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25/08/2020 | FRANCE | N°20LY01060

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 20LY01060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à int

ervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant une auto...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1903886 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 février 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, le temps du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sur la régularité du jugement : les premiers juges se sont abstenus de procéder à un examen complet des pièces produites établissant qu'elle a été victime de violences conjugales ; elle a été victime de violences psychologiques sévères et la notion de violence ne saurait se limiter à des violences physiques ; ce n'est pas parce que le jugement prononçant le divorce ne fait pas état de violences conjugales qu'il n'y a pas eu violences ;

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a été victime de violences conjugales dès son arrivée en France, elle a déposé une main courante le 15 septembre 2015 et une plainte ; elle a été mise de force par son époux dans un avion à destination de l'Algérie le 19 septembre 2015 et elle a réussi à revenir en France en décembre 2015 ; elle réside depuis trois ans au sein du foyer de la fondation ARALIS ; elle produit des certificats médicaux évoquant un état de stress important et des dermabrasions ; elle a toujours cherché à s'intégrer et travaille ; elle n'a aucun membre de sa famille proche en Algérie ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'elle est bien intégrée, travaille et n'a aucune attache en Algérie ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour a privé de base légale les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision n'est pas motivée par le fait qu'elle sera exposée à des traitements dégradants en cas de retour en Algérie du fait de son divorce ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'a aucune vie privée et familiale en Algérie et qu'elle n'a plus de contact avec sa famille compte tenu de sa situation de femme divorcée ;

- la décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa situation de femme divorcée et isolée la mettrait en danger.

Le mémoire, enregistré le 3 juillet 2020, présenté par le préfet du Rhône, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G... D..., ressortissante algérienne née le 12 janvier 1979, est entrée en France le 25 avril 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour portant la mention " famille de français " en qualité de conjoint d'un ressortissant français à la suite de son mariage, le 29 décembre 2014, avec M. E... F.... Le 7 mai 2015, elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Le 4 mai 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 20 février 2019, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le bien-fondé des motifs retenus par les premiers juges pour écarter un moyen n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif, en estimant qu'elle n'établissait pas que la rupture de la vie commune avait été provoquée par des violences conjugales, n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de la requérante et des pièces qu'elle avait produites ne peut être utilement invoqué pour contester la régularité du jugement.

Sur la légalité du refus de refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. Mme D... fait valoir que la rupture de la vie commune avec son époux résulte des violences conjugales dont elle a été victime dès son arrivée en France. Il ressort des pièces du dossier que, le 15 septembre 2015, l'intéressée a déposé une main courante pour " différends familiaux " et a déposé plainte, le 26 avril 2016, auprès du commissariat du 3ème et 6ème arrondissement de Lyon en faisant état de ce que son mari l'insultait et l'avait contrainte à prendre l'avion à destination de l'Algérie le 19 septembre 2015. Mme D... produit également un certificat médical du 1er avril 2016 selon lequel elle indique se sentir extrêmement faible, se plaint de céphalées et de douleur dans les genoux sans notion de chute ou de coups après avoir couru pour échapper à son ex-mari et une attestation du 15 juin 2016 par laquelle le gardien de la mairie du 3ème arrondissement de Lyon fait état de ce que Mme D... s'est réfugiée à la mairie pour échapper, selon ses propos, à son ex-mari. Mme D... n'apporte aucun élément permettant d'établir avec suffisamment de certitude la réalité des violences conjugales tant physiques que psychiques alléguées et ce alors qu'elle n'indique pas quelles suites judiciaires ont été réservées à ses plaintes. La circonstance qu'elle établit avoir été victime d'une agression par sa belle-soeur en produisant un certificat médical du 24 mai 2016 par lequel le médecin atteste qu'elle présentait des dermabrasions cervicales et faciales, un dépôt de plainte du 25 mai 2016 relatant cette agression et une attestation du 7 février 2020 d'une intervenante sociale à la fondation ARALIS attestant avoir assisté à la dispute ne suffit pas à constituer un élément de preuve suffisant de nature à démontrer que la rupture de la vie commune avec son époux serait imputable à des violences conjugales. Par ailleurs, Mme D... a vécu 36 ans en Algérie où résident ses trois frères et l'une de ses soeurs. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance qu'elle travaille, qu'elle est bénévole et participe à des cours de français, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder dans le cadre de son pouvoir dérogatoire de régularisation un certificat de résidence.

5. Pour les mêmes motifs, le refus de délivrance d'un titre de séjour n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour a privé de base légale l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

7. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci mentionnent, en visant l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que Mme D... n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées ou qu'elle est exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la décision. Ces motifs comportent l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles se fonde la décision fixant le pays à destination duquel Mme D... pourra être reconduite d'office et ce sans que le préfet du Rhône ne soit tenu de détailler les raisons précises l'ayant conduit à porter cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

8. En faisant état, d'une manière générale, de ce que son statut de femme divorcée la mettrait en danger, Mme D... n'établit pas la réalité des risques actuels auxquels elle pourrait être personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 et 5, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... G... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 20LY01060


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 25/08/2020
Date de l'import : 05/09/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY01060
Numéro NOR : CETATEXT000042283305 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;20ly01060 ?
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