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07/09/2020 | FRANCE | N°20LY00143

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 septembre 2020, 20LY00143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903029 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés le 14 janvier 2020 et le 2 juillet 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. E....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903029 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2020 et le 2 juillet 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. E..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. E... soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour se fonde sur un avis du 5 février 2019 de la DIRECCTE qui était irrégulier ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement dans sa réponse aux moyens tirés de ce qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire le préfet a méconnu le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement dans sa réponse aux moyens tirés de ce qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an le préfet a méconnu le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de titre de séjour se fonde sur un avis irrégulier de la DIRECCTE ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sans l'avoir invité à compléter son dossier d'autorisation de travail, le préfet a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet, qui s'est estimé en situation de compétence liée par rapport à l'avis défavorable de la DIRECCTE, a commis une erreur de droit sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation ;

- en rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour dans laquelle il se prévalait de sa situation familiale et d'une promesse d'embauche, sans rechercher s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour mention vie privée et familial ou à un titre de séjour salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet a commis une erreur de droit ;

- l'arrêté préfectoral, qui indique que son épouse a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, est entaché d'erreur de fait ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Le préfet de Saône-et-Loire auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté de mémoire.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., premier conseiller,

- et les observations de Me H..., représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 26 novembre 1981, de nationalité serbe, est entré en France le 14 juillet 2012. Il a fait l'objet le 6 juillet 2013 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le 19 septembre 2017 il a présenté une nouvelle demande d'admission au séjour en invoquant sa présence en France depuis 2012 et la scolarisation de ses enfants. Par arrêté du 9 janvier 2018, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an. Par un jugement du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté pour insuffisance de motivation. En exécution de l'injonction décidée par ce jugement, le préfet a réexaminé la demande de M. E... et rejeté sa demande de titre de séjour en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an par un arrêté du 25 octobre 2019. M. E... relève appel du jugement du 11 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier et des termes du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments soulevés par M. E..., ont répondu à l'ensemble des moyens qui avaient été soulevés devant eux. Par suite, les moyens tirés de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. Il ressort des pièces du dossier que la demande que M. E... a présentée en septembre 2017 à la préfecture tendait à obtenir " un titre de séjour vie privée et familiale en rapport avec la circulaire Valls du 28 novembre 2012 ou tout autre titre de séjour qui conviendrait à sa situation ". L'intéressé invoquait sa présence en France depuis 2012 et la scolarisation de ses enfants. Si M. E... fait valoir qu'il a ensuite transmis au préfet deux promesses d'embauche dans un commerce de boucherie datées, respectivement, du 4 juin 2018 et du 8 juillet 2019, les pièces produites au dossier, notamment les enveloppes comportant un timbre de la préfecture de Saône-et-Loire le 8 juin 2018 et le 19 juillet 2019, ne suffisent pas à établir que tel aurait été le cas. Dès lors que le préfet avait seulement été saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour portant sur la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", il lui appartenait seulement de vérifier si cette demande répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a procédé à cet examen au regard de la durée de séjour de l'intéressé en France, de ses liens personnels et familiaux, de son intégration dans la société française et de sa situation professionnelle. Il n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit. Si, s'agissant de la situation professionnelle de M. E..., il a indiqué que l'intéressé ne dispose pas d'autorisation de travail et donc de ressources légales, la DIRECCTE ayant émis le 5 février 2019 un avis défavorable à la promesse d'embauche présentée au sein de l'entreprise de bâtiment Sahiti, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par cet avis pour refuser de régulariser sa situation. Le préfet n'ayant pas, dans l'arrêté en litige, refusé de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à M. E... sur le fondement de l'article L. 313-14 ou de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier n'est pas fondé à exciper à l'encontre du refus de titre de séjour de l'illégalité de l'avis de la DIRECCTE qui n'est pas le fondement légal du refus de titre de séjour. Pour le même motif, le préfet n'était pas tenu, avant de prendre la décision en litige, d'inviter le requérant à compléter son dossier d'autorisation de travail.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mention selon laquelle l'épouse de M. E... ferait l'objet d'une mesure d'éloignement similaire serait entachée d'erreur de fait, la circonstance que celle-ci n'aurait pas reçu notification de ladite décision ne démontrant pas son inexistence. En tout état de cause, il n'est pas allégué qu'elle disposerait d'un droit à séjourner en France.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. E... fait valoir qu'il vivait en France depuis sept ans à la date de l'arrêté attaqué, que ses trois enfants ainés, nés respectivement en 2005, 2008 et 2011, sont scolarisés en France, qu'il a eu un dernier enfant né en France en 2016, que ses parents, qui ont besoin de son assistance, ainsi que son frère résident régulièrement en France et qu'il bénéficie de plusieurs promesses d'embauche. Toutefois, l'intéressé, qui a résidé jusqu'à l'âge de 31 ans en Serbie, et dont la compagne, qui est de même nationalité que lui, se trouve également en situation irrégulière en France, s'est maintenu sur le territoire français après avoir fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Il n'est pas établi que les parents de l'intéressé nécessitent une aide quotidienne qui ne pourrait être apportée que par le requérant. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Serbie où il n'est pas allégué que les enfants ne pourraient être scolarisés. Par suite, nonobstant les efforts d'insertion du requérant et même si ses enfants sont scolarisés, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet de Saône-et-Loire n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. L'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer le requérant et sa compagne de leurs enfants. La circonstance que ceux-ci ont toujours été scolarisés en France et vivent auprès de leurs grands-parents ne suffit pas à constituer une atteinte à leur intérêt supérieur, dès lors que, comme il a été dit précédemment, qu'il n'est pas établi qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Serbie.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.

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N° 20LY00143

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00143
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-07;20ly00143 ?
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