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29/09/2020 | FRANCE | N°19LY03847

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 19LY03847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, sub

sidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1903102 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2019 et l'arrêté du 1er février 2019 du préfet de l'Isère ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros qui sera versée à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision litigieuse du 1er février 2019 est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car sa vie privée et professionnelle est en France ; il ne pourra pas poursuivre sa scolarité et son insertion professionnelle dans son pays d'origine.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant tunisien né le 28 octobre 2000, expose qu'il est entré en France en décembre 2017. Il a été confié, le 9 juillet 2018, à l'aide sociale à l'enfance et a formé, une fois devenu majeur, une demande de titre de séjour, à titre exceptionnel, sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2019, le préfet de l'Isère a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, et contrairement aux affirmations de M. D..., l'arrêté en litige comporte l'indication des considérations de droit et de fait qui fondent la décision de refus de titre de séjour. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

5. M. D... établit par les pièces qu'il produit qu'il a effectué un stage de trois semaines comme vendeur chez un primeur et qu'il s'est inscrit pour une formation de CAP avec un contrat d'apprentissage du 1er octobre 2018 au 31 août 2020. A la date de la décision attaquée, il n'avait donc suivi que quatre mois de formation et ne remplissait pas, comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, la condition, prévue par les dispositions précitées, d'avoir suivi depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. M. D... ne produit par ailleurs pas d'éléments permettant d'apprécier le sérieux du suivi de cette formation et ne fait pas état d'une insertion particulière dans la société française. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit par suite être écarté.

6. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". A la date de la décision attaquée, M. D..., qui a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, ne séjournait en France que depuis un an et trois mois. Il y vit célibataire et sans enfant, ne fait pas état d'y posséder des attaches familiales, alors qu'il n'en est pas démuni dans son pays d'origine et n'établit pas y avoir créé des liens intenses ou réussi une intégration particulière. Dans ces circonstances, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte des éléments de la situation de M. D... qui viennent d'être exposés que celui-ci n'est pas non plus fondé à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant de quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 6 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour et contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

11. Il n'est par ailleurs établi par aucun élément que le retour dans son pays d'origine priverait M. D... de toute possibilité d'avenir professionnel et de formation. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit par suite également être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur les frais non compris dans les dépens :

12. Les conclusions à fin d'annulation de M. D... devant être rejetées, doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Mme E... G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

No 19LY038472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03847
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;19ly03847 ?
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