs sévères. Par un avis daté du 11 avril 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a toutefois estimé que si son état de santé nécessite ainsi une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cet avis est corroboré par des extraits du site internet du ministère de la santé tunisien, produits par le préfet du Rhône, dont il ressort que les spécialités pharmaceutiques prescrites à M. C..., ou les principes actifs qui les composent, sont autorisés sur le marché tunisien. Il en est ainsi notamment de la mirtazapine, principe actif du Norset 15 prescrit à M. C... comme antidépresseur. La circonstance que cette spécialité ne figurait pas sur la liste des médicaments génériques dans sa version de janvier 2020 produite par M. C... ne saurait par suite suffire à remettre en cause sa disponibilité en Tunisie. Au surplus, M. C... ne démontre, ni même ne prétend, qu'un autre antidépresseur ne pourrait lui être substitué. En se bornant à relever que les pièces produites en défense ne sont pas datées et ne précisent pas les posologies en cause, M. C... ne démontre pas que les traitements ainsi commercialisés ne seraient plus disponibles en Tunisie, ni que leur posologie ne peut convenir. De même, s'il fait valoir que le préfet ne démontre pas la disponibilité du matériel de haute technicité requis par son état de santé, il n'apporte lui-même aucune précision sur ce matériel, ni ne produit de pièce tendant à établir son indisponibilité. Par ailleurs, si une expertise datée du 15 mars 2017 indiquait qu'une intervention palliative de type " totalisation cavo pulmonaire " à hauts risques devait être réalisée de préférence dans un centre européen, les certificats plus récents, notamment celui en date du 29 mars 2019, n'évoquent une intervention chirurgicale, notamment une greffe, qu'en cas d'évolution de la pathologie vers une dysfonction du ventricule unique, sans prévoir une telle opération. Enfin, si M. C... invoque des conditions, tenant notamment à la reprise d'une activité professionnelle, requises pour que son traitement soit pris en charge financièrement en Tunisie, il n'apporte toutefois pas la preuve que l'affiliation à la caisse nationale de sécurité sociale tunisienne lui sera nécessairement refusée, ni ne produit aucun élément sur le coût réel, en Tunisie, du traitement qu'il suit actuellement en France et de sa capacité à le supporter au regard des revenus qu'il est susceptible d'obtenir, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier de l'aide, même provisoire, de sa famille ou de proches restés en Tunisie. Ainsi, il n'établit pas qu'il serait dans l'impossibilité financière de suivre un tel traitement en Tunisie. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Rhône en se fondant sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le traitement requis par l'état de santé de M. C... ne serait pas effectivement disponible en Tunisie.

5. Il suit de là que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que tribunal administratif de Lyon a, pour annuler ses décisions du 15 janvier 2019, retenu le moyen tiré la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant elle.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, le préfet du Rhône a énoncé les considérations de droit et de fait, propres à la situation de l'intéressé, qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, M. C..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée.

8. En deuxième lieu, le préfet du Rhône a produit en défense l'avis rendu le 11 avril 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de ce collège manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Par ailleurs, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose par ailleurs que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

10. M. C..., ressortissant tunisien né le 3 juin 1986, déclare être entré en France en 2009. A supposer même qu'ainsi qu'il prétend, il résidait depuis dix ans sur le territoire français à la date de la décision en litige, il est constant qu'il s'y est ainsi maintenu en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 25 septembre 2015. Par ailleurs, célibataire et dépourvu de charges de famille, il n'y dispose d'aucune attache familiale, alors qu'il n'établit pas en être dépourvu en Tunisie, où il a vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 23 ans, où il est retourné au cours de l'année 2017 et où demeurent certains membres de sa fratrie. Par ailleurs, s'il se prévaut des liens qu'il aurait noués au sein de la structure d'hébergement semi-collectif qui l'a accueilli entre 2014 et 2016, il ne réside plus dans ce foyer et ne peut se prévaloir d'une insertion particulière, notamment en l'absence d'activité professionnelle et compte tenu de l'ordonnance pénale dont il a fait l'objet pour des faits de vol en 2017. Enfin, il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que M. C... n'établit pas qu'il ne pourrait recevoir un traitement adapté à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

12. La seule circonstance que M. C... résiderait de façon habituelle sur le territoire français depuis dix ans à la date du refus de titre de séjour ne constitue pas, en elle-même, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 10 du présent arrêt, le préfet du Rhône n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Le préfet du Rhône ayant énoncé les considérations de droit et de fait justifiant le rejet de la demande de titre de séjour l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français dont ce refus est assorti doit être écarté.

14. En deuxième lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, M. C..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

17. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que M. C... n'établit pas que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Rhône en se fondant sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le traitement requis par son état de santé ne serait pas effectivement disponible en Tunisie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

18. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) ". En application de ces dispositions, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du délai de départ volontaire fixé par la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

19. En second lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

20. En premier lieu, le préfet du Rhône a énoncé les considérations de droit et de fait, propres à la situation de l'intéressé, qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, M. C..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée.

21. En deuxième lieu, comme il a été indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.

22. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

23. Comme indiqué au point 4 du présent arrêt, M. C... n'établit pas que le traitement requis par son état de santé ne serait pas effectivement disponible en Tunisie. En l'absence d'autres précisions apportées à son appui, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

24. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 15 janvier 2019 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C....

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902482 du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la SCP Couderc-Zouine et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

2

N° 19LY04652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04652
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;19ly04652 ?
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