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07/09/2020 | FRANCE | N°19LY04351

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 septembre 2020, 19LY04351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 novembre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son époux.

Par un jugement n° 1706674 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;<

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2°) d'annuler la décision du 16 novembre 2018 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 novembre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son époux.

Par un jugement n° 1706674 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 16 novembre 2018 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'admettre son époux au regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Mme D... soutient que :

- le préfet ne pouvait se fonder sur le 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande de regroupement familial ;

- le refus du préfet est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme K..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante guinéenne née en 1970, s'est mariée le 15 janvier 1988 en Guinée avec un ressortissant de nationalité française, M. B... H.... Entrée en France le 7 juillet 1988, elle a bénéficié de titres de séjour successifs en tant que conjointe de français. Le couple a eu trois enfants nés en France en 1989, en 1996 et en 1999. Un quatrième enfant est né de cette union en 1993 lors d'un séjour en Guinée. Elle est repartie vivre dans son pays d'origine en 2000 et y a donné naissance à un cinquième enfant en 2001. Elle est revenue en France le 7 août 2005 avec ses trois enfants nés en France, son époux étant resté en Guinée avec leurs deux enfants nés dans ce pays. Bénéficiant d'une carte de résident de dix ans en tant que conjoint de français valable du 6 juillet 2009 au 7 juillet 2019, elle a déposé le 16 août 2016 une demande en vue d'acquérir la nationalité française. Le 10 octobre 2018, la préfecture a rejeté sa demande de naturalisation au motif que son conjoint, de son vrai nom M. G... L... D..., né en 1956 au Mali, a usurpé l'identité de M. B... H..., ressortissant français. Elle a déposé l'année suivante, le 3 avril 2017, une demande de regroupement familial au bénéfice de son époux. Par une décision du 16 novembre 2018, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande sur le fondement du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme D... relève appel du jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ".

3. Pour refuser d'accorder le bénéfice du regroupement familial à Mme D..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance qu'elle a pu bénéficier, du fait de l'usurpation d'identité de son mari, de manière indue et frauduleuse, de deux titres de séjour en qualité de conjoint de français, délivrés en 1989 et 2009, et qu'elle ne pouvait ignorer les agissements de son époux ainsi qu'en atteste le fait que, lors du dépôt de sa demande de naturalisation en 2016, elle a fourni une copie d'un livret de famille daté de 1988 faisant apparaître la véritable identité de son époux. Toutefois, l'affirmation du préfet selon laquelle Mme D... aurait participé à la fraude et ne se serait pas, de ce fait, conformée aux principes essentiels qui conformément aux lois de la République régissent la vie familiale en France n'est, au vue des pièces du dossier, pas établie. Au demeurant, de tels faits ne relèvent pas des principes essentiels régissant la vie familiale en France. Par suite, Mme D... est fondée à soutenir que le préfet a méconnu le 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder, pour ce motif, le bénéfice du regroupement familial. Par suite, cette décision doit être annulée.

4. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin de se prononcer les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

5. L'annulation par le présent arrêt de la décision refusant d'accorder à Mme D... le bénéfice du regroupement familial au profit de son conjoint n'implique pas nécessairement dans les circonstances de l'espèce que le préfet accorde le bénéfice du regroupement familial à Mme D..., mais seulement que sa demande soit réexaminée. Il y a lieu, ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Mme D... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, les conclusions présentées par Me C... tendant à ce que l'Etat lui verse une somme en application de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 16 novembre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme D... au profit de son époux et le jugement du 30 septembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme K..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.

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N° 19LY04351

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04351
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-07;19ly04351 ?
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